L'apologue est-il une forme d'argumentation efficace pour argumenter et faire réfléchir le lecteur sur un sujet?
Par Raze • 25 Août 2018 • 1 199 Mots (5 Pages) • 754 Vues
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Pourtant, il y a des failles dans l’efficacité argumentative de l’apologue. D’une part, la morale, parfois implicite, peut être mal interprétée voire non perçue. Prenant la forme d’une histoire, sa visée didactique est par conséquent parfois mise dans l’ombre. Certains lecteurs, en particulier les enfants, peuvent ne pas discerner la dimension argumentative car celle-ci apparaît trop ambigüe. Il faut posséder des connaissances sur un sujet donné pour comprendre le fond de certains apologues. Le Matin Brun de Franck Pavloff condamne clairement le nazisme et la persécution des Juifs en appliquant des faits historiques à une fiction. Il met en scène un gouvernement qui commence par décourager puis interdire la possession de chats et de chiens autres que bruns sous un prétexte scientifique : «La ville distribuai[t] gratuitement des boulettes d’arsenic.» Il étouffe ensuite les opposants, par exemple les journalistes du Quotidien de la ville : « Le Quotidien de la ville ne paraitrait plus [...] il reste un journal dans la ville. » Le gouvernement met de plus en plus de pression sur la société jusqu’à arrêter les personnes ayant un jour dans leur vie eu un animal non-brun, ainsi que leurs proches. Ce mélange de faits historiques et de fiction dévoile l’absurdité de la dictature qui s’impose peu à peu dans la société, lentement mais sûrement, et qui met en place des règles finalement absurdes afin d’affirmer son pouvoir. La visée de l’auteur semble ici claire mais la forme du texte peut rendre cette condamnation plus difficile à discerner pour quelqu’un qui n’a pas connaissance du sujet. Sans cadre spatio-temporel (« Quotidien de la ville »...) ni de morale explicite, le lecteur peut penser que l’auteur a imaginé une dystopie sans contexte. La compréhension de l’apologue peut être limitée. D’autre part, les apologues opposent en général un personnage méchant à un personnage gentil, comme le Loup et l’Agneau dans la fable du même nom écrite par La Fontaine. Le Loup fait quelque chose de mauvais que l’auteur condamne. Il piège l’Agneau naïf et finit par le manger. Le lecteur, ou surtout l’enfant à qui la fable est lue, aura tendance par fierté à préférer le personnage méchant qui a su tromper l’autre. Selon Rousseau dans Emile ou de l’Education, l’enfant, pour ne pas être trompé comme la victime de la fable, reproduira les actes du vicieux : « Au lieu de se corriger sur la dupe, il ne se formera pas sur le fripon. » La vraie visée de la fable est mal interprétée.
En conclusion, l’apologue est très efficace quand il s’agit d’attirer le lecteur grâce à sa simplicité et son côté plaisant. Cette forme de récit permet à l’auteur de passer outre la censure afin de s’exprimer librement et facilite chez le lecteur la compréhension du problème exposé à l’aide d’une situation concrète. Pourtant, certains apologues peu explicites pourraient conduire les lecteurs, notamment les enfants, à passer à côté de la dimension didactique de l’histoire ou bien à mal l’interpréter. Afin d’éviter les limites de l’apologue, d’autres formes peuvent paraitres plus efficaces. Lorsque Voltaire s’attaque à Leibniz dans Candide ou à Rousseau par correspondance, il utilise la satire. Celui-ci permet de faire réfléchir le lecteur en critiquant explicitement un sujet tout en se moquant. La satire serait-elle plus efficace que l’apologue ?
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