Susprendre le jugement moral ce n'est pas l'immoralité du roman, c'est sa morale - Milan Kundera
Par Ramy • 5 Décembre 2018 • 2 026 Mots (9 Pages) • 1 399 Vues
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Pour continuer, il faut mettre en évidence que le lecteur est libre dans son interprétation du roman qui lui est proposé . En effet, si le roman est écrit pour être lu et que par conséquent le romancier peut essayer d’anticiper les attentes de son lecteur, il ne peut contrôler les « leçons » ou idées qu’il en retirera. Ainsi, on trouve dans La Préface du Rédacteur, toujours venant des Liaisons dangereuses de Laclos, une énumération des possibles réactions de ses lecteurs suivant leurs idéaux, leurs croyances ou leurs appartenances sociales qui poseront ainsi un jugement moral sur l’un ou l’autre des protagonistes. Cet pluralité des réactions face à un roman se retrouve quant à la réception du roman de Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit dans les années trente. Celui ci se retrouve à partager l’opinion entre une condamnation morale du roman à cause des situations sordides mises en avant, du vocabulaire familier voire grossier et de la récurrence du thème sexuel mais aussi et surtout la transgression de codes sociaux par le personnage principal qu’est Bardamu, son anti-héroisme et sa vision pessimiste du monde, et, de l’autre coté un mise sur un piédestal de l’œuvre de Céline.
Pour finir, le roman si il donne lieu comme nous l’avons vu à un jugement moral de la part du lecteur qu’on peut désigner comme quelconque, ce jugement moral peut lui se déplacer jusqu’à la sphère juridique. Cela c’est surtout vu au milieu du XIX° siècle avec le procès fait au roman de Gustave Flaubert, Madame Bovary. Lors de celui ci, le procureur Ernest Pinard reprochera au roman son immoralité due au fait que le personnage adultérin d’Emma qui est bercée par ses lectures romanesque, ne soit pas contre balancée par un personnage plus positif faisant office de porte-parole du bon sens et valeurs morales plus acceptables, mais aussi à l’absence de jugement moral établit et clair par l’auteur même dans le récit romanesque. Le procès donnera lieu à un acquittement pour Gustave Flaubert avec tout de même un blâme.
Le roman donc si il tends à être amoral nous propose tout de même une vision teinté des positions morales du romancier qui entraîne par conséquent la possibilité au lecteur de juger rapidement, voire condamner ce roman. Cependant, la finalité du roman au regard de la morale ne peut pas se réduire à juger celui ci en fonction de celle là.
Dans un dernier temps, nous allons donc voir que la morale et donc l’éthique du roman qui est inhérente à sa neutralité provoque chez le lecteur de romans une réflexion sur lui même et sa conception de la morale en l’obligeant à suspendre son jugement durant sa lecture et en l’incitant ainsi à analyser plus les évènements du récit.
Ainsi, dans L’Étranger d’Albert Camus, lors de la scène de fin où le personnage de Meursault se retrouve dans ce qu’on pourrait appeler un simulacre de tribunal, et où on lui enlève toute possibilité réelle de se défendre, pour son crime qui au-delà d’un meurtre est surtout de ne pas avoir pleuré sa mère, le lecteur, qui à suivi toutes les circonstance ayant menées à ce moment, ne peut que se remettre en cause, lui et sa vision de la réalité ainsi que sa conception des mœurs.
Cette remise en question peut aussi s’appliquer en dehors du lecteur et de sa seule conscience morale. De fait on peut ainsi assister dans le roman de Stendhal, Le Rouge et le Noir, durant la scène où Julien Sorel passant outre sa timidité, prends la parole face à ses juges, à un effet de remise en question mais cette fois-ci de la société même, le lecteur s’interroge donc sur son rapport avec le monde.
Pour conclure, après avoir vu que le roman à une obligation à la neutralité, et donc qu’il y a une impossibilité du jugement moral immédiat, que le lecteur comme le romancier sont pris dans une tendance naturelle à porter ce jugement, nous pouvons dire que la morale du roman découle de la suspension du jugement morale. Cette morale consiste en l’apport du roman au lecteur d’une réflexion à laquelle suit une connaissance plus accrue de lui même pour se qui concerne sa propre morale et les mœurs de sa société. Ainsi, le roman en lui même ne peut être définit comme immoral, ce n’est pas sa vocation, l’immoralité tiens surtout d’une déficience d’un lecteur n’ayant pas eu à cœur de remettre son jugement moral sur le récit à un temps d’après lecture.
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