Littérature maghrébine et pluriel - Journal d'impression 2
Par Raze • 9 Mars 2018 • 1 334 Mots (6 Pages) • 469 Vues
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Dans L’heure du cru, Azza FILALI essaie de montrer un visage autre de la société maghrébine, qui est selon-elle complexe et instable. C’est assez rafraichissant de lire un ouvrage qui essaie de donner un visage plus terre à terre de la société maghrébine, sans mettre l’accent sur les aspects uniquement négatifs. J’ai eu l’impression de retrouver du Proust dans la volonté de sortir d’un certain conformisme littéraire. Les critiques littéraires utilisent souvent le qualificatif de « postmoderne » pour caractériser le roman.
Tout d’abord ce qui est assez déroutant avec ce roman c’est le fait qu’il n’est pas chronologique. Les événements ne s’enchainent pas forcément. Par exemple, la fin n’est pas tout à fait une fin et le début n’en est pas vraiment un non plus. Le temps est une dimension très importante dans le roman, rien que le titre en est une référence. L’usage de la temporalité et du non temporalité est ici utilisée à merveille par l’écrivain. J’ai vraiment apprécié le fait que le temps joue un rôle aussi important car cela complexifie la compréhension des événements, qui sont eux-mêmes difficilement saisissable à la première lecture, tout en favorisant l’intrigue aux yeux du lecteur.
Si l’intrigue s’articule autour d’Adel, un jeune adolescent peu bavard et révolté de l’intérieur, qui fugue ; on se rend vite compte au fil de la lecture, que l’histoire cache des aspects bien plus intéressants. L’ensemble des personnages sont intéressants et assez ambivalents. Ils disposent tous de leurs caractéristiques propres qui, une fois inscrits dans leur contexte social et culturel, deviennent des êtres singuliers qui cassent certaines des idées reçues sur la société maghrébine. Cela rend le récit plus intéressant à mes yeux. Encore plus troublant aux yeux du lecteur, Adel n’est pas présenté tout de suite, c’est par le biais d’un écrivain en panne d’écriture que l’histoire débute. Ce qui est également assez appréciable, c’est que l’auteur n’est pas inscrit dans une quête identitaire mais plutôt dans la compréhension et la démonstration. Je trouve même que l’on peut tirer une leçon de cette manière de faire ; l’être humain est un animal social dont les actes et les agissements impactent la vie des autres, directement ou indirectement jusqu’à un point où l’individu en question ne s’en rend pas vraiment compte. Tous les personnages présentés, qu’il s’agisse de la fille du narrateur ou du professeur d’histoire, sont touchés par les pensées et les agissements d’Adel d’une manière plus ou moins importante (dépendant du personnage traité).
L’impression laissée par l’écrivain, celle d’écrire et de découvrir les événements en même temps que le lecteur est parfaitement maîtrisée. Cela me fait penser au livre de , L’affaire Henry-Québert, où l’écrivain utilise le même procédé pour appâter et attiser l’envie du lecteur d’en savoir plus. La lecture de chaque page apporte certaines réponses mais en pose tellement d’autres ! C’est ce qui fait clairement la plus grande force de cet ouvrage.
Malgré tout, certains aspects de la société maghrébine sont montrés afin de mettre en lumière des situations de vies complexes : l’homosexualité du professeur d’histoire qui est évoquée sans pour autant en faire l’unique trait de définition du personnage, la place de la femme dans la société en les opposant indirectement aux traits de la fille du narrateur, etc. L’expression « si la parole est d’argent, le silence est d’or » prend tout son sens dans ce roman. Les silences soulèvent les questions mais illustrent tellement bien les non-dits de la société maghrébine.
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