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L'argumentation directe est-elle le meilleur moyen de faire réfléchir le lecteur ?

Par   •  22 Octobre 2018  •  1 190 Mots (5 Pages)  •  790 Vues

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Mais cette explicitation trop abrupte dans certains cas ne peut-elle pas empêcher l’auteur de perdre l’adhésion de son lecteur et donc de rendre l’argumentation directe moins performante par à rapport à sa forme indirecte ?

Parfois l’engagement direct d’un auteur peut être incompris et censuré et il semble donc plus judicieux de l’amener à changer d’avis par l’argumentation indirecte et le procédé de l’ironie.

Premièrement, l’argumentation directe, par sa prise de position ouverte, risque la polémique. En effet, l’auteur qui remet en cause directement les privilèges des dirigeants risque de voir ses écrits non publiés et donc l'efficacité de la transmission de son message amoindri. On peut par exemple mentionner Châtiments de Victor Hugo qui au moment de la rédaction est en exil sur l’île de New Jersey. A travers sa fable, l’écrivain n’outrage pas directement son souverain en faisant apparaître des animaux tout en le ridiculisant. Au contraire, dans l’argumentation indirecte, l’écrivain engagé peut transmettre ses idées à travers un personnage fictif et dans un monde lointain sans être inquiété par la censure. Molière, par exemple, dans sa pièce L’Ecole des maris atteste dans un ton satirique de la versatilité de la Cour et du peuple en matière de mode. La critique du pouvoir est au XVIIIe siècle une pratique risquée pour les auteurs utilisant l’argumentation directe. Cependant, l’argumentation implicite contourne la censure par son univers fictif.

Ensuite, outre les problèmes causés par le contrôle de la publication, l’argumentation directe peut heurter et repousser un lecteur non acquis à la cause de l’auteur. En effet, un texte développant des idées explicitement paraît parfois trop rude et choque certaines convictions comme dans les pamphlets. De plus, l’argumentation directe attache moins d’importance au divertissement du lecteur ce qui lui donne un aspect rébarbatif qui peut ennuyer. Au contraire distraire et séduire le lecteur est primordial dans l’argumentation indirecte comme le montre la “ Fable ou histoire ” du recueil Châtiments. Victor Hugo veut avant tout amuser en comparant Napoléon III à un singe qui se prend pour un tigre. En se moquant du singe, l’auteur critique indirectement la politique du petit-neveu de l’empereur Napoléon Ier. A travers le monde idyllique de l’Eldorado dans Candide, Voltaire dénonce quant à lui l’utopie et prône le rationnel. Ainsi on préfère parfois l’argumentation indirecte à l’argumentation directe pour sa transmission implicite et plaisante de ses idées.

Enfin, l’argumentation indirecte insiste à critiquer insidieusement le pouvoir ,et ce malgré le fait que les arguments n’y soient pas développés clairement. Pour ce faire, l’auteur utilise les procédés de l’ironie pour former une critique d’autant plus mordante et efficace. C’est ce qu’a fait Saint-Simon dans ses Mémoires lorsqu’à travers un enchaînement comique et une description grotesque il ridiculise Mme de Charlus et plus généralement le “ monde”, c’est-à-dire la sphère aristocratique, qui suit la mode. Cette volonté d’ironie se retrouve également dans l’extrait de Zadig où l’envieux fait emprisonner le personnage éponyme. Derrière la fiction babylonienne, Voltaire se moque des défauts de la société parisienne comme la médisance et la jalousie et nous brosse une satire d’une justice expéditive toujours en utilisant l’ironie. Ce procédé sert finalement à livrer des critiques acerbes tout en restant dans la fiction et fait de l'argumentation indirecte une sérieuse concurrente de sa forme directe.

Finalement, bien que l’argumentation directe réussisse à critiquer explicitement et ouvertement le pouvoir et plus généralement les défauts de la société, le XVIIe et le XVIIIe siècle ont plutôt privilégié l’argumentation indirecte qui instruit et critique tout en divertissant, et permet de contourner la censure. Mais après tout les auteurs de nos jours qui divertissent veulent-ils toujours faire réfléchir le lecteur ?

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