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Littérature maghrébine au pluriel - Journal d'impression

Par   •  9 Mars 2018  •  2 071 Mots (9 Pages)  •  464 Vues

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Comme avec Naijb Redouane, il raconte son expérience et utilise son exemple pour sa réflexion intellectuelle. La statue de sel, roman a trait autobiographique, n’a pas connu un grand succès à sa publication. L’auteur obtiendra la reconnaissance qu’il mérite de nombreuses années plus tard en remportant des prix littéraires en 1994, 1995 et 2000. L’auteur décrit une réalité de l’époque et exprime une grande crise identitaire couplé à une illustration de ce qui se faisait à l’époque sur le terrain politique.

L’auteur choisi comme personnage principal Alexandre Mordekhaï Benillouche. Ce choix est habile car le nom du personnage fait référence à différentes communautés et origines, preuve de son malaise identitaire. Il est « indigène dans un pays de colonisation, juif dans un univers antisémite, Africain dans un monde où triomphe l’Europe ». Tout cela participe à une certaine complexité, d’autant plus quand on connait les péripéties qui suivent. C’est un choix de l’auteur d’exprimer cette complexité et il dit lui-même qu’il n’est pas « simplifiable ». C’est quelque chose de profondément intéressant. Alexandre est un personnage profondément marqué par ses acquis en Europe mais aussi par la cruauté du rappel qu’il n’est pas européen à part entière.

C’est surtout le récit d’un homme qui a une identité qui ne lui plaît pas car il aimerait rompre avec ces traditions, ces différences pour ne laisser plus place qu’à l’humain. Un autre Albert (Einstein) a dit que : « Ce qui fait la vraie valeur d'un être humain, c'est de s'être délivré de son petit moi. ». C’est à partir de cette citation que je juge le travail de l’auteur, il a contribué par l’écriture à exprimer des situations particulièrement compliquées dans les pays maghrébins, que l’on décrit assez souvent comme des pays homogènes. Le fait qu’il soit tunisien. Le choix du titre donne des réponses à celui qui s’interroge. En effet, Albert Memmi, aussi bien qu’Alexandre, compare sa situation à celle de la femme de Loth, qui est une référence biblique. Le choix de faire référence à des textes bibliques est brillant et très ingénieux et permet d’imager ce que ressent l’auteur.

Je pense que le mot qui définirait le mieux son parcours est « adaptation » car s’est adapté à des situations diverses et a su transposer à l’écrit cette obligation d’adaptation dès qu’Alexandre franchit une frontière.

Soldats, LEÎLA SEBBAR :

Soldats de Léïla Sebbar est une œuvre irrésistible et devrait être référence mondiale en ce qui concerne la guerre. La romancière est au même titre qu’Albert Memmi une militante qui se bat contre les traditions et vit également une situation difficile, au même titre que Najib Redouane.

Soldats diffère des deux livres précédent au sens où il ne s’agit ni d’un roman, ni d’une « presqu’autobiographie » mais d’un recueil de sept nouvelles ayant pour objectif de décrire les impacts de la guerre. Il est intéressant de voir que les nouvelles sont indépendantes mais également profondément liées par le sujet principal. Leïla Sebbar ne souhaite en réalité qu’une chose à travers ces nouvelles : toucher les cœurs pour que les cerveaux deviennent raisonnables, en évitant autant que possible la guerre. Le choix des contextes et des personnages renforce cette idée puisqu’il n y a pas de noms. Elle souhaite nous sensibiliser par rapport à la guerre en décrivant les images fortes du soldat mais aussi des mères et de toutes celles et ceux qui font partie des « dommages collatéraux ». Lorsque l’on s’intéresse uniquement à l’œuvre dans une perspective globale on se rend compte qu’elle ne veut pas nous faire la morale ou choisir un camp. Elle est du côté de l’humain et se veut objective en restituant sobrement les conséquences de la guerre et son universalité.

Il n y a pas de crise identitaire chez Leïla Sebbar qui se sent entièrement française. Ce qui l’intéresse c’est l’image de la guerre ici et l’utilisation de ces images, devenues de plus en plus banales. Néanmoins, il est intéressant de voir que pour parler de la guerre, elle n’a utilisé que des exemples de pays colonisés ou touché par le problème de colonisation : il y a un sous-entendu à la guerre pour les territoires qui ont détruit et continuent de détruire encore aujourd’hui. Les sept pays où se déroulent les nouvelles (Algérie, Bosnie, Cambodge, Afghanistan, Tchétchénie, Israël, Palestine) ont une histoire particulière avec la colonisation, comme de nombreux autres pays.

La force de cette œuvre est sa simplicité et son efficacité, on ne peut pas lire ces 90 pages sans être touché et sans s’interroger sur la guerre, qui est inutile. Pour elle l’adage « qui veut la paix, veut la guerre » est ridicule. Dans la pensée de celle-ci, on devrait dire qui veut la paix s’attache à éviter le plus possible la guerre. Depuis des milliers d’années les hommes s’entretuent pour des territoires, des biens et cela sans interruption. Hobbes nous disait que « l’homme est un loup pour l’homme », preuve en est qu’aujourd’hui c’est encore le cas.

Alors, heureusement qu’il y a des auteurs, des artistes et des philosophes qui nous rappellent que les vies humaines comptent bien plus que tout ce que l’on peut obtenir dans une guerre. En mettant ce livre en relief avec les déclarations de nombreux intellectuels conservateurs, qui pensent que la guerre est « un moteur de croissance », ça fait du bien d’entendre autre chose. Cette femme courageuse nous fait la leçon en laissant des enfants dessiner la couverture son livre représentant un soldat, dont on ne peut pas reconnaitre le pays ou l’emblème. Ce portrait abstrait décrit assez bien l’ambiance du livre avec un fond rouge comme le sang. La vérité sort parfois du coup de crayon des enfants.

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