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L'identité polonaise catholique et guerrière

Par   •  12 Novembre 2018  •  2 912 Mots (12 Pages)  •  389 Vues

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Après la Seconde Guerre mondiale, la population polonaise, encore baignée dans la souffrance des conflits chercha sans doute une consolation dans la religion. L'issue de cette guerre, dont l'indépendance de la Pologne était le point de départ, était pour le peuple une désillusion. Les conflits pour l'indépendance durèrent jusqu'en 1947 et elle ne fut pas obtenue puisque les années qui suivirent furent marquées par la domination soviétique (Davis, 1986, p. 31).

Le régime communiste n'osa pas supprimer l'Église (ni la paysannerie) ce qui en fit le seul pays de l'Union Soviétique doté d'une Église indépendante. Elle a été exclue des médias et des écoles mais est restée libre d'entretenir des relations avec le Vatican. En 1950, cependant, on assiste à des arrestations massives de prêtres et à la confiscation des biens du clergé (Davis, 1986, p. 29). Durant cette période, les travailleurs indépendants sont maraîchers, horlogers, artistes, mais ils sont peu nombreux. En dehors de cela, pour ne pas être ouvriers, il n'y a que l'entrée dans les ordres ou l'agriculture comme alternative (Davis, 1986, p. 77).

La nomination de Jean-Paul II en 1978 est sans doute une magnifique stratégie du Vatican, qui par la sincérité et la spontanéité de l'autorité papale sur les Polonais, renforce le sentiment d'illégitimité du régime communiste en place, aux relents d'hypocrisie et de pluralisme factice. Cet évènement marqua à jamais la population, qui tira de cela un sentiment d'unité face au pouvoir en place, brisant l'anxiété collective et revigorant l'esprit de résistance polonais (Davis, 1986, p. 37 et 38). L'Église prêcha cependant la voie de la souffrance spirituelle plutôt que celle de la revanche (Davis, 1986, p. 76). Lech Wałęsa, figure de proue de Solidarnośc, s'affichait d'ailleurs ouvertement comme catholique (Davis, 1986, p. 80). Ce mouvement non-violent désarmé, jouit aujourd'hui encore d'une aura de martyre héroïque, dans le sens le plus chrétien du terme. C'est sans doute de cette attitude de refus de la violence, apanage de l'oppresseur soviétique, et d'affirmation du pluralisme, que « découle son impérissable victoire morale » (Davis, 1956, p. 40).

Une autre interprétation de l'attachement des Polonais au catholicisme peut se faire à travers la place importante de la littérature romantique de l'émigration polonaise au XIXe siècle. Le mouvement littéraire du positivisme communiste était d'ailleurs farouchement opposé au patriotisme romantique (Davis, 1956, p.70). Privé de patrie, le patriotisme était devenu à l'époque romantique le fer de lance des écrivains polonais en France. « Le thème de la survie par la culture et de la supériorité des vaincus dans ce domaine devint central. » (Beauvois, 2009, p. 4) La répression culturelle de la Russie envers la Pologne (notamment dans l'enseignement de l'histoire et du récit national) était forte à l'intérieur de l'ancien royaume, mais elle s'est avérée impossible à réprimer chez les émigrés polonais en France qui, dans une « fièvre romantique » (Beauvois, 2009, p. 11), mêlèrent les faits historiques aux légendes et produisirent, à partir d'un « récit national polonais », quantité de poèmes, de romans, et de pièces de théâtre à la gloire de la patrie perdue, véritable « Christ des Nations » (Beauvois, 2009, p.12). On retiendra ici surtout le nom d'Adam Mickievicz, auteur des Livres du pèlerinage polonais (écrits dans un style biblique), qui devança ainsi l'action de l'Église dans l'assimilation de la Pologne au catholicisme (Beauvois, 2009, p.12). À la veille de la Première Guerre mondiale, les jeunes intellectuels polonais ne s'appliquaient pas à étudier l'historiographie de la nation mais bien les chantres du patriotisme du XIXe siècle. L'historien le plus en vue de l'époque était sans nul doute Szymon Askenazy, qui donna une place de choix à l'histoire militaire et à la lutte armée pour la renaissance de la patrie.

J'en viens ici à ma seconde impression marquante quant à la construction du sentiment national polonais. Il est vite apparu que la guerre, la résistance, la mémoire des héros, des morts, est au centre de bon nombre de lieux touristiques et de musées. Il est vrai que se plonger dans l'histoire de la Pologne c'est aussi se plonger dans une histoire de guerres, de combats, de morts, de prisonniers politiques - à ce propos, notre visite de la prison nous a donné une vague idée, déjà très glauque, des conditions d'enfermement des prisonniers à l'époque communiste. Il n'est pas étonnant dès lors que la souffrance liée aux pertes humaines, au manque de droits et de libertés, engendrée par les guerres et les occupations militaires, soit encore vive dans les mémoires.

Avec 18 % de sa population tuée et presque toutes les villes du pays à reconstruire à l'exception de Cracovie, la Pologne est sans doute le pays qui subit le plus de pertes durant la Seconde Guerre mondiale (Davis, 1986, p. 86). Le pays semble en effet très attaché à son histoire de victime (de martyre). Mais pas uniquement de manière passive puisque les thèmes proscrits durant la période communiste (Katyn, l'Armée de l'Intérieur, l'insurrection de Varsovie, la place des alliés Américains et Britanniques), qui ressurgissent aujourd'hui, magnifient la résistance polonaise face aux oppresseurs. Maintenus dans le silence et absents du discours historique pendant trop longtemps, ces sujets ressortent ensuite de façon très marquée dans les musées et les monuments historiques, sans doute pour ré-équilibrer la version amputée de l'histoire (mais surtout l'assujettissement factice des mémoires) voulue par le régime communiste en place jusqu'à la chute du mur. « L'effet sur la conscience nationale de cette privation drastique a été celui d'un traumatisme prolongé » (Davis, 1986, p. 129).

Et là, tout commence à s'éclairer. L'attachement des Polonais à leur appartenance religieuse est à ce point marquée car elle est symbole de résistance (Davis ?, p. 20) et de pluralisme face au système du parti unique (Michel, 2011, p. 76 et 77). Mais si la posture de victime du peuple polonais nous a été très fortement montrée lors de notre visite au Musée de l’Armée de l’Intérieur (Muzeum AK), la posture de la résistance farouche le fut également. À Cracovie, à Markowa, au Musée de l’Insurrection de Varsovie, partout se trouvent des monuments, des plaques

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