L'étranger d'Albert Camus, l'homme problématique.
Par Raze • 22 Juin 2018 • 1 396 Mots (6 Pages) • 597 Vues
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b) de même, sont passés sous silence le restaurant de Céleste, chez Emmanuel, le paysage lors du voyage en bus.
→ un personnage enfermé en lui-même dont seul compte ce qu'il ressent, opaque au monde et peu disert.
II) Un personnage absent et « étranger » au monde :
1) Absence de caractérisation
a) Il n’a pas de nom. On apprendra plus tard qu'il se nomme Meursault. La sémantique de ce nom peut nous renseigner quant à la suite du roman. En effet, « Meur » rappelle la mer, la mère et le meurtre et « sault », le soleil et « sot ».
b) La technique du journal empêche la présence d’une description physique, on le découvrira plus tard « jeune » (le directeur de l’asile). Le lecteur peut ainsi s'identifier au personnage. Cet individu apathique, c’est nous-mêmes. La littérature et l’oeuvre d’art comme processus d’identification du lecteur au personnage = bovarysme, Don Quichotte.
b) Seules les sensations donnent plus de précisions sur sa personnalité : tactile, « très chaud » ; olfactive, « odeur d'essence » ; visuelle, « réverbération ».
→ Il réagit en fonction des sensations. A première vue, on pourrait conclure que c'est un homme simple.
2) Ses relations avec les autres :
Elles sont marquées par l'indifférence, la soumission et le manque de communication.
a) indifférence par rapport au décès de sa mère : absence d'émotion car il s'attache à l'analyse du télégramme et conclut : « Cela ne veut rien dire ». Le deuil le dérange même, il souhaite y voir « une affaire classée ».
b) Avec son patron, la relation est tendue : « il n’avait pas l'air content ». Culpabablisation.
c) Au restaurant, ce qui domine est la neutralité, voire l’ennui : « comme d'habitude ».
d) Avec le militaire: à l'attitude ouverte du soldat, le personnage oppose un mutisme marqué : « pour n'avoir pas à parler ».
→ un personnage solitaire, indifférent, qui centre tout sur lui : absence d'émotions visibles. Meursault ne veut pas ou ne sait pas communiquer.
3) Meursault et le langage :
a) Un style simple.
Il s’exprime comme un enfant :
- pauvreté du lexique (registre courant, issu de la vie quotidienne : « maman », « autobus », « patron », « restaurant »...)
- banalité du style avec verbe introducteur du discours direct toujours le même verbe « dire ». « Je lui ai même dit : « Ce n’est pas de ma faute » ». « Céleste m’a dit : « On n’a qu’une mère » ».
- syntaxe avec phrases courtes qui montrent une pensée peu élaborée (lire le premier paragraphe).
b) La place de la parole et du langage :
Malgré la fréquence des verbes de paroles (cinq fois le verbe « dire », deux fois « demander », « parler », « répondre », « m’excuser », « présenter ses condoléances »), Meursault limite ses interventions verbales au strict minimum (avec son patron), se contente d’écouter (le restaurateur Céleste) et refuse ouvertement de parler (avec le militaire).
→ volonté de couper court au langage (significations des silences et du refus de la parole – mutisme – en psychologie : parler, c’est vivre).
Phrase clé du passage : « cela ne veut rien dire ».
4) Un étranger à lui-même et aux autres.
a) on note une volonté de respecter les codes sociaux avec modalisateur : « il a fallu » + soucis du respect des usages : « je pourrai veiller », « cravate noire », « brassard » : personnage conventionnel (sens étymologique)
MAIS
b) Le décès de sa mère apparaît bien plus comme un incident qui gêne son train-tran quotidien (tout lui semble insupportable : l’annonce à son patron, devoir emprunter une cravate noire et un brassard, le trajet en bus) que comme une peine affective majeure.
CAR
c) il reste tout de même étranger aux sentiments qui accompagne ces codes sociaux car il n'essaye pas de paraître triste ou atteint par la perte de sa mère.
Conclusion : il s’agit ici d’un incipit minimaliste qui présente un personnage en l'apparence assez simple mais qui devient plus complexe, notamment par sa sensibilité aux sensations, à sa vision confuse du monde et à sa relation à autrui.
Autres problématiques :
L’incipit, microcosme du roman.
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