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Bac blanc de français 2014

Par   •  6 Février 2018  •  1 979 Mots (8 Pages)  •  698 Vues

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Le professeur, lui, peut être considéré comme pédant. Cette affectation prétentieuse du savoir se manifeste par l'apparence d'un discours sérieux qui multiplie les mots de liaison pour donner à son discours une apparence d'une logique implaquable : « Ce qui implique nécessairement » l.6, « par conséquent » l.14, « automatiquement » l.25, « justement » l.38, « toujours » l.31, « ainsi donc » l.34 ; qui accumule les généralités : « Toute langue... toute langue n'est en somme qu'un language » l.6, « Ceci est encore un principe fondamental » l.5 ; qui se développe en de longues phrases ( deuxième tirade du professeur ), dont on perd complétement le sens, ce qui reste un procédé classiquement professoral d'intimidation ; et qui s'appuie sur des formules adressées à l'élève, destinés à attirer son attention : « Mademoiselle, sachez-le, souvenez-vous en jusqu’à l’heure de votre mort » l.1-2, « regardez » l.20, « J’attire votre attention » l.40.

Ces deux personnages sont nommés par leur fonction : le professeur, l'élève, tous deux ayant des comportements invariables.

Dans un deuxième temps, on remarque que le comique utilisé dans ce texte est mis au service de la dénonciation. L'auteur utilise les comiques de gestes et de mots pour rendre le personnage grotesque. Les expressions « lever très haut le cou et le menton » l.15, « vous élever sur la pointe des pieds » l.15-16 et « émettre les sons très haut et de toute la force de vos poumons associée à celle de vos cordes vocales » l.19 montrent l'outrance des postures qui font ressembler le professeur à un animal, certainement à un coq. L'incohérence des mots prononcés les uns à la suite des autre produit un effet comique : « Eurêka » l.20 renvoie à Archimède et crée une pseudo référence culturelle, tandis que « Trafalgar » renvoie à la victoire de Nelson contre Napoléon. La répétition des mêmes sonorités « papillon » l.20, « papi, papa » l.21 suggère une sorte de bégaiement enfantin.

Le discours tenu par l'enseignant est absurde. On le voit d'abord par la discordance entre les règles et les exemples. Si les règles ordonnant les liaisons existent dans la diction française, les exemples donnés, en revanche, n'ont aucun rapport avec ces règles : « l'âge nouveau » et « voici la nuit » l.43 sont des expressions sans aucune liaison et « trois heures », « les enfants » ou les « coq au vin » l.43 ne présentent pas de caractéristiques particulières de ce point de vue. Mais le comique se développe le plus avec le jeu de mots sur l'expression « tomber dans les oreilles des sourds ». Elle génère la métaphore des sons car elle est prise au pied de la lettre : « les sons remplis d'air chaud plus léger que l'air environnant » l.21-22 donne l'image d'une mongolfière, image confirmée par la comparaison « comme des ballons » l.34. Les expressions « Voltigeront, voltigeront » l.22, « se maintenir à une attitude élévée dans les airs » l.29, « alourdis » l.30 et « s’écrouler » l.31 opposent lourdeur et légéreté, et développent ainsi l'image de la mongolfière.

Ainsi, en évoquant des sons « qui s’agrippent les uns aux autres, constituant de syllabes, des mots, à la rigueur des phrases », le professeur présente ces éléments comme des « assemblages purement irrationnels de sons » l.27-28, « dénués de tout sens » l.28 en contraste avec les « mots chargés de signification » l.30 : à la légèreté d’un discours qui n’a aucun sens véritable et qui peut donc se dérouler à l’infini. Le discours du maître s'opposerait donc un autre discours, plus lourd et plus significatif ; peut-être celui d’Ionesco dénonçant la violence de ce pesudo savoir professoral.

Dans un dernier temps, nous pouvons observer une violence cachée dans ce texte. L'autoritarisme du maître est suggéré par les imprératifs : « sachez-le, souvenez-vous en » l.1-2, « N'étalez donc pas votre savoir, écoutez plutôt » l.9, « Taisez-vous. Restez assise, n'interrompez pas... » l.18 et par leur répétition : « N'interrompez pas » x2, « continuons » x2. Le maître veut soumettre totalement l'élève au silence et à l'immobilité : « taisez-vous », « n’interrompez pas », « restez assise ». La souffrance de l’élève, mentionnée à deux reprises ( « J’ai mal aux dents » ), est à chaque fois niée: « Ca n’a pas d’importance. Nous n’allons pas nous arrêter pour si peu de chose. Continuons » l.46-47. En face, l’élève lance des répliques brèves et répétitives, ne conteste pas le professeur ( « oui, Monsieur » ), souffre de plus en plus, ce qui est souligné par les didascalies, qui montrent l’efficacité du discours professoral qui détruit peu à peu l'élève.

Finallement, le professeur succite chez le lecteur un sentiment d'inquiétude. L'élève commence à souffrir des dents, qui, symboliquement, représentent une forme d'énergie vitale. Les dents abimées ou perdues sont souvent synonyme de castration, d'impuissance et de mort. On remarque la présence de l'isotpie de la mort dans le discours du professeur : « jusquà l'heure de votre mort » l.2, appuyée par l'italique et répétée par l'élève ; les verbes « tomber » l.23, « succomber » l.31 et « crever » l.34, et les mots « gouffres » l.23 et « tombeaux » l.24 présentent également une connotation morbide. Le professeur mentionne plusieurs fois le changement et le bouleversement, « la pire confusion », « les consonnes qui changent de nature en liaisons », comme s'il annonçait par avance sa propre métamorphose, qui le conduira d'ailleurs à la fin de la pièce à tuer cette élève.

En conclusion, derrière l'apparence comique, Ionesco met en scène la violence d'un savoir qui cherche à s'affirmer et qui est utilisé comme une arme de domination sociale. C'est le language qui dénonce le plus cette violence, qui conduit le professeur à la folie et l'élève à la mort.

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