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FREUD Malaise dans la civilisation Chapitre V

Par   •  22 Octobre 2017  •  3 347 Mots (14 Pages)  •  1 483 Vues

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Le mécanisme de la tendance naturelle à l'agression est ensuite analysé par Freud sous son double aspect. Généralement, la société ne nous permet pas d'actualiser directement notre instinct de mort ou d'agression. Si nous voulons l'exprimer malgré tout, nous n'avons qu'une ressource : l'intégrer dans un pland'ensemble et un but, que nous aurions pu actualiser par une médiation plus douce. Ainsi mettons-nous notre agressivité au service d'une ambition sociale, pour laquelle une médiation autre aurait pu être employée. Elle pourra, à l’occasion, être l'outil de quelque carrière sociale, la fin justifiant dans certains cas les moyens, par exemple. Mais, dans d’autres cas, quand mon agressivité n'est plusdomptée ou pour le moins canalisée par la société,elle peut se manifester en elle-même et sans détour. Massacres, horreurs historiques, génocides divers, tortures, etc., s'intègre et se comprennent dans ce flot

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agressif sans entraves et sans digues. Les exemples historiques des tragédies politiques du XX siècle sont ici éloquents, qui viennent corroborer amplement et sans conteste possible la thèse de Freud.

Enfin, dans les dernières lignes du texte, Freud souligne l'antinomie entre ces instincts d'agressivité, d’une part, et la civilisation conçue comme l'ensemble des acquisitions des sociétés humaines, d’autre part. En effet, non seulement la tendance à l'agression perturbe nos rapports avec autrui, mais encore elle menace l’esprit même de notre culture et de notrecivilisation ; elle contredit la structure et l'organisation générale des sociétés,leurs acquis globaux. Certes la civilisation, pour défendre le principe d'unité qui conditionne sa survie, a déployé un certain nombred'efforts et de tentatives pour préserver l’humanité fragile et sans cesse menacée de notre condition : la tendance à l'agression tend, en effet, à tout détruire. Or, la civilisation vise à l'unité. Elle a donc tenté de s'opposer au développement des puissances humaines destructrices. Mentionnons, parmi ces tentatives, la formation, dans la terminologie freudienne, du surmoi, intériorisation des interdits parentaux, qui s'opose aux violences de la destruction. Néanmoins, malgré ces efforts, les tendances à l'agression menacent de ruiner le lien unitaire de la société civil sée elle-même, parce que celui-ci n’est finalement qu’un masque, et peut-être même unleurre, destiné à occulter la violence foncière etinextinguible de notre nature primitive.

Ce texte présente l’intérêt, selon nous, de répondre au problème posé par l’origine de la violence enl’homme. La violence est-elle naturelle, ou est-elle une conséquence ou une suitede la culture ? En effet, un des problèmes essentiels questionnant le philosophe

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comme le théoricien du pouvoir ou de la politique,est celui des sources de la violence. De quoi relève-t-elle au juste ? Le mérite de ce texte est de souligner que la violence se comprend sur un plan psychologique, mais qu'il faut l'enraciner, dans son fondement même, au plus profond de l'homme. II existe en nous, dans notre terrain instinctuel et quasi biologique, une prédisposition même à la violence dont il ne faut pas sous-estimer la réalité. Notons d'ailleurs que ce substrat pulsionnel,si bien mis en évidence par Freud, peut se tourner, soit vers le dehors, soit vers le dedans. Une partie de l'intérêt philosophique du xte nous échapperait, si nous ne mettions ainsi en évidence le double mouvement de l'agressivité : elle est mode de relation à autrui, mais aussi auto-agression. Dans ce texte, Freud s'attache surtout à la violence exercée sur autrui, mais il ne faut pas oublier que l'originalité de la théorie psychanalytique est d'avoir su comprendre dialectiquement la pulsion de mort dans ses liens avec la personne propre prise comme objet même de destruction. Autrui n'est pas le seulobjet de ma haine, qui peut aussi porter sur moi-même, comme le prouve l'analyse du masochisme, ou à l’extrême l’exemple du suicide.

Rien ne semble bien évidemment plus éloigné du réalisme psychologique freudien que les thèses prônées, à l’inverse, par un certain idéalisme philosophique ou religieux, selon lequell’homme, défini dans son essence comme sujet, serait capable de résister voire de s’opposer, par la force de sa volonté, à la violence, même extrême, de certains de ses désirs. Certesle désir est une pensée liée au corps – « une passion », pour employer la terminol ogie de Descartes – et on pourrait donc rétorquer que la violence et la force du désir ont également leur cause, comme chez Freud, ansd le corps. Mais ce faisant, on confondrait, à to rt selon nous, « cause » et « origine ». L’agressivité est originaire selon Freud, parce qu’elle est innée en l’homme, parce qu’elle fait partie de sa nature corporelle et biologique (le psychisme n’étant par suite qu’une extension ou qu’une expression de cell e-ci). Ce n’est qu’en parvenant à refouler cette agressivité originaire ou originelle dans le fond de notre inconscient, que nous accédons progressivement à l’étage de la culture, que nous nous rendons capables, parce que la civilisation l’exige, de transcender ce fond pulsionnel, et par suite d’agir moralement, de faire même, potentiellement, le bien. Mais ce compromis ou cet équilibre sont extrêmement fragiles, et à chaque instant, le refoulé peut revenir, et voir l’homme retomber, ainsi que l’histoire et l’actualité en témoignent à l’envi, dans sa barbarie primitive. Alors qu’à l’opposé du « matérialisme » freudien, le « spiritualisme » considère l’agressivité ou la violence comme une cause, certes logée dans le corps, mais une cause seconde, dont la cause ou l’origine véritablement première seraient situées à l’extérieur de l’homme (dans la société,source de toutes les injustices et de toutes les inégalités, comme chez Rousseau), ou, pour en opérer une personnification, chez un Auteur surnaturel qui nous inspirerait à chaque insta nt de faire le mal (le Tentateur, le « Serpent », le Démon, dont nous parlent par exemple les écrits bibliques).

Alors, qui a tort, et qui a raison ? Ce qui nous semble discutable et pour tout dire problématique dans le spiritualisme religieux, c’est l’espèce de mythologie sur laquelle il se fonde. Certes, le croyant récuserait les

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