Antigone et le femme grecque
Par Andrea • 9 Novembre 2017 • 2 309 Mots (10 Pages) • 1 346 Vues
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Mais qu’en est –il pour Antigone ? Sophocle lui donne-t-il le même rôle que toutes ces femmes grecques ? Ou bien a-t-elle quelque chose qui la différencie ?
2- Le cas d’Antigone
- Des femmes traditionnelles chez Sophocle
Dans un premier temps on pourrait croire que les femmes de Sophocle sont comme les autres femmes que l’on voit dans la tragédie. Dans Œdipe-rois, Jocaste est l’épouse ; son rôle dramatique consiste à apaiser les craintes de son époux et à calmer la colère entre son mari et Créon son frère. Dans Œdipe à Colonne les deux filles, Antigone et Ismène jouent un rôle de filles aimantes, guidées par la piété : Antigone emmène son père, et Ismène joue le rôle d’intermédiaire entre ses frères et son père. A chaque fois, les rôles féminins restent à l’intérieur de l’oikos.
- Antigone, un cas particulier.
Antigone est une pièce un peu différente notamment par le fait que le personnage féminin ait donnée son nom à la pièce. Elle est mise en avant non pas en que membre d’une communauté mais en tant qu’individu.
Dès le début de la pièce, Antigone s’aventure hors de l’oikos, elle sort du palais dans le prologue : elle précise pour le spectateur qu’elle a fait venir Ismène « hors du palais » (v.18). Créon juge que la place des deux jeunes filles n’est pas dehors : « rame-les à l’intérieur et il faut qu’elles, des femmes, ne soient pas libres au dehors ». (v.577.579) Hors de la maison il n’est pas la place des femmes mais bel et bien des hommes.
- Une jeune femme qui pourrait presque prendre la place des hommes.
A plusieurs reprises on aperçoit Antigone hors du palais. Notamment quand elle se fait prendre en flagrant délit de sortie par sa nounou. En allant dehors elle a abandonné son rôle de veillé sur l’oikos mais pas seulement. En effet Antigone est partie en pleine nuit pour aller accomplir les rites funèbres de son frère. Car après un combat à mort entre Polynice et son frère Etéocle, il a été décidé par Créon que Polynice n’aurait pas les rites funèbres pour servir d’exemple à Thèbes. Ainsi son âme est condamnée à errer sans trouver la paix. Cependant Antigone considère qu’il est une loi sacré que les hommes reçoivent les rites funèbres, et donc pour elle s’est Créon qui est en tort. Par conséquent elle décide de faire elle-même la sépulture de son défunt frère. De ce fait elle se révolte contre son oncle, le basileus, elle prétend donc clairement à un rôle politique, un rôle de citoyen, un rôle d’homme. Créon s’était d’ailleurs plaint : « En vérité, je ne suis plus l’homme c’est elle qui est l’homme » (v. 484)
Antigone est un personnage avec une certaine détermination, elle est tout à fait consciente que le fait de désobéir aux lois du roi est souvent puni de mort, mais ça ne l’empêche pas de le faire quand même. Elle est caractérisée par sa détermination, son refus de tout compromis et son obstination au risque de sa vie, en un mot c’est une héroïne.
- Une héroïne
Comme tous les héros de Sophocle, Antigone est seule et isolée dans sa volonté. Sa sœur sans la rejeter refuse de l’accompagner enterrer son frère.
Elle est pleine d’hybris, elle a la certitude d’avoir raison envers et contre tous ce qui la pousse à défendre son avis contre le roi, à désobéir aux lois. En effet elle considère les lois des dieux au-dessus des lois de Créon, elle n’hésite donc pas à désobéir à des lois qui lui paraissent injustes et infondées.
Son hybris se rapproche plus de celui d’un homme que de celui d’une femme, prêt à tout pour prouver sa liberté : la tradition grecque montre des femmes capables de se battre, comme Déjanire, pour reconquérir leur mari, de résister comme Pénélope mais ne connaît pas de femmes déterminées à se dresser contre le pouvoir.
- Entre l’oikos et la cité
Elle a donc certaines caractéristiques d’un héros et pas vraiment d’une femme qui va rester s’occuper de l’oikos. Cependant son action dans la tragédie reste à l’intérieur de celui-ci, mais plus exactement entre l’oikos et la cité. Elle ne se dresse pas contre le roi par orgueil ou par dépit de voir un avantage lui échapper mais pour honorer sa famille. En ce sens son rôle est certes en partie celui d’un homme, mais aussi celui d’une femme, un rôle à l’intérieur de l’oikos ; elle va rendre à son frère les honneurs qui lui sont dus au péril de sa vie. Si elle paraît avoir une action politique, c’est parce que elle s’oppose au roi, mais elle ne s’oppose à lui en tant que roi. De même elle ne s’oppose pas aux hommes en tant qu’homme mais bel et bien parce que ce sont des hommes qui contrarient sa volonté.
Il faut savoir que il n y a dans ce texte aucune revendication de type féministe, qui pourrait conduire Antigone à rejeter la domination des hommes. Elle ne se détermine pas en tant que femme, elle peut paraître asexué, ce sont les personnes de son entourage qui lui rappelle sa condition féminine. Antigone est la petite noiraude qui n’a pas vraiment de féminité comparé à sa sœur Ismène. De plus elle n’a pas d’enfants et elle n’est mariée, même si elle était fiancée, elle est morte avant le mariage avec Hémon. Or ce qui fait une femme pour les Athéniens, c’est d’avoir des enfants. La jeune fille est toujours à la frontiére que représente pour les hommes l’éphébie : une adolescente qui fait d’elle ni vraiment un enfant ou une adulte.
Sophocle met ici en avant une femme qui a un rôle en partie différent du rôle traditionnel des femmes, ce sont les circonstances qui la fait s’opposer au roi, et non un choix délibéré. Son rôle paraît bien rester un rôle à d’intérieur de l’oikos, et ne joue dans les monde des hommes que par circonstance.
Conclusion : Si Antigone semble avoir une place qui paraît s’éloigner de la place traditionnelle des femmes dans la cité grecque, il ne faudrait en aucun cas faire un contre-sens anachronique et imaginer que Sophocle est féministe ou que son héroïne veut obtenir l’égalité avec les hommes. Certes Antigone quitte sa place, mais ce n’est pas une femme, mais une jeune fille, qui le fait pour accomplir ce qu’elle estime devoir faire : le devoir de l’oikos, c’est-à-dire un devoir de femme. Toutefois ce qui fait d’elle un personnage à part, c’est qu’elle est une héroïne intransigeante
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