Les industries alimentaires
Par Ninoka • 24 Avril 2018 • 7 135 Mots (29 Pages) • 612 Vues
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1.2 Démontage, fractionnement et assemblage
La succession des opérations techniques qui vont du produit agricole à l’aliment est de plus en plus longue et complexe. Même les produits consommés en l’état ne sont pas offerts (sauf peut-être dans de rares cas de vente directe) sans que des opérations de tri, de calibrage, de stockage et de conditionnement qui, par assemblage du produit et de son contenant et par la taille des ateliers, s’apparente à une activité industrielle, n’aient eu lieu.
1.2.1 Des logiques économiques contrastées
Les chaines sont plus ou moins étendues selon les produits. Plus ceux-ci sont proches de leur état agricole (matière première unique, faible degré de transformation) plus la chaine sera courte. On parle alors de première transformation. L’appertisation ou la congélation de fruits et de légumes en donnent une illustration. La fabrication de sucre en est une autre, à ceci près que le sucre est maintenant plus souvent utilisé comme matière première ou ingrédient que consommé en l’état. Dans les filières techniques qui incluent une transformation des produits, le processus d’élaboration de biens alimentaires relève de deux types d’intervention dont la logique diffère sensiblement : le démontage et l’assemblage.
Le démontage vise à décomposer la matière première issue de l’agriculture en une série d’éléments qui constituent des produits consommables en l’état, des matières destinées à entrer dans un autre processus de transformation et des déchets. La meunerie décompose le blé en farine et son. Chacun de ces constituants peut être, à son tour, mélangé et transformé ou simplement conditionné en l’état pour la vente aux consommateurs qui, en l’occurrence, les utiliseront pour élaborer leurs recettes alimentaires finales ou celles du bétail. La caractéristique économique fondamentale du démontage est que le prix d’achat de la matière première est unique et que les prix des ventes des produits « démontés » sont multiples. La logique du démontage est, ainsi, d’optimiser les opérations techniques en visant à ne perdre que la plus petite fraction du poids initial et/ou à obtenir la plus grande proportion du produit qui sera le mieux valorisé. L’ajustement s’effectue d’abord en amont, dans le rapport avec les producteurs agricoles, de manière à disposer des matières premières qui seront le mieux adaptées aux marchés du transformateur et à indexer le prix d’acquisition en fonction de l’aptitude des produits agricoles à procurer les meilleurs rendements. En aval, la stratégie repose sur la capacité à tirer le meilleur prix de chaque constituant. Paradoxalement, c’est souvent sur la capacité des acteurs à bien valoriser les coproduits ou sous-produits et à limiter la part de déchets (fractions non valorisées donnant lieu à un coût d’élimination) que se fonde la différence de performance[4]. Parmi les acteurs de première transformation ou démontage, les exemples abondent de situations avantageuses obtenues par la bonne valorisation de l’ensemble des produits issus d’une même matière première : la domination des entreprise néerlandaises et danoises dans le commerce de la viande de porc repose largement sur le fait, qu’occupant de fortes positions sur le marché britannique du bacon, elles sont en mesure de proposer de larges quantités de jambons et autres pièces de fabrication dans différents pays du monde, elles jouissent d’un équilibre matière que n’ont pas les compétiteurs français. Dans l’industrie laitière, l’une des voies actuelles d’innovation est dans l’élaboration d’ingrédients alimentaires issus du « cracking » du lait et de l’isolement, notamment, des diverses protéines. Cette recherche de la valorisation des coproduits pousse à l’augmentation de la taille des entités techniques et économiques. En effet, il est souvent plus aisé de valoriser ces produits secondaires lorsque l’on dispose d’une échelle (quantité de matière) qui permet d’amortir à la fois les immobilisations immatérielles et matérielles et les charges d’exploitation, notamment de personnel, en particulier de R&D.
La logique d’assemblage est toute autre : le coût matière final résulte de l’addition de coûts matières initiaux. Les matières premières, issues du démontage, ont des prix unitaires très disparates ; la farine, la semoule, la purée de tomate sont moins chères que la viande ou le fromage, la gestion du coût matière pousse donc à maximiser l’incorporation d’éléments les moins coûteux tout en gardant le bénéfice de la saveur et de l’attractivité des éléments qui le sont le plus. La recette joue donc un rôle considérable dans la performance économique. Une formule efficace est celle qui, à la fois, est difficilement imitable (voire protégée), peu coûteuse en intrants, appréciée par le plus grand nombre et permettra de mettre en avant un argument commercial valorisant.
1.2.2 Des savoir-faire et des modes d’organisation multiples
Nonobstant l’émotion médiatique soulevée par l’utilisation du mot minerai à propos de la viande bovine destinée à la fabrication de plats cuisinés ou de viande hachée, nous filons la métaphore. Les entreprises d’amont (1ère transformation, démontage) se comparent aux mines alors que celles d’aval (assemblage) sont plus proches de la logique des fabricants d’automobiles. Les compétences requises sont radicalement différentes :
- Les entreprises d’amont sont proches de l’agriculture (et sont fréquemment des coopératives, donc propriété mutuelle d’exploitants agricoles). Elles mettent en œuvre des économies d’échelle au niveau des sites industriels, dont la taille moyenne a régulièrement augmenté au cours des dernières décennies. La clé du succès est la coordination entre agriculture et industrie, tant en ce qui concerne la géographie (implantation du site de transformation au cœur du bassin de production) que la taille (dimensionnement en phase avec la capacité de production du bassin), le calendrier (possibilité d’étalement des récoltes dans le temps, coordination opérationnelle réduisant le délai entre le moment de la récolte et celui de la transformation) et que les choix techniques agricoles (variétés mises en œuvre, itinéraires agronomiques, équipements).
- Les entreprises d’aval n’ont pas les mêmes besoins. Il faut ici distinguer deux cas de figure très différents, les entreprises qui disposent d’une marque et les autres. Les premières sont, notamment, les grands groupes mondiaux.
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