Le fédéralisme russe
Par Christopher • 10 Mai 2018 • 2 139 Mots (9 Pages) • 517 Vues
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Par ailleurs, les républiques jouissent d’une autonomie plus importante, reflétée par un importante marge de manoeuvre en terme d’application de la politique économique fédérale au sein de leur territoire. En outre, leurs impôts sont moins importants que les autres sujets.
A l’asymétrie institutionnelle vient s’ajouter une asymétrie réelle. Les entités fédérales sont très hétérogènes par leur importance démographique, politique ou économique et leur superficie. Ces symétries institutionnelle et réelle se distinguent aussi par leurs contradictions: les entités fédérées les plus peuplées, les plus grandes ou les mieux fournies en ressources n’ont pas forcément une marge d’autonomie plus importante. Si un tiers du territoire est composé de républiques, celles-ci ne représentent que 8% de la population. Dans la majorité des républiques vivent aujourd’hui principalement des Russes.
2) Un fédéralisme différentiel
Si la constitution de 1993 a posé le partage des compétences entre les sujets et le centre, celle-ci n’a pas permis d’établir une répartition des compétences satisfaisant l’ensemble des acteurs politiques de la Russie fédérale. Alors que les pouvoirs non attribués sont revenus aux sujets, les compétences à l’attribution contestée ont été incorporées aux compétences conjointes, dont le nombre est ainsi devenu très élevé; en conséquence, les sujets se sont retrouvés avec une quantité de compétences strictement régionales réduit.
Or, la Constitution de 1993, permet, par son article 11, d’effectuer le partage des compétences non seulement par le biais de la Constitution et du traité fédéral, mais aussi par des traités bilatéraux, réservés aux républiques jusqu’en 1996. Ces traités, négociés entre l’entité fédérée et l’autorité fédérale, ont été les matrices de divers privilèges et droits accordés au cas par cas aux sujets. Alors que la Constitution fédérale est censé prévaloir sur les espaces juridiques régionaux, ces traités bilatéraux sont un moyen pour les entités fédérés de prendre des libertés avec la Constitution ou la législature fédérale, ce qui aboutit à des contradictions. Le premier traité bilatéral de la sorte est signé en 1994 entre Moscou et le Tatarstan. Ces traités peuvent conduire à des dérives, comme dans le cas de la république de Sakha, qui fournit plus de 95% des diamants russes. En menaçant Moscou d’interrompre les livraisons de matière première, les élites de Sakha obtiennent une autonomie économique importante et une part plus importante de leurs bénéfices.
Pour les républiques, le fédéralisme intégral est inenvisageable dans la mesure où elles ont proclamé leur souveraineté avant même la chute de l’URSS. L’adoption d’une constitution par certaines républiques avant la Constitution fédérale de 1993 à permis à ces dernières d’y consacrer des droits en contradiction avec la traité fédéral (le droit à la sécession) ou avec la Constitution (la primauté des lois des entités fédérées sur les lois fédérales).
Comment l’Etat fédéral répond-il à l’échec relatif du fédéralisme sous Eltsine?
II) Le renforcement du pouvoir étatique et la recentralisation comme solutions
Dans l’esprit des nouvelles autorités fédérales, le fédéralisme n’est qu’un héritage de l’URSS encourageant le séparatisme des républiques.
A) Une déconcentration fondée sur des instruments de contrôle
A son arrivée au pouvoir en 1999, Poutine est confronté à la volonté d’autonomie des sujets. Devant l’échec reconnu du fédéralisme sous Eltsine, Poutine cherche en effet à consolider le pouvoir de Moscou. Sa première mesure est, dès 2000, l’instauration par un décret présidentiel de sept districts fédéraux[3], de véritables super-régions ayant à leur tête un Polpred, un “Représentant Plénipotentiaire du Président“ que ce dernier a le pouvoir de nommer et de révoquer. Censés restaurer la verticalité du pouvoir, ces représentants agissent en réalité comme des délégués du président, chargés de veiller à l’application du droit fédéral au sein des districts qu'ils contrôlent. Ils contrôlent ainsi l’action des gouverneurs, les nominations dans la fonction publique et la police, de même que le respect des décisions présidentielles et gouvernementales.
Le pouvoir du président russe est en effet très important. Ces compétences lui donnent la capacité de nommer et révoquer le premier ministre et les hauts fonctionnaires. Il a l’initiative des lois ; il peut suspendre les actes administratifs s’ils les juge non conformes à la Constitution. Ainsi, le président a le pouvoir de lancer la recentralisation du pays. Il va le faire en changeant plusieurs institutions de la Constitution. Il fait voter dès 2000 une loi fédérale lui permettant de dissoudre les assemblées régionales si elles refusent son candidat au poste de gouverneur. En effet, en 2005, sous couvert de mesures anti-terroristes, les gouverneurs locaux ne sont plus élus au suffrage universel direct mais proposés par le président et confirmés par la législature locale, ce qui encourage les gouverneurs à rejoindre le parti du président. Poutine a en outre le pouvoir de révoquer les gouverneurs locaux, qui, s’ils sont dignes de sa confiance, peuvent se représenter autant de fois qu’ils le souhaitent. Les implications de ces décisions sont importantes: désormais, une partie importante du Conseil de la fédération est donc nommée par le président lui-même, ce qui va à l’encontre du principe de séparation des pouvoirs indispensable à la démocratie. Par ailleurs, Poutine supprime le cumul des mandats des gouverneurs locaux, ce qui les empêche de faire partie du Conseil de la Fédération et d’y faire valoir les intérêts des entités fédérés qu’ils représentent. Replacer l’exécutif fédéral au sommet de la pyramide étatique a impliqué pour Poutine de réduire l’autonomie des républiques et d’affronter l’asymétrie du fédéralisme russe. Dans sa tentative d’uniformiser les statuts des entités fédérées, il créé une commission chargée d’examiner les accords bilatéraux: ces derniers sont renoncés en chaîne par les républiques dès 2001.
La cour constitutionnelle n’a pu statuer sur ces changements car la constitution ne prononce pas les modalités des élections et nominations des responsables politiques cités, ce qui rend la révision de la constitution non nécessaire. En revanche, les
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