Littérature - Oedipe Roi

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Enfin, dans l'idée de destin il y a une image d'impuissance. La vie du personnage est déjà déterminée en tous points et son destin doit s'accomplir envers et contre tout. Dans le film de Pasolini, il est alors intéressant de relever l'omniprésence du thème musical du destin dans les moments décisifs de la vie d'Œdipe. Tout est fait pour qu'Œdipe agisse malgré lui jusqu'à la réalisation de son tragique destin. Nous voyons donc ici que Pasolini ajoute une dimension supplémentaire au destin. Il semble qu'Œdipe ait un véritable pouvoir d'action et qu'il puisse à plusieurs reprises reprendre sa vie en main mais ses actions ne font que réaliser son destin. En faisant commencer son film à la naissance d'Œdipe, Pasolini prend donc une certaine distance avec la pièce de Sophocle. Ce choix lui permet de donner une autre perspective : jusqu'à son arrivée à Thèbes (à la moitié du film environ), on peut penser que rien n'est joué pour Œdipe, mais ses actes vont le mener malgré lui jusqu'à Thèbes... Pasolini confie d'ailleurs qu'Œdipe est « un homme destiné à l'action, à faire des choses, non à les connaître, à les comprendre ». Le destin d'Œdipe chez Pasolini est donc d'agir malgré lui-même. Œdipe a le pouvoir d'agir mais pas celui d'anticiper les conséquences de ses actes. Pour ces raisons, on voit que l'image du destin n'est pas exactement la même chez Pasolini que chez Sophocle dans la mesure où Œdipe n'est pas encore roi de Thèbes, ce qui laisse espérer qu'il ne le devienne pas, mais ses actes vont le pousser à le devenir. Dans la pièce de Sophocle, le destin d'Œdipe est déjà en partie réalisé dès le début de la pièce : il a déjà tué son père et couché avec sa mère et c'est pour cela que la peste sévit sur Thèbes. Il n'y a donc aucune possibilité pour l'Œdipe de Sophocle d'échapper à son destin, il ne lui reste plus qu'à le découvrir. L'action est ici déjà réalisée. Enfin, il ne faut pas oublier que chez Pasolini, il y a une part importante d'autobiographie ainsi qu'une dimension psychanalytique. En effet, il ne s'agit pas uniquement du mythe d'Œdipe et de son destin tragique. Bien au-delà, il est question d'un complexe d'Œdipe. Avant sa naissance, l'individu n'a pas de « destin psychique ». C'est en se confrontant à la réalité que l'enfant va se construire et qu'il développera ou non ce complexe d'Œdipe. Pour cette raison, chez Pasolini, Œdipe ne peut pas déjà être roi de Thèbes au début du film et ainsi avoir tué son père et couché avec sa mère puisqu'on ne naît pas avec le complexe d'Œdipe, c'est quelque chose qui se met en place pendant l'enfance mais qui n'est pas déjà présent. C'est sans doute pour cela que Pasolini accorde un tel pouvoir d'action à Œdipe. Rien n'est déjà joué pour lui mais ses actes le forgeront. Ainsi, dans le film, « Œdipe sera donc montré comme une victime – par-delà ses crimes plus symboliques que réels – de la société qui l'a forcé à être ce qu'il est ». On voit donc bien ici que Pasolini s'éloigne à nouveau de Sophocle dans l'image qu'il donne du destin.

Si l'image du destin est omniprésente chez Pasolini tout comme chez Sophocle, il reste que sa représentation en est un peu différente. Dans les deux œuvres le nom même d'Œdipe laisse présager du chemin que prendra son existence. Pasolini insiste sur une représentation cyclique du destin qui se manifeste, notamment lors de la fuite d'Œdipe de Thèbes à Corinthe puis de Corinthe à Thèbes alors que chez Sophocle, l'action se concentre à Thèbes uniquement. En effet, Pasolini fait d'Œdipe un personnage d'action dont la vie ne découlera que de ses actions et ne sera pas déterminée avant sa naissance.