Le théâtre, littérature ou mise en scène ?
Par Plum05 • 30 Mai 2018 • 2 738 Mots (11 Pages) • 441 Vues
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Lire semble être une excellente approche d’un texte théâtral. La question du temps consacré à la lecture n’est pas une contrainte, ce qui autorise une libre circulation dans l’œuvre. Cet élément est capital pour une meilleure compréhension de l’œuvre afin de se rendre compte de toutes ses valeurs. Il a la possibilité de prendre du temps pour découvrir un langage théâtral, qui n’est pas forcément familier. Cette distance proviendrait du vocabulaire de l’époque, car par exemple, l’usage des mots au XVIIème siècle n’est pas le même qu’actuellement. Les mots comme « feux », « ennui », « déplaisirs » n’ont plus aujourd’hui une signification aussi intense que dans Andromaque de Racine ou Horace de Corneille. Il en va de même pour le registre, le contexte historique et religieux ou encore le style comme l’écriture en vers dans les pièces de théâtre classiques. Si le lecteur arrive à se donner du temps pour se familiariser peu à peu avec le langage d’une pièce, la distance temporelle entre l’époque de l’auteur et celle du lecteur peut très bien se raccourcir, même disparaître. Et puisque le temps n’est plus une contrainte comme dans une représentation où il est limité, le lecteur a droit à une libre circulation dans l’œuvre. Il est donc invité à revenir sur des passages nécessaires quand il le désire, voire à reprendre la lecture de l’œuvre intégrale plusieurs fois. Cette possibilité de concevoir des allers-retours dans l’œuvre est capitale tout d’abord pour cerner le message implicite que l’auteur a voulu cacher derrière son écriture. Chaque élément, qu’il soit dans les répliques ou dans les didascalies a un sens, rien n’est anodin car même dans les pièces que l’on peut qualifier d’ « absurdes », les messages sont très nombreux
De telles reprises sont impossibles au théâtre même si on revoit une représentation d’une même troupe car chaque représentation est unique et ne peut être reproduite à l’identique.
Une pièce de théâtre est avant tout un texte littéraire ce qui permet au lecteur d’imaginer la mise en scène qu’il veut tout en prenant en compte les indications données par les didascalies. La lecture procure un plaisir absent lors de la représentation puisque le lecteur peut laisser libre court à son imagination sans que le point de vue du metteur en scène ne lui soit imposé.
Lire une pièce de théâtre, c’est imaginer la représentation avec son propre point de vue. Le lecteur peut avoir une vision très personnelle des personnages, des décors et des situations et la représentation peut être décevante selon la vision du metteur en scène et les acteurs. Au fil de la lecture, le lecteur peut même s’identifier à l’un des personnages alors que lors de la représentation, cette identification ne peut pas se faire du fait que les personnages paraissent réels. L’image que le lecteur a des personnages peut changer au fur et à mesure de la lecture. La représentation fixe les personnages, les décors, les situations et laisse peu de choix d’interprétation et d’imagination au spectateur. Seule la lecture offre une liberté d’imagination infinie.
Pour illustrer mes propos, on peut parler de Cromwell de Victor Hugo, cette pièce chaotique en dix actes quasiment impossible à comprendre lors d’une représentation : on se perd dans l’action et on comprend mal certains actes, le spectateur arrive même à oublier certains détails comme les puritains. Dans ces dix actes on compte plus de 74 scènes, 60 personnages. On peut même qualifier cette tragédie d’« injouable »
Les difficultés techniques posent aussi un énorme problème, elles obligent à faire des concessions qui parfois détruisent un aspect visuel. En effet, certaines pièces posent de grosses difficultés au metteur en scène, alors que pour le lecteur tout est simple : Au début de On ne badine pas avec l’amour, Maître Blazius et dame Pluche arrivent, l’un sur un mulet, l’autre sur un âne. Cela ne pose aucun problème au lecteur, mais les difficultés techniques sont énormes pour un metteur en scène.
Dans l'œuvre de Musset, le théâtre occupe une place au moins égale à celle de la poésie. Sa première comédie, Les Marrons du feu, date de 1830 et la dernière, Bettine, de 1851. Mais, pendant de longues années, il se contenta de faire imprimer ses pièces, une tentative malheureuse (l'unique représentation de La Nuit vénitienne, le 1er décembre 1830) l'ayant découragé d'affronter à nouveau le public et la critique. De là, l'idée d’un théâtre dans un fauteuil est né, c'est-à-dire d'un théâtre conçu pour être lu et qui n'a donc pas à tenir compte des conventions de la scène. C'est ce qui explique que, même lorsque Musset fut reconnu pour un auteur dramatique assuré du succès, après l'accueil triomphal fait, en 1847, à la représentation de un caprice, ses œuvres maîtresses aient continué à rebuter les entrepreneurs de spectacles : On ne badine pas avec l'amour ne fut présenté à la scène qu'en 1861, quatre ans après la mort du poète, et Lorenzaccio en 1896 ; encore avait-on jugé nécessaire de leur faire subir de graves mutilations. Ces tribulations donnent une idée de ce que Musset apportait de neuf et d'audacieux à un théâtre qui, depuis Victor Hugo, passait pour s'être affranchi de la tradition.
Musset nous prouve alors que le théâtre n’est pas seulement fait pour être représenté, que sa lecture seule peut nous faire apprécier une pièce.
De plus, en lisant une œuvre théâtrale, le lecteur peut beaucoup plus apprécier l’écriture du dramaturge. Il peut contempler les innombrables figures de styles et les nombreuses techniques utilisées. Par exemple, l’aspect poétique dans Bérénice de Racine mérite d’être étudié en profondeur par le biais de multiples figures de styles comme métaphore, comparaison, antithèse, ou chiasme, ou par la richesse des rimes dans les alexandrins. Le travail sur l’étymologie des mots utilisés comme « enfant », « cruauté », « limbes » peut s’avérer passionnant. Il aide parfois fortement à comprendre le côté implic :!:ite de l’œuvre.
Mais dans toutes les œuvres de théâtre, ce sont les didascalies qui précisent la façon dont l’auteur veut que soit jouée l’action lors de la mise en scène. Dans On ne badine pas avec l’amour, on peut relever plusieurs didascalies telles que « Ils sortent chacun de leur côté », « Elle se cache derrière un arbre ». Les didascalies informent sur le décor, le ton employé par les personnages, les mouvements, les gestes. Elles facilitent la mise
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