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Le mal

Par   •  29 Janvier 2018  •  1 526 Mots (7 Pages)  •  329 Vues

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et sacrifiés se trouve la figure du “Roi”. La majuscule montre sa supériorité et son unicité face à cette masse indistincte. Il y a une sorte de sadisme cruel du pouvoir (“qui les raille”) pour qui ces hommes et ces femmes de sont que des instruments déshumanisés de la machine de guerre. Remarquer l’imprécision du déterminant (“du”) : bien sûr la critique de Rimbaud s’adresse à Napoléon III, mais elle est assez générale pour englober tout type de dirigeant responsable de conflits armés.

Cette dénonciation est soulignée par le jeu de la rime entre “mitraille” et “raille” et par le contraste entre le comportement du Roi, spectateur direct des combats (”près de”) et pourtant indifférent aux sort des hommes.

Registre ironique. La guerre est la représentation du Mal et le Roi émerge en position de diable ricanant.

b) La religion

Mais la critique la plus appuyée du poème va vers la religion en général et le catholicisme en particulier (en effet, elle est présentée dans un cadre qui suggère le catholicisme > “ nappes damassées”, “calices”, “hosannah”).

La structure syntaxique du sonnet permet une dichotomie entre les tas d’hommes mourants (les deux premiers quatrains) et la réaction divine (les deux tercets suivants). Antithèse mise en valeur par la subordonnée temporelle “Tandis que ...” qui évoque la simultanéité des actions, ce qui rend le comportement de Dieu d’autant plus choquant.

Comme le Roi, son attitude est révoltante et équivalente (noter la parenté sémantique et sonore de “raille” employé pour le Roi et de “rit “ employé pour Dieu).

Présentation ironique et blasphématoire de Rimbaud : “ Il est un Dieu “ (déterminant indéfini => un dieu parmi tant d’autres).

Il est caractérisé :

-- par son indifférence (le rire)

-- sa passivité : “dans le bercement des hosannah s’endort”. Les prières l’appelant à sauver son peuple (hosannah en hébreu signifie “sauve-nous”) restent lettres mortes.

-- par la richesse . Champ lexical (“nappes damassées”, “encens”, “calices d’or”) qui s’oppose à la misère du peuple précédemment évoquée.

-- par sa cupidité : Dieu est sujet de deux verbes d’actions, antithétiques du point de vue du sens (“s’endort”/”s’éveille”) bien que parents du point de vue de la forme (deux verbes pronominaux). Il est figé dans une attitude de repli (que suggère la forme pronominale), binaire donc mécanique et motivée par l’appas du gain que représente l’aumône. C’est un Dieu corrompu.

-- et par son caractère quasi cannibale : c’est un Dieu qui ressemble davantage à une figure païenne dévoratrice qu’au Dieu de la religion catholique (il se comporte comme un animal repu que seul fait encore réagir l’attrait de la pitance).

c) Une nature protectrice

Face à ce Dieu inutile, la puissance que Rimbaud invoque, en plein centre du poème, c’est la “Nature”, représentée aussi comme une antitée supérieure mais bienfaisante.

A elle sont associés les seuls éléments paisibles et positifs du poèmes : “l’infini du ciel bleu”; “dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie”. A noter l’énumération qui renforce cette louange et l’idée d’une Nature féconde, généreuse.

Il adopte le tutoiement pour lui parler, ainsi que l’apostrophe familière et la personnification (“Nature ! ô toi qui fis ...”), ce qui fait d’elle une divinité concrète et abordable.

Elle est aussi une divinité maternelle, puisqu’à l’origine de la création (“qui fit ses hommes”).

Mais cette divinité n’est pas strictement païenne puisque lui est associé l’adverbe “saintement”.

C’est elle qui représente le vrai visage et les vraies valeurs de Dieu, corrompu par son église.

Elle seule qui représente la douceur, la compassion, la pureté.

On glisse naturellement vers la figure de la Vierge Marie, figure maternelle consolatrice par excellence, qui accompagne traditionnellement la souffrance des hommes et recueille dans ses bras le Christ supplicié.

Le lecteur peut aussi entendre la prière du poète comme la prière des familles de victimes (v. 7-8), à la manière d’un choeur ou d’un coryphée.

Cette représentation de la Nature est typique du mouvement romantique (on sait qu’Hugo a beaucoup influencé Rimabud) et on retrouve la même idée dans Le Dormeur du Val.

Ce n’est qu’après analyse que l’on peut comprendre l’ampleur du titre Le Mal.

C’est l’atrocité de la guerre, bien sûr. Mais c’est aussi l’exploitation des plus faibles par le pouvoir. C’est encore l’hypocrisie de l’Église associée à ce pouvoir, qui n’intervient pas pour demander la paix et qui profite de cette situation de désarroi profond. C’est enfin le fait que l’homme se soit écarté de la Nature.

C’est sur un ton déterminé, rigoureux, sans appel, donné par une structure grammaticale très organisée et par des images violentes ou provocantes, que Rimbaud dénonce tous ces maux, en pensant aux “Pauvres morts!” qu’il mentionne au centre du poème et pour lesquels il veut faire partager au lecteur sa compassion.

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