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Albert camus - La colère de Meursault - L'Etranger

Par   •  26 Avril 2018  •  1 526 Mots (7 Pages)  •  1 459 Vues

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de la révolte totale, ultime : c’est cela qui fait de L’étranger un roman existentialiste. Il faut donc étudier plus attentivement la révolte pour comprendre tous les enjeux de cette fin de livre. ]

II – La révolte

a) Le refus de la religion

La révolte passe par plusieurs stades, et d’abord par celui du refus de la religion : « Je me suis mis à crier à plein gosier et je l’ai insulté et je lui ai dit de ne pas prier. Je l’avais pris par le collet de sa soutane. » La religion est représentée par le prêtre, c’est-à-dire un homme qui n’existe que par sa fonction (il est prêtre et seulement prêtre) : le rapport que cet homme essaie d’avoir avec Meursault n’est pas un rapport personnel, mais un rapport fonctionnel. Le prêtre joue son rôle (« Il avait l’air si certain, n’est-ce pas ? ») et Meursault doit s’incliner. Pourtant Meursault se révolte et interroge sa fonction : « Il n’était même pas sûr d’être en vie puisqu’il vivait comme un mort. ». C’est une remise en cause radicale et l’ultime libération : il n’a même plus besoin de croire à un au-delà, de se réaliser dans un ailleurs : il est ici et maintenant.

b) L’affirmation de soi

L’affirmation de soi passe par l’éclat de colère : pour la première fois dans le roman (et nous somme s à la toute fin !), Meursault se laisse aller à ses sentiments : « Alors, je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose qui a crevé en moi. » Non seulement il s’affirme en refusant la domination du prêtre, mais en plus il se met à parler plus qu’il ne l’a jamais fait : « Je déversais sur lui tout le fond de mon cœur avec des bondissements mêlés de joie et de colère. » Le verbe « déverser » est même hyperbolique : c’est un torrent, un courant irrépressible. Contre le prêtre, Meursault s’affirme jusque dans la parole : « Moi, j’avais l’air d’avoir les mains vides. Mais j’étais sûr de moi, sûr de tout, plus sûr que lui, sur de ma vie et de cette mort qui allait venir. » Plusieurs occurrences du mot « moi » et du mot « sûr ». Tout ce qui était flou, tout ce qui n’était pas dit, devient maintenant clair.

c) La philosophie de l’absurde

L’Étranger est donc l’illustration de la philosophie de l’absurde, et ce final en est la plus spectaculaire manifestation : face au caractère machinal de l’existence, de la société, du politique, l’homme se sent perdu (« toute cette vie absurde que j’avais menée »). Soit il se laisse aller (il appartient au monde absurde), soit il se révolte et cherche à s’accomplir lui-même. Mais pour cela, il ne peut s’appuyer sur aucune certitude, ni Dieu, ni l’État : seule la mort est sûre. Ainsi que ses propres sensations. Dans cette fin de roman, Meursault a appris à apprivoiser ces « sensations » qui l’ont submergé à partir de la mort de sa mère. Il n’est plus écrasé par le soleil (ce qui l’avait amené à commettre l’irréparable), il devient même paisible. Cette tranquillité est visible à travers le champ lexical de la nature : « je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage », « des bruits de campagne », « des odeurs de nuit, de terre et de sel », « une marée », « le soir était comme une trêve mélancolique » « cette nuit chargée de signes et d’étoile », « rafraîchissaient mes tempes », jusqu’à ce moment d’extase qu’est la « merveilleuse paix » et qui permet à Meursault de finalement se poser contre les représentants de la machine qu’il a définitivement quittée : « Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine. » C’est le désir d’une séparation totale avec les hommes.

Conclusion : L’étranger est donc le parcours initiatique d’un homme vers son propre accomplissement. Mais cet accomplissement ne se fait pas au nom d’une idéologie, d’une religion, d’un dogme : c’est dans la liberté totale d’être que Meursault s’est réalisé. Liberté toute symbolique et liberté tragique parce que la société, la politique (la colonisation) l’avait écrasé toute sa vie et que ce n’est que par le crime, l’acte le plus terrible (la mort de l’autre) qu’il a réussi à se libérer. Ce qui fait de Meursault un anti-héros, mais un anti-héros tragique dans le sens plein du terme.

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