Commentaire d’arrêt : SARRAN, CE, Ass., 30 octobre 1998
Par Christopher • 22 Novembre 2018 • 2 315 Mots (10 Pages) • 530 Vues
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alors que de prime abord, il serait tout à fait légitime de penser que ces consultations
relèvent d’une pratique référendaire telle que notifiée à l’article 11 ou 89 de la Constitution, le
Conseil d’Etat, dans cet arrêt, vient préciser que seuls les référendums en matière législative
et en matière constitutionnelle peuvent être soumis à cette vigilance du Conseil
Constitutionnel. Dès lors, la consultation n’est nullement concernée par cet article 60, et le
décret l’organisant n’a méconnu aucune pratique de vigilance.
De plus, la présence de cette consultation dans l’article 76 de la constitution, issu de la loi
constitutionnelle du 20 juillet 1998 démontre bel et bien qu’il ne s’agit pas d’une pratique
référendaire mais d’un procédé détaché, propre à la population intéressée, à valeur
constitutionnelle.
Par ailleurs, l’article 74 de la Constitution relatif aux statuts des territoires d’outre-mer
et à leurs modalités d’organisation particulière, prévoyait que toute modification s’effectuait
par le biais d’une loi organique pour les statuts et une loi ordinaire pour les modalités
d’organisation et uniquement après consultation de l’Assemblée Territoriale intéressée. Le
champ d’application de cette consultation paraissait alors assez large et semblait pouvoir
englober un certain nombre de textes.
Mais en l’espèce, le Conseil d’Etat va considérer que le texte en question est un décret, et bien
que contenant nombre de dispositions impersonnelles et à portée générale, ce n’est pas une
loi, mais bel un bien un simple décret ne contenant que des « mesures de nature règlementaire
nécessaire à l’organisation du scrutin », l’intervention du Congrès de Nouvelle-Calédonie
n’était alors pas requise.
Cependant, bien que le Conseil d’Etat n’évoque qu’un simple décret, ce dernier possède tout
de même une valeur constitutionnelle en raison de l’article 76 de la Constitution, en reprenant
à l’identique la substance de cette norme ; et la Haute juridiction lui reconnait ce caractère
supra législatif en affirmant la valeur constitutionnelle de la loi référendaire de 1988
introduite dans le décret (B).
B. Une valeur constitutionnelle reconnue à la loi de 1988 sur les conditions d’accès à
l’élection en Nouvelle-Calédonie.
Suite à un référendum législatif au sens de l’article 11 de notre Constitution, a été
promulguée la loi du 9 novembre 1988, fixant les conditions nécessaires afin de participer à la
consultation de la population calédonienne dix années plus tard. Ainsi était-il requit de
domicilier sur le territoire d’outre-mer depuis le 6 novembre 1988, précisant que les citoyens
accomplissant leur service national ou poursuivant des études ou formation hors de l’île
pouvaient également être réputés électeurs dès lors qu’ils avaient antérieurement à cette date,
leur domicile sur le territoire.
En l’espèce, les français résidant sur le territoire de Nouvelle-Calédonie depuis une période
débutant postérieurement au 6 novembre 1988, considéraient cette loi comme
inconstitutionnelle tout d’abord au regard de l’article 76 de la Constitution, mais également au
regard du droit de suffrage présent dans le préambule et l’article 3 de la Constitution.
Le Conseil d’Etat a alors procédé à un raisonnement en deux temps :
Tout d’abord, le décret attaqué est une parfaite copie de l’article 76 de la Constitution,
la Haute juridiction ne cesse de le rappeler en rejetant un à un les griefs qui lui sont fait : le
décret ne méconnaît pas la constitution.
A partir du moment où la constitutionnalité du décret est proclamée, le Conseil d’Etat se
prononce alors sur une possible inconstitutionnalité de l’article 76 quant au droit du suffrage
reconnu dans le préambule et l’article 3 de la Constitution. D’une part serait alors
envisageable un possible contrôle de conformité d’une norme constitutionnelle à un principe
énoncé dans le préambule, plaçant le bloc de constitutionnalité au dessus des règles présentes
dans le corps même la Constitution. Mais d’autre part, la Haute juridiction se ravise aussitôt
en rappelant qu’une norme constitutionnelle ne peut pas être inconstitutionnelle au regard
d’une autre, amoindrissant quelque peu la place réputée importante des grands principes
présents dans le préambule.
Ensuite, la loi référendaire de 1988 ayant ainsi été adoptée par le processus prévu à
l’article 11 de la Constitution, ne peut, selon une jurisprudence constante du Conseil
Constitutionnel, faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité étant donné que qu’il s’agit
d’une expression directe de la souveraineté populaire. Elle serait alors en toute hypothèse
réputée constitutionnelle.
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