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Tartuffe bis

Par   •  11 Février 2018  •  1 956 Mots (8 Pages)  •  524 Vues

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paraître le moment comme une épreuve divine par laquelle Dieu teste sa foi (v. 1079 et 1080). Ceci permet à Tartuffe de paraître encore plus dévot qu’il ne l’est déjà pour Orgon. Par l’usage de trois impératifs à valeur d’ordre (v. 1083 et 1084), Tartuffe se pose en être inférieur vis-à-vis d’Orgon, et l’invite à le renier, à le chasser. Là encore, le faux dévot fait preuve d’habileté pour susciter les bons sentiments de son « frère ». En effet, même si Tartuffe invite Orgon à le percevoir comme un imposteur à plusieurs reprises (v. 1093 à 1096), il cultive en même temps le lien particulier qu’ils entretiennent en l’appelant « mon frère ». Ce procédé lui permet de manipuler les sentiments d’Orgon qui apparaît très naïf. Il mène d’autant mieux les débats que, suite à une accumulation de phrases interrogatives (v. 1093 à 1096), il ne laisse pas à Orgon le temps de répondre. Il crée ainsi une accélération du rythme afin de ne pas laisser la possibilité de réflexion au grand bourgeois.

En raison des procédés dont il use, les deux longues répliques de Tartuffe ont un effet pesant dans l’extrait, au point qu’Orgon se sente réellement bouleversé et coupe Tartuffe (v. 1087 et 1107). Le jeu de Tartuffe agit comme un poison qui affecte les relations entre Damis et son père. Orgon ne s’adresse à son fils que dans le but de l’invectiver. Il alterne répliques tendres à l’égard de Tartuffe (« vertu », « pureté », « de grâce ») et termes assassins à l’encontre de Damis (« « fausseté », « traître », « pendard »). Les stichomythies (v. 1089 et 1109) montrent que Damis ne peut s’expliquer.Le personnage a achevé son œuvre en retournant la situation à son profit. A travers cette hypocrisie de Tartuffe, Molière dissimule une satire de la religion.

Cet extrait est caractérisé par un net déséquilibre dans la répartition des répliques puisque, celles de Tartuffe s’étalent à deux reprises sur plus de dix vers, tandis que celles de Damis sont brèves ou tronquées. Cette différence fait apparaître un besoin de justification de la part de Tartuffe, démontrant ainsi un sentiment de culpabilité.

Durant toute la réplique, se mêlent vocabulaire religieux (« pécheur », « ciel », « courroux ») et judiciaire (« crimes »,  « forfait »,  « criminel ») : Tartuffe invite Orgon à se substituer à Dieu et à le punir. Surtout : Tartuffe conçoit se moment comme une preuve divine,  Dieu teste sa foi è Tartuffe accepte l’épreuve è il passe ainsi pour encore plus dévot qu’il n’était aux yeux d’Orgon. Accumulation de termes péjoratifs pour parler de son crime sans pour autant le nommer : «souillures », « crimes », « ordures »… Tartuffe ne parle pas pas de séduction ou d’adultère comme il devrait ; il exagère sa faute. V.1083 à 1084 : emploi de trois impératifs à valeur d’ordre (« croyez ce qu’on vous dit », « armez votre courroux », « chassez-moi ») : Tartuffe invite Orgon à le renier, à le chasser.  A aucun moment dans cette réplique, Tartuffe ne parle de ce qu’on l’accuse ! Il détourne le sujet ! Tartuffe suscite la pitié d’Orgon.

Tartuffe invite Orgon à remettre en cause ce qu’il à toujours pensé de lui et à regarder au-delà des apparences. En même temps, il continue à appeler Orgon « mon frère », c’est-à-dire qu’il cultive un lien particulier qu’ils entretiennent, de plus  il ne laisse pas à Orgon le temps de répondre mais répond à sa place de V.1097 à 1100. Il exagère encore. Opposition entre l’expression tendre qui montre que Tartuffe n’éprouve aucune colère, contrairement à Damis. Il se fait passer pour tendre aux yeux d’Orgon. Il invite Damis à le martyriser et joue donc le rôle du martyr qui demande à être puni. Nouvelle énumération (« perfide », …) : il continue à exagérer pour passer pour une victime. Accumulation d’impératifs à valeur de prière : il prie Damis de le maltraiter, de le punir. Il termine sa réplique à genoux : il se met en position inférieure vis-à-vis de Damis pour susciter la pitié d’Orgon.

Tartuffe a pleinement réussi non seulement à se disculper complètement aux yeux d’Orgon, mais à accroître encore l’immense admiration, la dévotion quasi sans bornes que celui-ci a pour lui. Mais il sait qu’il faut agir vite. C’est le moment ou jamais de rendre sa victoire complète et définitive, et pour ce faire, de commencer par éliminer celui qui a bien failli lui faire tout perdre, Damis. En même temps qu’il s’emploie à mettre Damis hors jeu, Tartuffe s’offre le plaisir de se payer sa tête. Il le défie. Il lui fait sentir son impuissance. Il lui fait sentir que c’est lui le maître du jeu et qu’il ne peut rien contre lui. Il lui fait sentir que toutes les accusations qu’il pourrait lancer contre lui, non seulement n’atteindraient pas leur cible, mais se retourneraient contre leur auteur. Jusqu’au bout il joue donc le même jeu complexe et très habile.

Orgon, dans la suite de la scène, se montre déchiré entre la vénération sans bornes qu’il éprouve pour Tartuffe et la violente indignation que lui inspire le comportement de son fils. Ces deux sentiments se nourrissent et s’exaspèrent l’un l’autre : plus il éprouve d’admiration pour Tartuffe et plus il éprouve de colère contre son fils qui ose calomnier odieusement un aussi saint personnage ; plus il éprouve de colère contre son fils et plus il éprouve d’admiration pour Tartuffe qui lui pardonne et le défend.

Au final la véritable nature de Tartuffe reprend , une fois de plus le dessus, Tartufe à l’ascendent sur le reste des personnages, c’est lui le maitre de la partie. Le fourberie, la manipulation, la méchanceté prennent le dessus de ce sois-disant « dévot personnage ».

En vue de récents événements ainsi que des faits historiques passés avec des personnages tel que Hitler, Franco Staline ou encore en raison de la multiplication du nombre de secte; ce texte met en lumière une idée essentiel : Jusqu’ou s’étend le pouvoir du discours, quelle est la puissance des arguments et de l’art oratoire, quelles sont les limites d’un individu face à ce talent d’orateur …

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