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Le Corbeau et le Renard cas

Par   •  15 Février 2018  •  1 828 Mots (8 Pages)  •  403 Vues

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Le Renard va donc énoncer la tirade de la flatterie, des vers 5 à 9. Son exclamation « Hé ! » est une feinte surprise, permettant de ne pas éveiller les soupçons du Corbeau. Tout en lui est artificiel : même les réactions les plus naturelles comme la surprise sont jouées. Ainsi le lecteur imagine bien qu’il ne se privera pas de mentir, de couvrir son interlocuteur de compliments les plus absurdes et les plus exagérés. En outre, le Renard n’a pas peur d’offusquer le Corbeau, il a très bien compris que celui-ci était trop vaniteux pour ne pas se laisser duper. Le vers 6, basé une gradation du compliment, marque le point de départ de sa flatterie. Il poursuit en jurant de ne pas mentir, or seul le menteur doit préciser qu’il ne ment pas, le lecteur en a bien conscience et cela produit un effet comique, en plus de lui donner la certitude qu’il ne faut jamais avoir confiance en lui. Au vers 9, nous atteignons le point culminant de la flatterie : la métaphore du Phoenix, qui est aussi beau que le Corbeau est laid. La périphrase métaphorique traitant des « hôtes de ces bois » donne l’impression à son interlocuteur qu’il est d’une importance capitale dans la vie des animaux de la forêt. Cette métaphore est un alexandrin très lyrique et poétique, il est mis en valeur par les vers courts qui le précèdent. Nous voyons bien que le Renard mérite son titre : il manie avec une grande habileté la langue, et il en reçoit sa récompense : le Corbeau lâche le fromage tant attendu. Le Renard est donc d’autant plus habile que sa victime est vaniteuse. Au moyen de compliments et de flatteries, toutes très comiques lorsqu’on considère objectivement le Corbeau, il manipule son interlocuteur et lui fait faire ce qu’il désir, en l’occurrence : lâcher le fromage.

Au début de la fable, le Corbeau possédait la richesse, alors que le Renard n’avait rien d’autre que le désir de lui prendre. Grâce à son habileté de langage, non-seulement il acquiert le fromage mais délivre en plus la leçon. Il ne se sent pas coupable : il n’a pas volé le fromage au Corbeau, c’est le prix de son enseignement. En aucun cas il ne ressent des regrets, il utilise la morale pour justifier son acte immoral. Il est cynique, fier de faire du mal. Le Renard ressemble aux courtisans, ces êtres menteurs, faux et flatteurs, des personnages infantiles, qui ne possèdent rien par eux-mêmes. Ce ne sont pas des prédateurs mais bien des parasites qui vivent sur le dos des autres. Il faut faire attention à eux, eux qui prennent ce qui leur fait envie, même si cela ne leur appartient pas. Ils attendent de pouvoir profiter des autres, ils savent exploiter les faiblesses de leurs interlocuteurs et sont très rusés. On ne peut pas leur faire confiance. Dans la fable, le lecteur prend peut-être parti pour l’habile et le malin courtisan, mais il faut se méfier de sa séduction. On rit pour l’instant à la blague du Corbeau, mais un Renard rode peut-être à côté de nous, n’attendant que de repérer nos faiblesses pour nous voler.

Seulement, si la critique ne visait que ce personnage, pourquoi prendre autant de soin à se moquer du Corbeau, pourquoi confier au Renard, plutôt qu’au narrateur, la parole pour énoncer la morale? Parce que c’est aussi au Corbeau qu’elle s’adresse. Le Corbeau devient l’exemple à ne pas suivre, celui qui prévient le lecteur que la vanité n’est pas sans risques. Il est dangereux de se croire plus grand que ce que l’on est, la chute n’en est que plus brutale. Le Renard et le Corbeau ont tous les deux de mauvais comportements, le cynisme du premier ne vaut pas plus que la vanité du second. Le Corbeau a appris de ses erreurs, il exprime une volonté de changer, de s’améliorer, ce qui n’est pas le cas du Renard.

Pour conclure, La Fontaine nous montre de quelle manière le Corbeau a perdu toute sa richesse par vanité et le Renard l’a gagnée par hypocrisie cynique. Le lecteur n’est pas censé prendre parti ou s’identifier à l’un des personnages. Il va apprendre à ne pas être le Corbeau pour éviter de se faire voler et humilier par le Renard. La tonalité comique de la fable, qui se présente comme une petite saynète, favorise l’apprentissage de cette leçon. La Fontaine respecte avec beaucoup d’habileté l’adage des classiques : « plaire et instruire ». Ici l’apologue n’est pas manichéen, le Renard et le Corbeau sont parallèles dans leurs actions et ainsi tous deux font l’objet d’une vive critique. La morale a bien un double niveau : l’auteur condamne aussi bien la flatterie, les courtisans, que les flattés, les courtisés, comme le roi ou les grands seigneurs. Mais elle a aussi une portée plus générale, car les flatteurs ne se trouvent pas qu’à la Cour. Elle prévient tout le monde : Faites attention à votre égo, il peut vous priver de votre raison. Au contraire, la réécriture de la fable « Le Corbeau et le Renard » par Gotthold Ephraïm Lessing dans Gedichte und Fabeln, en 1759, est une virulente condamnation, portée exclusivement sur les courtisans.

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