Commentaire littéraire scènes 1 et 2 de L'îles des esclaves de MARIVAUX / CNED 1er S
Par Stella0400 • 12 Juin 2018 • 3 082 Mots (13 Pages) • 967 Vues
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insulte n’aura d’ailleurs plus du tout le même impact dans sa dernière réplique de l’extrait. Le mot n’aura ainsi plus du tout le même impact, Iphicrate ne la prononçant que dans un dernier sursaut de rage impuissante envers son ex-valet Arlequin. La tentative de manipulation d’Arlequin par Iphicrate se poursuit lorsque ce dernier lui inflige une leçon de morale en lui rappelant les rôles de chacun: "Méconnais-tu ton maître, et n’es-tu plus mon esclave ? ». Cette réplique marque donc le début de l’inversion des rôles des deux personnages dont le comique et l’improbabilité n’est pas sans faire réfléchir sur les relations humaines. Les attitudes et les relations des deux personnages semblent donc être tumultueuses et variables au début de l’extrait.
Juste après la présentation des personnages nous pouvons donc observer qu’un renversment de situation advient, caractérisé par l’inversion totale des rôles entre le maître Iphicrate et le valet Arlequin.
En effet, la situation devient totalement insolite : Iphicrate est contraint de « renoncer » à son statut de maître et d’adopter celui de valet, tandis qu’Arlequin va lui pouvoir endosser le rôle du maître, créant ainsi un jeu théâtral au sein même de la pièce ayant pour but de moraliser sur la condition humaine.
Une fois échoué sur l’île des esclaves, Iphicrate perd donc toute autorité sur Arlequin. Les relations entre les deux personnages, bien que tumultueuses, sont désormais marquées par un passage régulier de l’insulte par Iphicrate : «esclave insolent ! » à la moquerie insolente d’Arlequin qui « riant », se moque désormais ouvertement d’Iphicrate car ne craignat désormais plus aucune représaille ou châtiment. Cependant, Iphicrate ne mesure pas tout de suite pleinement l’ampleur de sa perte d’autorité. Ce dernier n’a en effet pas tout de suite conscience du brusque changement de situation dont lui et son ex-valet font l’objet. Il cherche ainsi tout d’abord, par une hypocrisie à peine dissimulée, à amadouer Arlequin, mais ces paroles n’inspirent qu’un vague désintéressement à Arlequin, ce dernier n’étant pas dupe du réel objectif de ces paroles: « Oui ; mais les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules, et cela est mal placé », il se retourne vers le style bas de l’insulte comme dans sa réplique « Le coquin abuse de ma situation » qui souligne le glissement de la tragédie à la comédie. Iphicrate poursuit donc son chemin vers la déchéance, pour enfin perdre toute maîtrise de la situation, comme dans la modalité interrogative et exclamative de sa dernière réplique de la scène 1 : « Juste ciel ! peut-on être plus malheureux et plus outragé que je le suis ? Misérable ! tu ne mérites pas de vivre », accompagnée par la didascalie « au désespoir, courant après lui, l’épée à la main » montre finalement sa faiblesse car, ne disposant plus d’aucun argument plausible pour infléchir sur la décision d’Arlequin, il n’en est réduit qu’à le menacer physiquement. Cette réplique n’est cependant pas sans ramener Iphicrate à un personnage de farce dont la course effrénée n’a plus rien de trafique ou de noble. L’épée perd sa symbolique tragique pour devenir un accessoire de comédie. Le grotesque de sa totale perte de contrôle est présent à son paroxysme au début de la scène 2 lorsqu’il explique à Trivelin (le chef des esclaves de l’île) qu’il veut punir l’insolence de son esclave, alors que ledit Trivelin n’est venu à leur rencontre que pour le faire saisir et désarmer. Ainsi, Iphicrate passe de maître à esclave, mais comment Arlequin devient-il le maître dominant ?
Le maître du jeu dans ces deux premières scènes de L’île des esclaves est Arlequin. Sa soudaine prise d’autorité se manifeste notamment par l’emploi systématique de la deuxième personne du singulier lorsqu’il s’adresse à Iphicrate : « Je le confesse à ta honte » voire même en utilisant une ironie narquoise : « Je ne t’obéis plus, prends y garde ! » qui lui permet de menacer Iphicrate sous la forme d’un faux avertissement. Arlequin pousse la moquerie jusqu’à jouer sur la proximité des sons et à infléchir les sens des mots entre « aime » et « amitié » lors de l’échange de réplique avec son maître, Iphicrate déclarant « Eh, ne sais-tu pas que je t’aime ? » et Arlequin lui répondant : « Oui ; mais les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules, et cela est mal placé ». Cet effet d’echo est utilisé par le valet loquace pour prendre possession de la parole d’Iphicrate et mieux le dominer. L’ironie d’Arlequin repose aussi sur les jeu de mots et de sens disséminés dans ses répliques : « Mon cher patron, vos compliments me charment ; vous avez coutume de m’en faire à coups de gourdin qui ne valent pas ceux-là ; et le gourdin est dans la chaloupe », «les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules » . L’ironie se situe dans ces répliques par l’intermédiaire du décalage entre ce que Arlequin dit et ce qu’il veut vraiment dire, les marques d’amitiés par exemple voulant ici signifier les coups de bâton. Ce maniement constant de l’ironie fait donc d’Arlequin le véritable et incontestable maître du jeu et de la situation. Cependant, ce changement total de la situation ne se manifeste pas uniquement par une inversion de leurs rôles ou de leurs attributs. En effet, à la scène 2, les deux personnages vont même jusqu’à échnger leurs noms afin de se « soumettre » aux règles de l’Île des esclaves lorsque Trivelin, après avoir arrêté Iphicrate dans ses désirs de violence physique déclare : « Eh bien ! changez de nom à présent ; soyez le seigneur Iphicrate à votre tour ; et vous, Iphicrate, appelez-vous Arlequin, ou bien Hé ! ».
Marivaux joue dans la première partie de l’extrait notamment, sur le procédé dit du « théâtre dans le théâtre » afin de montrer cette inversion dans le rapport maître-esclave. En effet, Iphicrate joue une tragédie devant Arlequin dans le but de susciter sa pitié. Mais Arlequin ne lui pardonne que pour rendre son futur châtiment plus terrible. Son pardon montre que c’est un esclave qui se maîtrise : « mais va je te le pardonne ». Il lui pardonne car selon lui les Hommes ne valent rien. En effet, l’esclave se place au-dessus du maître, mais aussi au-dessus des Hommes, portant aisni un jugement sur l’humanité en général. Cet homme-là ne vaut pas plus que les autres,il ne faut donc pas lui en vouloir car cela fait partie de la nature, mettant en valeur
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