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Le Banyan - Claudel

Par   •  19 Avril 2018  •  2 005 Mots (9 Pages)  •  717 Vues

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aux exploits d' Atlas et de Prométhée, ou encore à la légende de Pégase qui d'un coup de sabot fit jaillir la source Hippocrène), que l'espace est représenté dans toutes ses directions (hauteur, largeur, profondeur), qu'il contient au moins deux continents (l'Inde et l'Asie) et un « quelque part », terre mythique de héros légendaires, et qu'il allie les formes complémentaires d'une immensité ouverte et d'un lieu circonscrit à un cercle protecteur. Il en va de même pour les représentations du temps, qui englobent dans un présent intemporel les siècles et la seconde, le jour et la nuit. Les très nombreuses métaphores qui désignent cet arbre sont empruntées aux divers règnes de la création : végétal, mais aussi minéral et animal. Elles relèvent souvent de la personnification et construisent les figures du géant, du patriarche et du héros (à travers le lexique du corps, les verbes d'action et de mouvement, et le champ lexical de l'effort). Mais elles contribuent aussi à façonner une entité monstrueuse, composée d'éléments humains, mécaniques et animaux, que synthétise l'apparition de l'hydre. Ce n'est pas à une simple description, mais à une célébration et à une explication du monde que se livre le poète à travers les poèmes en prose de Connaissance de l'Est, qui est, de l'aveu même de Claudel, le plus « mallarméen » de ses ouvrages. Et Suzanne Bernard a retrouvé cette influence dans la volonté de pénétrer au cœur des choses pour arracher la vérité qu'elles contiennent (qui est d'ordre religieux, chez Claudel), et dans l'emploi d'une syntaxe très élaborée qui vise à reproduire la profondeur et l'unité complexe du monde qu'elle cherche à transcrire. Tous ces éléments textuels,

métaphoriques et linguistiques, métamorphosent le banyan en arbre cosmique, qui symbolise une totalité dans laquelle coexistent, en toute harmonie, les contraires que sont, également, le mouvement et l'immobilité, la puissance et la douceur, le masculin et le féminin, le ciel et la terre, en un mot, toutes les composantes de la vie et du cosmos. Cette évocation du banyan brosse donc un tableau allégorique, qui traduit la vision claudélienne de l'univers et de l'existence et exprime pleinement sa conception « catholique » (au sens étymologique du terme = universel, général) du monde.

L'arbre est également une représentation symbolique du temps : s'il évoque toujours une permanence à travers le renouvellement cyclique de la nature, l'accent peut être mis sur l'idée d'une intemporalité (notamment dans le second couplet).

Mais l'image symbolique dominante, présente dans la majorité des métaphores utilisées, est celle de l'homme : l'arbre est toujours représenté sous des formes anthropomorphiques (détails anatomiques, mouvements, passions, chants et paroles), et sexualisées. Cette sexualisation est puissante chez Claudel où l'énergie vitale de l'Hercule végétal fait jaillir la source qui s'écoule dans les rizières et symbolise le pouvoir créateur, notamment celui du poète dont le regard a conçu et mis en scène l'allégorie du banyan : « Je vois debout dans le Banyan un Hercule végétal, immobile dans le monument de son labeur avec majesté ». Le poète inscrit donc sa présence au cœur même de l'œuvre textuelle qui est le fruit de son labeur.

Quelques procédés significatifs :

Discours narratif et descriptif : cf verbes d’état, présent de vérité général

Registres principaux : épique (effets de grandissements, mythologie), épidictique (éloge : marques d’un lexique mélioratif), présence du merveilleux

Lexique de l’arbre, de la nature, de l’homme, du corps, de l’étirement (ou arrachement), des animaux, de la grandeur, de l’ombre et la lumière, du temps, de la puissance, du sacré (ou de la religion)…

Un texte qui part de l’observation (comme un scientifique, Claudel utilise un lexique spécifique, technique : faisceau, torsion, flexion…) mais il prolonge sa nomenclature (volonté de classer scientifiquement) par une rêverie mythologique qui fait appel au merveilleux et donne à voir une transfiguration épique qui met à jour l’allégorie de l’homme.

(progression) Effet circulaire : le texte débute et se clôt par la même phrase brève. Mimétisme de l’arbre (branchages et feuillages forment une boule, un cercle) ou volonté d’exprimer quelque chose qui se répète (à mettre en parallèle avec la condition de l’homme dont l’existence se répète et vise le même arrachement pour devenir qui il est).

Allégorie de l’Homme, métaphores mythologiques (hydre, Hercule…), animalisantes (pythons : comme pour mieux souligner l’unité du vivant ?)

Effets de répétition, notamment anaphores : c’est…, quelque part…

Enumérations, accumulations pour mieux souligner complexité et hybridité

Effets de sonorités nombreux, par exemple :

le monstre qui hale se tend et travaille dans toutes les attitudes de l'effort : allitération en T qui souligne la difficulté de l’arrachement

si dur que la rude écorce éclate et que les muscles lui sortent de la peau : sonorités dures (harmonie suggestive en D, K=C pour évoquer l’éclatement)

persévère dans l'effort imperceptible : allitération en R et P, assonance en « è » pour étirer la phrase (du moins, par cette expression finale) et mimer cet « effort » que l’on perçoit seulement dans ce bruissement sonore que le poète essaie de nous faire entendre.

Modalisation pour précaution oratoire : semble, usage du conditionnel

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