Crises et fluctuations
Par Plum05 • 9 Janvier 2018 • 24 707 Mots (99 Pages) • 683 Vues
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A. DES CRISES D’ANCIEN RÉGIME AUX CRISES INDUSTRIELLES
Dans le courant du dix-neuvième siècle les crises changent de nature. Les crises de sous-production agricole s’estompent pour laisser la place à des crises de surproduction industrielle.
1. Les crises agricoles
Ce sont des crises d’Ancien Régime. Le modèle en a été formalisé par Ernest Labrousse, un historien français. Le schéma est bien connu. Une série de mauvaises récoltes céréalières déclenche une hausse vertigineuse des prix qui rend le blé inaccessible aux couches les plus populaires, donc les plus fragiles, de la société.
Une série de phénomènes s’enclenche alors. La demande de produits manufacturés diminue, la crise gagne l’industrie. La crise économique dégénère parfois en crise politique avec son cortège d’émotions, de soulèvements, voire de révolutions. Elle affecte également la démographie dont la crise met en évidence une augmentation de la mortalité ainsi qu’un recul des mariages et de graves chutes des conceptions.
À ces crises emboîtées, on ajoutera une crise du crédit, une crise foncière une crise de l’emploi. L’accident climatique initial dégénère en une crise généralisée de l’ensemble du système social et de tout l’édifice politique. Ce modèle aurait perduré jusqu’au milieu du dix- neuvième siècle quoique sous une forme abâtardie. La Révolution de 1789 en constituerait le type le plus abouti et la révolution de 1848 en représenterait le dernier avatar.
La crise « labroussienne » fait de la cherté des grains le moteur de l’ensemble de l’économie d’Ancien Régime et de la conjoncture. Une pénurie de grains produirait une élévation de leur prix ainsi que des dépenses d’alimentation des ménages. Ces derniers arbitreraient entre leurs achats en faveur de la nourriture à laquelle ils sont contraints de donner la priorité. Ils n’auraient pas d’autre choix que de réduire leur consommation de produits industriels. La mévente provoquerait la chute de la production industrielle et alimenterait le chômage des artisans et des ouvriers.
2. Les crises industrielles
Lorsque dans la première moitié du dix-neuvième siècle se développe le capitalisme commercial et industriel, les crises se transforment. Elles deviennent à dominante industrielle, la sous-production cède la place à la surproduction. On les qualifie de crises modernes et sont liées au développement des activités ferroviaires à partir du milieu du dix-neuvième siècle, mais elles impliquent aussi les activités métallurgiques et mécaniques, ainsi que le bâtiment et les travaux publics. Elles dérivent d’un emballement de la conjoncture, sous l’effet de l’expansion de la monnaie et du crédit, puis d’un brutal ajustement à la demande des capacités de production excédentaires par le jeu des faillites.
Elles sont caractéristiques d’une économie où s’affirment la logique marchande et l’insertion d’une partie croissante de la population active dans le salariat. Elles gagnent en ampleur quand s’accroît l’interdépendance de nombreuses activités par les relations interindustrielles. La surproduction industrielle ne signifie pas que les besoins sociaux sont saturés mais elle résulte d’une insuffisance de la demande solvable, c’est-à-dire munie d’une capacité d’achat.
3. Les crises mixtes
Elles mélangent les aspects anciens et les aspects nouveaux. Elles sont caractéristiques d’une économie en transition. Le fait générateur est encore agricole. Ernest Labrousse considère que la crise de 1847 relève de ce type. Elle aurait trouvé son origine dans deux mauvaises récoltes de blé en 1846 et 1847 à cause des aléas climatiques. Les problèmes de subsistance sont aggravés par la maladie de la pomme de terre. En Irlande, elle provoquera une émigration massive vers les Etats-Unis d’Amérique.
La crise de 1847 prend des formes nouvelles. On a, en effet, surinvesti dans les chemins de fer et le textile et de nombreuses entreprises doivent faire face à la contraction de la demande. Elle exaspère les rancoeurs populaires et serait à l’origine du printemps des peuples dans toute l’Europe et de la révolution de 1848. En France, le chômage est très grave dans le pays et explique la misère ouvrière qui a pu favoriser l’explosion ouvrière des journées de juin réprimées de manière sanglante à Paris.
B. D’UNE GRANDE CRISE À L’AUTRE
On réserve, traditionnellement, ce qualificatif à deux crises : celle de 1873 et celle de 1929. Le dix-neuvième siècle, comme le vingtième, aurait eu sa « grande crise ». Ces deux grandes crises marquent en effet l’entrée dans une période relativement longue, dans l’un et l’autre cas, de ralentissement de l’activité économique. L’exemple de la France illustrera la crise de 1873, celui des Etats-Unis, la crise de 1929.
1. La crise de 1873
Elle éclate en 1873 par un krach en Allemagne et en Autriche (mai 1873) et aux Etats- Unis (septembre 1873). L’Angleterre est touchée par la baisse de ses exportations et les retraits de fonds détenus par les étrangers. Cependant, la production de biens manufacturés durables aux Etats-Unis diminue de 33 % entre 1873 et 1876, Cette baisse donne une indication de l’ampleur de la crise. Il faudra attendre 1878 pour que la production de biens manufacturés durables retrouve son niveau de 1872.
La crise marque l’entrée dans la grande dépression entendue non comme une diminution de la richesse de l’économie, mais comme un ralentissement durable de la croissance. L’exemple de la France sert à présenter la grande dépression de la fin du dix- neuvième siècle.
Les causes de la crise sont à chercher dans les difficultés préalables de l’agriculture et du commerce. Au début des années 1870, l’agriculture française, peu compétitive, apparaît menacée par la concurrence des pays neufs. La baisse des coûts de transport, le développement agricole des nouveaux pays ainsi que l’adoption du libre-échange dans les années 1860-1870 mettent l’agriculture française dans la difficulté. Elle ne parvient, en effet, ni à se reconvertir ni à améliorer sa compétitivité. La crise agricole est celle de la vigne, victime d’un accident « naturel » le phylloxera qui détruit en partie le vignoble du pays. La crise céréalière, d’ordre économique, est imputable à la baisse prolongée des prix, sous
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