Commentaire de Candide
Par Plum05 • 26 Mars 2018 • 2 643 Mots (11 Pages) • 664 Vues
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d) Une arme : le décalage ironique
En effet, si la peinture pathétique de l’esclave est la première arme pour dénoncer l’esclavage, l’ironie est la deuxième et n’en est pas moins terriblement efficace, Voltaire la développe à travers de nombreux décalages. Ainsi lorsque le nègre conclut sur l’origine de son état : « c’est à ce prix que vous mangez du sucre », le décalage entre le plaisir gustatif d’une denrée qui n’est pas de première nécessité et les conditions déplorables de sa production. Même le discours de la mère est empreint d’ironie quand elle dit à son fils « tu as l’honneur d’être esclave de nos seigneurs les blancs », l’expression montre un rapport de fausse logique entre deux substantifs « honneur » et « esclave », et son discours est révélateur de l’endoctrinement dont elle fait l’objet. L’énumération des trois substantifs au pluriel « les singes, les chiens et les perroquets » indique clairement que la condition de l’esclave est pire que celle des animaux, l’ironie se situe dans le déclassement de l’Homme par rapport à l’animal. De plus cette énumération suivie d’une hyperbole « sont mille fois moins malheureux que nous » informe le lecteur que le nègre est bien conscient de son destin malheureux en dépit de ses constats neutres en apparence.
II. Une critique de la religion chrétienne
La religion chrétienne est complice du colonialisme et par conséquent de l’esclavage.
a)Le comportement des prêtres
Les prêtres précisément visés sont les « fétiches blancs », des prêcheurs qui sont censés répandre la bonne parole mais l’expression « fétiches blanc » est ironique puisque le mot fétiche est dédié aux pasteurs, or le terme renvoie à la magie, à des sortes d’amulettes et met en doute la religion. L’expression est prononcé par l’esclave ce qui est un moyen pour l’auteur de s’exprimer à couvert. La religion dans l’esprit de l’esclave apparaît comme un rite qu’il doit subir « tous les dimanches ».Il doit en effet écouter les sermons des prêtres. Il est endoctriné tout comme ses parent l’ont été avant lui puisqu’ils ont été jusqu’à vendre leur fils pour « dix écus patagons ».Or, on lui dit « tous les dimanches qu’[ils] [sont] tous enfants d’Adam, blancs et noirs ».La répétition hebdomadaire de cette vérité et du mot « tous » martèle l’argument de l’égalité des hommes et de leur évidente fraternité : « nous sommes tous cousins issus de germains ».Mais la conjonction de coordination « or » introduit une opposition dans le constat lucide du nègre. Il y a donc une contradiction entre les sermons religieux et la réalité. Voltaire dénonce l’hypocrisie religieuse, les fétiches hollandais sont des menteurs. On commet des fratricides dans la réalité car soi-disant nous sommes tous frères dans la religion. La fraternité n’existe pas. Pour ces religieux il n’existe ni fraternité, ni égalité sinon ils ne laisseraient pas se déployer des comportements inhumains. Par ailleurs, le mot « généalogiste » est trop soutenu pour que ce soit l’esclave qui l’ait prononcé. C’est Voltaire qui déploie son ironie à travers le discours de l’esclave. Tout le discours du christianisme s’oppose à la réalité. L’Église permet la colonisation.
b) La dénonciation de la colonisation
La religion est du côté des agresseurs. L’Église n’est pas à sa place. Les colons prennent pour prétexte l’évangélisation et le fait qu’il faille convertir les peuples primitifs pour soumettre les esclaves. Voltaire met en cause les jésuites. Au nom de Dieu on convertit l’infidèle, mais le vrai but est de conquérir des territoires pour s’enrichir et dominer. Dans cette conception de la religion chrétienne, le blanc chrétien apparaît supérieur au noir. Ici, ce sont les protestants qui appliquent le code noir édicté par les catholiques.
c)Une économie médiévale
Le système mis en place est comparable à celui du Moyen-Âge, où les seigneurs avec l’aide du clergé asservissent, soumettent le monde paysan. Ici, ce sont des occidentaux riches qui à l’aide de la religion asservissent les noirs d’Afrique. Ce système que l’on peut qualifier de médiéval ne peut exister sans la participation des prêtres. C’est un système fondé sur l’injustice et la brutalité.
III. Une critique de l’optimisme
a)Le choc d’une rencontre
Comme dans tous les chapitres de Candide on retrouve la critique de l’optimise outre celle de l’esclavage et de la religion. Nous avons affaire à une sorte d’encyclopédie du mal. Avec l’esclavage, Voltaire dénonce l’optimisme car pour lui le danger c’est qu’il empêche le progrès, le changement, l’évolution. L’optimise est à mettre pour Voltaire sur le même plan que la religion, car il leurre les individus. Pour la première fois les certitudes de Candide qui avaient déjà été ébranlées s’effondrent. La rencontre de Candide avec le nègre le choque, cet étonnement est marqué par son exclamation : « Mon Dieu que fais-tu là mon amis dans l’état horrible où je te vois ? ».Candide passe de l’étonnement aux larmes, à la compassion en voyant un homme noir par terre amputé moins bien qu’un animal. D’ailleurs ce n’est pas anodin si le blanc Candide est debout, Voltaire veut par cette opposition symboliser l’inégalité qui existe entre blancs et noirs. Cependant l’emploi des déterminants possessifs « mon » dans l’expression « mon ami » et « son »dans l’expression « son nègre » marque l’affection de Candide et le fait qu’il se sent concerné. Candide est touché, il pleure.
b) Une révolte pathétique et intellectuelle
C’est la première fois que le héros éponyme pleure et il pleure sur le sort de quelqu’un d’autre, il fait preuve de générosité. Pour la première fois il se révolte contre Pangloss, son maître à penser : «Ô Pangloss! ,s’écria Candide, tu n’avais pas deviné cette abomination, il faudra qu’à la fin je renonce à ton optimisme ».Le mot « abomination » est hyperbolique, il montre que l’esclavage lui inspire de l’horreur. Candide rejette son maître et ses théories ce que souligne l’emploi du déterminant possessif de la deuxième personne : « ton » (« ton optimisme »).Cela montre le renoncement à la philosophie optimiste de son maître.
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