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La femme gelée, Annie Ernaux

Par   •  14 Octobre 2018  •  1 535 Mots (7 Pages)  •  1 096 Vues

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=>La réalité s’impose à travers une phrase brutale : « le réel c’est ça, un homme, et qui bouffe »

=>Le réel met fin aux rêves d’égalité et fait ressurgir la différence homme/femme : « Au nom de quelle supériorité ! », deux modèles distincts s’imposent : « le genre de ton père, pas le mien ! », « Mon modèle à moi n’est pas le bon. »

=>Toutes les paroles rapportées du mari contredisent ses théories égalitaires : « non mais tu m’imagines avec un tablier peut-être ! », « Tu sais, je préfère manger à la maison », « ma pitchoune, j’ai oublié d’essuyer la vaisselle »

=> inconsciente mauvaise foi de l’homme qui dissimule ses contradictions derrière l’humour ou la « gentillesse ».

B. La défaite de la femme

=> La liberté intellectuellement accordée s’est dissoute dans la « nourriture corvée », confectionnée « sans joie » comme une tâche obligatoire, « jour après jour ».

=> Le modèle traditionnel a repris ses droits

=> L’épouse se trouve dans le rôle éternel de la « nourricière »

=>Elle fait passer ses études après les obligations matérielles : « Pas eu le temps de rendre un seul devoir au premier trimestre »

=>La carrière de l’homme passe avant celle de la femme : « Pourquoi de nous deux suis-je la seule à me plonger dans un livre de cuisine (…) pendant qu’il bossera son droit constitutionnel », « j’envisage un échec avec indifférence, je table sur sa réussite à lui »

=>Le modèle de soumission a remplacé l’aspiration à l’égalité : « Je n’ai pas regimbé, hurlé », « sans me plaindre »

III-La souffrance d’une femme « gelée »

A. L’aliénation

=> Violent désarroi, « angoisse et découragement » devant cet échec des idéaux égalitaires : « Pourquoi de nous suis-je la seule ? », « Au nom de quelle supériorité », « je me suis mise à en douter »

=> Ressentiment de trahison, « d’humiliation »

=> Culpabilisation : le « pire » c’est qu’au lieu de se révolter, elle intègre complètement le modèle conjugal inculqué par la société, et s’accuse même de s'y conformer mal : elle se traite « d’emmerdeuse », de « malhabile », de « flemmarde », « d’intellectuelle paumée ».

=> Remise en cause de ses propres valeurs : « histoires de patates », « bagatelles », façons de « couper stupidement les cheveux en quatre »

=> Renoncements et reniements : au modèle de ses parents : « mes parents, l’aberration, le couple bouffon », à ses aspirations : « il fallait changer »

B. L’engourdissement

=> Une fois que le chemin du renoncement et de l’acceptation du modèle est pris, elle « se sent couler »

=> Rien ne la motive plus, elle se sent « moins de volonté »

=> Ecartelée sous toutes les tâches, elle perd le goût des études : « J’ai terminé avec peine et sans goût un mémoire sur le surréalisme que j’avais choisi l’année d’avant avec enthousiasme ».

=> Elle ne voit plus d’intérêt pour son avenir : « Mes buts d’avant se perdent dans un flou étrange ».

=> Elle n’a plus de ressort vital : « se dilue », « s’engluer »

=>Le titre de l’œuvre « La Femme gelée » trouve ici un écho.

=>Annie Ernaux veut montrer comment les aspirations féminines à l’égalité, la liberté, l’émancipation, ainsi que ses capacités de résistance sont sapées en douceur, par l’engrenage du quotidien, par le poids des modèles sociaux, la mauvaise conscience des femmes et la mauvaise foi des hommes.

Conclusion

À travers des situations très concrètes et une écriture en prise avec le réel, Annie Ernaux nous fait prendre conscience de la longue lutte des femmes pour parvenir à la vraie reconnaissance de leur égalité avec les hommes ; son écriture, riche de son expérience autobiographique, nous fait vivre de l’intérieur, avec pudeur et émotion, la douloureuse désillusion de cette jeune femme (en qui beaucoup peuvent se reconnaître) dont la foi dans de grands principes égalitaires se délite face à un quotidien de plus en plus écrasant et aliénant.

Malraux aussi, dans l’extrait de La condition humaine, montre combien il est difficile de rendre effectifs les idéaux de liberté et d’égalité. Mais, plus romanesque qu’Annie Ernaux, il a placé ses héros face à des situations existentielles extrêmes (le combat et la mort), alors que la romancière montre que c’est justement la réalité la plus prosaïque qui sape les principes. Les deux femmes, dans ces contextes très différents, font cependant une expérience comparable du difficile passage du Je au Nous deux, et de la mauvaise foi plus ou moins inconsciente de leur mari qui peine à leur accorder une vraie liberté.

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