Processus de civilisation de Norbert Elias
Par Ramy • 28 Mars 2018 • 4 024 Mots (17 Pages) • 701 Vues
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La violence est déplacée, réduite. La violence est refoulée au niveau de l’individu qui s’impose à lui-même une discipline de conduite mais la violence est décuplée entre états. Le processus de civilisation apparaît alors comme le développement croissant et la complexification des auto-contraintes, à la tendance de la maîtrise de soi. Parce que les hommes sont civilisés, ils peuvent s’affronter dans des sports comme le rugby, la boxe ; ils peuvent se dénuder sur les plages sans commettre des agressions sexuelles.
La société de cour se construit par un processus lent dans l’histoire suite à la décomposition de la structure de la société féodale : pouvoir dispersé sur des territoires administrés par des seigneurs ayant une autorité sur les guerriers qui protègent la population (société hiérarchisée et divisée fonctionnellement) : le roi a peu de pouvoir (liens vassaliques). L’affaiblissement de la société féodale (monétarisation des rapports sociaux, montée des bourgeois dans les villes) à la Renaissance, l’affirmation du roi détenteur du pouvoir, de la souveraineté, exerçant le monopole de la violence légitime. Le pouvoir se concentre et se centralise. Le roi réussit à lever des impôts, il forme une armée. La monarchie devient absolue. La cour devient le centre de gravité de la vie politique. L’aristocratie dépend du roi. La noblesse féodale cède le pas à une aristocratie de cour (c’est la curialisation, les conflits, les enjeux de pouvoir sont déplacés d’une guerre de fiefs à la revendication d’une place, d’une grandeur, d’un prestige).
Le roi se met à part, se distancie. Il met en concurrence les nobles et les bourgeois, ce qui lui permet de les surveiller et de les contrôler. La position sociale dans la hiérarchie s’exprime dans la distance qui sépare du roi : la proximité spatiale donne la mesure du prestige social. La position dans la hiérarchie devient un enjeu de prestige. L’ethos de l’aristocratie tient dans la lutte pour le statut social et non sur la simple recherche de richesse matérielle. Les symboles de la grandeur au sein de l’aristocratie se trouvent donc dans la compétition pour le prestige, ce qui conditionne singulièrement les comportements des hommes au sein de la cour. La dépendance de l’aristocratie à l’autorité du roi est institutionnalisée. La conquête du prestige devient une valeur distinctive et oblige à se plier à l’étiquette et au cérémonial de la société de cour. Se développe alors une rationalité de cour qui consiste en une planification calculée du comportement de chacun en vue de s’assurer, dans la compétition et sous la pression constante des chances de statut et de prestige par un comportement approprié. L’ensemble de la vie à la cour est réglé selon cette rationalité. La cour est devenue un lieu d’obligations réciproques où les moindres gestes et les moindres paroles doivent faire l’objet d’un calcul pour accroître ses chances de prestige (comme une Bourse, comme un marché où s’échangent des opinions sur la valeur des individus). Trois exigences fondamentales : savoir observer et analyser chaque situation sociale ; savoir adopter une attitude conforme en fonction des exigences de l’étiquette et de la situation observée ; savoir contrôler ses émotions en adoptant un comportement judicieusement calculé et nuancé et en évitant des manifestations affectives spontanées. Ces trois exigences montrent que la nécessité de se contrôler s’impose comme une autocontrainte. On assiste alors dans la société de cour au renforcement du niveau de conscience que les affects et le corps doivent être maîtrisés avec nuance et justesse pour augmenter ses chances de prestige.
Les deux processus sont liés : rationalisation de cour et monopolisation du pouvoir dans la monarchie absolue. Le roi est au sommet, il contrôle et distribue les chances de prestige sous formes de pensions, de rentes. Le Roi-soleil est celui autour duquel les hommes de cour gravitent comme le font les planètes autour du soleil. La métaphore n’est pas seulement politique et esthétique (le roi comme grand mécène et protecteur des arts) mais également astronomique. « Le moindre pas du roi et de son entourage était réglé d’avance. Les actions d’un homme s’enchaînaient les unes aux autres de manière permanente. Le système de cour fonctionne alors comme un mécanisme de régulation, de consolidation et de surveillance au cœur duquel se trouve le roi, souverain absolu et détenteur du monopole de l’ exercice de la violence légitime.
« Diviser pour régner » se mettre à distance, au sommet de la hiérarchie ; voilà la stratégie du roi. La théorie du double corps du Roi vient expliquer également cette mise à distance.
Les Deux Corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge (The King’s Two Bodies. A study on medieval political theology) publié en 1957 par Ernst Kantorowicz, alors enseignant à l'Institute for Advanced Study de Princeton.
Ce système inique, délirant reposant sur la stricte hiérarchie et les privilèges appelle son contraire : l’égalité républicaine.
Le processus de civilisation (1939) la civilisation des mœurs et la dynamique de l’Occident.
Elias veut comprendre pourquoi la violence extrême a gagné son pays natal. Cela s’explique par son histoire qu’il faut comparer avec celle de la France au travers des concepts de « Kultur » et de « civilisation ».
L’idée de civilisation se développe en France dans le cadre de la société de cour qui considère le progrès de l’esprit humain comme universel (Lumières). A l’opposé l’idée de Kultur associe ce progrès au développement intellectuel de chaque individu et nécessitant une ascèse.
Au traves ces deux notions, il y a deux conceptions du progrès. L’idéal français vise à homogénéiser, à rapprocher les couches sociales, à les civiliser par diffusion du haut vers le bas des normes de comportement. En Allemagne, aristocratie et bourgeoisie entretiennent des relations distantes. La société de cour mettait en concurrence aristo et bourgeois dans l’accès aux fonctions du gouvernement. Les deux couches sociales sont interdépendantes. Le processus civilisateur vise l’homogénéisation du corps social par le processus de centralisation du pouvoir et d’expansion à l’humanité des règles de civilité (colonisation).
Le processus de civilisation passe par la société de cour : là la joute oratoire remplace le duel par les armes. La violence physique est bannie des rapports sociaux, refoulée dans le for intérieur : elle
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