Étude de la dynamique Kennedy-Khroutchchev
Par Orhan • 30 Juin 2018 • 4 050 Mots (17 Pages) • 436 Vues
...
Décision en groupe
Lorsque Kennedy avec l’aide de ses principaux conseillers ont mis en place le ExComm, l’intention était de créer une équipe qui mettrait leurs habilités au service de la résolution de cette crise. Il venait de réaliser la première étape de l’évolution d’une équipe, c’est-à-dire la constitution de cette dernière (Schermerhorn, 2014). Chaque membre ne partageait pas la même opinion sur la résolution de la crise et plusieurs délibérations ont eu lieu. Suite à ces différents débats et partages d’opinions, une cohésion commença à se former et les efforts furent ensuite coordonnés pour atteindre l’objectif final. Quelques membres de l’équipe, particulièrement les militaires, qui préconisaient un raid aérien et une invasion de l’île, se sont peu à peu ralliés aux orientations que le président avait données. Ces mêmes personnes qui étaient réticentes à donner certaines informations au départ ou qui allaient même à l’encontre des objectifs ont commencé peu à peu à partager tous les renseignements utiles et à donner des commentaires constructifs pour résoudre la crise. Une synergie s’est donc créée afin d’établir le meilleur plan d’action possible.
De plus, le président avait pris soin de s’assurer que les membres de cette équipe soient diversifiés et apportent des points de vue différents afin d’éviter une pensée de groupe (Schermerhorn, 2014). Par exemple, ceci aurait pu survenir dans le cas où l’équipe aurait été constituée de plusieurs militaires qui optaient pour l’option de l’invasion. Aussi, le président n’assistait pas à toutes les rencontres afin d’éviter que certaines personnes censurent leurs idées en raison de la présence du président des États-Unis.[pic 5]
La mise sur pied de cette équipe formelle et performante par le président a été pensée par une équipe plus informelle composée du président, de son frère et de Kenny O’Donnell. Tout au long de la crise, ces trois membres de cette équipe informelle ont pris des décisions et orientations qui ont eu une influence importante sur la crise. La formation de l’ExComm, le fait de considérer uniquement la première lettre de Khrouchtchev ou encore la planification de la rencontre avec l’ambassadeur soviétique aux Etats-Unis en sont des exemples probants. Au début de la crise, ils ont été en mesure de garder un meilleur contrôle sur la discrétion des différentes opérations avant de rendre la crise et le plan d’action publique.
Les jeux politiques
Les jeux politiques se vivent à tous les niveaux d’une organisation, tant d’un point de vue humain qu’organisationnel. Ce que nous voyons ici est probablement l’apothéose en la matière. Il est important de repositionner l’action dans le temps pour comprendre la légitimité que les parties se donnent pour justifier leurs actions.
Nous sommes en 1962 au moment de la crise, mais bien des actes ont déjà été joués. Le partage de l’Allemagne après la Deuxième Guerre ne s’était pas fait dans la simplicité. La crise de Berlin démontre bien toutes les tensions entre les deux nations. Les Américains ont installé des missiles Jupiter en Turquie, les Russes voulaient faire de même à Cuba. La Russie se sentait obligée de protéger Cuba qui était un allié idéologique. Les Américains ne voulaient pas que toute l’Amérique latine bascule dans le communisme. Ce qui explique pourquoi les Américains avaient manigancé la tentative de renversement du régime Castro avec l’attaque de la baie des Cochons. Le tout avait laissé un goût amer pour le jeune président américain. Les Russes se sentaient légitimés de poser les gestes qui ont mené à ce conflit. Soit ils avaient une flotte de missiles à quelques miles nautiques du continent américain soit ils avaient une monnaie d’échange contre les missiles en Turquie. La table est donc mise pour les jeux de pouvoir.[pic 6]
Regroupons l’analyse des jeux de pouvoir en trois volets : les jeux de pouvoir hiérarchique, les jeux de pouvoir personnel et le bras de fer politique entre les Russes et les Américains.
À propos du premier volet, on peut voir à quelques reprises les agendas cachés des hommes militaires qui souhaitaient prendre leur revanche face à l’échec de la baie des Cochons. Connaissant bien les rouages administratifs, ils s’assuraient de naviguer à l’intérieur des pouvoirs légaux autorisés, et ce, malgré les commandes verbales du président. C’est ainsi qu’on a vu passer le niveau d’alerte de Defcon3 à Defcon2 au grand désarroi de ce dernier. Kennedy s’est assuré de bien passer son message via une colère directement adressée à l’un de ses généraux. Kennedy est conscient que la machine administrative militaire est bien organisée avec des protocoles pour répondre à toutes actions. C’est pourquoi le président demande à son conseiller Kenny O’Donnell de communiquer directement avec le pilote qui fera le vol de reconnaissance à basse altitude afin de lui faire comprendre qu’il ne devait en aucun cas rapporter des tirs ennemis. Sinon, un tel incident aurait pu déclencher des représailles menant potentiellement à une escalade de violence entre les parties. Kennedy devait donc manœuvrer contre sa propre administration.
Les luttes de pouvoir personnel sont aussi présentes. Entre autre, on peut voir l’amiral Anderson tenter de réduire le pouvoir de McNamara dans la salle de commandement en donnant l’ordre de tirer un coup de semonce sur un navire. Anderson utilise encore une fois l’argumentaire relatif à la légitimité de suivre les protocoles autorisés. « Nous ne faisons que notre travail nous monsieur » « Laissez-nous travailler en paix M. le Secrétaire ». L’amiral joue sur les mots afin de gagner une petite guerre psychologique. La tension monte. Cette fois, l’objectif est de faire perdre la face de McNamara devant les officiers présents. McNamara, après quelques secondes de réflexion, riposte avec une démonstration forte du manque de compréhension de l’amiral. « Et si les Russes faisaient la même erreur que moi et ne faisaient pas la différence entre des fusées éclairantes et une attaque? Vous ne comprenez rien amiral, ce n’est pas un blocus, c’est un langage que le monde ne connait pas encore. C’est le président Kennedy qui communique avec le premier secrétaire Khrouchtchev ! » On voit ici le retour en force de McNamara tant d’un point de vue du pouvoir hiérarchique que du pouvoir personnel.
En parallèle aux négociations secrètes, une ronde diplomatique se jouait aussi devant l’assemblée des Nations unies. Les
...