Le nantissement en matière de propriété intellectuelle dans l'espace OHADA
Par Christopher • 5 Mai 2018 • 21 436 Mots (86 Pages) • 694 Vues
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L’autre innovation majeure qu’apporte l’A.U.S est de se distinguer de l’Annexe de Bangui[14] en qualifiant les sûretés portant sur les droits de propriété intellectuelle de nantissement. Juridiquement, il était nécessaire de redéfinir les notions de gage et de nantissement pour distinguer ces sûretés mobilières par la nature juridique de leur assiette et non pas par la dépossession. Cette conception diffère totalement de la conception qu’en fait l’OAPI[15] qui employait le terme de ‘gage’[16]. Le nantissement et le gage se distinguent par la nature du bien mis en garantie car le gage porte sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels or les droits intellectuels sont des meubles incorporels. Les droits de propriété intellectuelle ne font pas l’objet de dépossession matérielle comme l’exige traditionnellement le gage.
A ce niveau la question qui se pose est de savoir quel rapport existe entre les sûretés et les droits de propriété intellectuelle ? La question se pose avec acquitté, mais la tâche est ardue dans la mesure où il faudrait présenter et apprécier tout à la fois le mécanisme du crédit garanti par les droits de propriété intellectuelle. Le risque est grand au vu de la subtilité du terrain et de l’hésitation des juristes sur ces chemins sinueux.
L’approfondissement du sujet d’étude intitulé : « Le nantissement en matière de propriété intellectuelle dans l’espace OHADA » impose une clarification des concepts pour éviter le syndrome de Babel au sein de cette analyse. Ces concepts concernent les expressions suivantes : sûreté réelle, nantissement, droits intellectuels, nantissement des meubles incorporels, de propriété intellectuelle, nantissement des droits de propriété intellectuelle.
La sûreté réelle, consiste dans le droit du créancier de se faire payer, par préférence, sur le prix de réalisation d’un bien meuble ou immeuble affecté à la garantie de l’obligation de son débiteur[17]. Elle se subdivise en sûretés mobilières et immobilières. Les sûretés mobilières comprennent le droit de rétention, le gage, les nantissements sans dépossession et les privilèges.
Le nantissement est défini par le législateur OHADA en le définissant comme « l’affectation d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de bien meuble incorporel présent ou futur en garantie d’une ou plusieurs créances présentes ou futures à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables » ce texte a le mérite de préciser que le nantissement ne porte que sur les biens meubles incorporels. Son assiette comprend donc : les créances, les droits d’associés et valeurs mobilières, le fonds de commerce, le compte bancaire, le compte d’instruments financiers et les droits de propriété intellectuelle. L’Acte Uniforme a défini le nantissement des droits de propriété intellectuelle. En effet, selon l’article 156 « le nantissement des droits de propriété intellectuelle est la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation tout ou partie de ses droits de propriété intellectuelle existants ou futurs ».
Quant au droit incorporel, c’est un droit dont l’objet n’a pas d’existence matérielle. Les droits incorporels ont un objet abstrait : ils portent sur une chose immatérielle. Ils sont extrêmement variés. Certains de ces droits portent sur l’activité créatrice de leur titulaire et lui confèrent un monopole d’exploitation. Ce sont les droits sur une œuvre intellectuelle ou droits intellectuels ou propriété incorporelle : les droits intellectuels confèrent à leur titulaire un monopole temporaire d’exploitation de sa création. Les droits intellectuels présentent certains caractères propres aux droits réels, dont leur objet serait immatériel, d’où leur appellation de « propriétés incorporelles ».
L’expression ‘propriété intellectuelle’ désigne l’ensemble compose d’une part des droits de propriété industrielle et d’autre part du droit d’auteur. Selon l’OMPI[18] cette expression désigne les œuvres de l’esprit. Il comporte deux volets : la propriété industrielle et le droit d’auteur. Qu’entend-on par droits de propriété intellectuelle ? Les droits de propriété intellectuelle sont avant tout des droits de jouissance ou de disposition portant sur une chose. Ils permettent au créateur ou au propriétaire d’une œuvre protégée de tirer profit de son travail ou de son investissement. C’est droits étaient déjà énoncés par la déclaration universelle des droits de l’homme[19] qui consacre le droit de chacun à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il auteur. Les créateurs peuvent obtenir le droit d’empêcher que d’autres utilisent leurs inventions ou autres créations et utiliser ce droit pour négocier une rémunération en contrepartie de leur utilisation par des tiers.
L’espace OHADA, Le droit des affaires a essentiellement vocation à organiser les relations économiques et financières entre agents économiques. Il est donc logique de trouver une cohérence entre un espace juridique donné et l’espace économique dont il doit organiser et sécuriser le court d’affaires. Cette cohérence est réalisée dans le cas de l’OHADA, espace juridique qui correspond presque totalement à la zone franc ; la Guinée Bissau est le seul signataire du traité de l’OHADA qui n’en fait pas partie. En termes géographiques, le champ d’application de l’OHADA correspond actuellement aux seize Etats signataires du traité de Port-Louis du 17 Octobre 1993. Mais dans le cadre de notre étude, cet espace renvoie à l’espace juridico-économique et institutionnel auquel appartiennent les 17 pays membres de l’OHADA[20] ; même si la complexité du sujet nous amènera à faire des incursions dans les corpus juridiques de certains pays ayant une longue pratique dans ce domaine.
La prise de garantie en matière de propriété intellectuelle est relativement récente[21]; d’où l’importance de l’étude du mécanisme du nantissement en matière de propriété intellectuelle dans l’espace OHADA qui retiendra notre attention tout au long de ce travail. Le thème est d’actualité car comme le faisait remarquer le professeur W. Dominique Kabre « la rencontre des droits intellectuels avec le droits des sûretés est encore plus récente[22]. ». Bien qu’on puisse lui trouver des antécédents en dehors de la sphère africaine notamment en Angleterre, en France et au canada.
Les droits de propriété intellectuelle sont des droits fructifères c’est-à-dire qu’ils rapportent des
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