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“L'APPEL AU PEUPLE” DU 2 DECEMBRE 1851

Par   •  10 Janvier 2018  •  5 656 Mots (23 Pages)  •  535 Vues

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Le second point, c'est le refus de l'Assemblée d'amender la Constitution pour permettre à LNB de se représenter en décembre 1852 quand son mandat sera arrivé à échéance. En effet, d'après la Constitution, le président est élu pour 4 ans non immédiatement renouvelables. L'Assemblée, le 19 juillet 1851, vote pour la révision sur la demande de la Commission de révision avec une majorité de seulement 446 voix contre 278 (la majorité des trois quarts requises n'est pas atteinte, il manque 97 voix).

L. 3: “Chaque jour qui s'écoule aggrave les dangers du pays”, les termes restent généraux, mais le président tient à montrer que la situation est explosive car deux groupes sont très mécontents en France: ceux qui ont perdu le droit de vote et le parti de l'Elysée que lui-même représente. Les mots choisis (aggraver, dangers) sous-entendent qu'il y a urgence en la matière, d'où la nécessité d'une action vigoureuse, ce qui explique et justifie le coup d'Etat.

L. 4: ”L'Assemblée qui devait être le plus ferme appui de l'ordre est devenue un foyer de complots”, il fait allusion à la proposition des trois questeurs. En effet, l'Assemblée craint de plus en plus un coup d'Etat de la part du président, donc elle cherche à se protéger et, le 6 novembre 1851, cette proposition des trois questeurs rappelle qu'en vertu d'un décret du 11 mai 1848 jamais appliqué, le président de l'Assemblée a le droit de requérir la force armée pour assurer la défense de l'Assemblée, sans passer par le ministre de la Guerre. C'est montrer clairement à LNB à quel point les parlementaires se défient de lui. Malgré l'insistance de plusieurs membres de la majorité, la gauche refuse de soutenir la proposition des questeurs, car elle craint encore plus un coup de force des monarchistes que du président et, le 17 novembre la proposition des questeurs est repoussée par 408 voix contre 300, grâce à la coalition des partisans de l'Elysée, des conservateurs et de la majorité des démoc-socs. On peut dire qu'à partir de ce moment, tout le monde se rend compte qu'il y aura un coup de force, ou de la part du président, ou de celle de l'Assemblée. On sait en effet que certains représentants de droite préparent son arrestation.

L. 5-6: “Le patriotisme de 300 de ses membres n'a pu arrêter ses fatales tendances. Au lieu de faire des lois dans l'intérêt général, elle forge des armes pour la guerre civile”, fait directement référence au refus de l'Assemblée de voter la proposition d'abrogation de la loi du 31 mai 1850 dont je viens de parler. Comme une partie de l'électorat a été privée du droit de vote, l'électorat est mutilé d'un tiers, ce qui revient en quelque sorte à rétablir le système censitaire et risque de provoquer des soulèvements parmi la population touchée par cette loi.

L. 7: “elle encourage toutes les mauvaises passions; elle compromet le repos de la France”, accusations d'ordre général. En fait, c'est une sorte de récapitulation des méfaits de l'Assemblée qui sert de transition pour introduire la proposition suivante, fin de la ligne 7: “je l'ai dissoute”, phrase extrêmement efficace dans sa brièveté, d'autant plus lourde de signification que, selon la Constitution de 1848, le président n'a pas le droit de dissoudre l'Assemblée. Il est intéressant ici de lire le décret de dissolution de l'Assemblée qui a été promulgué le matin du coup d'Etat et qui comprend 6 articles.

L. 8-9: “la Constitution a été faite dans le but d'affaiblir d'avance le pouvoir que vous alliez me confier”. On peut dire deux mots de cette Constitution, promulguée le 4 novembre 1848: elle confie le pouvoir législatif à une assemblée unique de 750 membres élus pour trois ans au suffrage universel. Un président de la République, élu lui aussi au suffrage universel pour une durée de quatre ans et non immédiatement rééligible, reçoit le pouvoir exécutif. Il peut nommer et révoquer les ministres comme il l'entend, y compris les choisir hors de la majorité parlementaire. Mais il ne peut pas dissoudre l'Assemblée. Se retrouvent donc face à face deux pouvoirs d'égale légitimité (car tous les deux élus au SU) et qui ont peu de prise l'un sur l'autre en raison d'une stricte séparation. En cas de conflit entre les deux pouvoirs, la France risque donc d'être ingouvernable. C'est ce qui se passe justement en 1851. Cette Constitution est le produit d'une double peur: celle d'une assemblée unique toute-puissante, comme la Convention sous la Révolution, et celle d'un président qui puisse s'ériger au rang de dictateur.

LNB essaie donc de justifier la dissolution de l'Assemblée en dénoncçant le but même de la Constitution: juguler l'action du président par l'intermédiaire de l'Assemblée. Ce qu'il dit est vrai, on sait que les constituants craignaient justement ce genre de réaction de LNB, à savoir le coup d'Etat (cf Jules Grévy dont l'amendement n'est pas passé).

L. 9-10: “Six millions de suffrages furent une éclatante protestation contre elle (la Constitution)”, il parle bien entendu de son éclatante victoire aux élections présidentielles de décembre 1848.

L. 10: “Les provocations, les calomnies, les outrages m'ont trouvé impassible”. Il fait de nouveau allusion à la proposition des trois questeurs qui revenait à dire que l'Assemblée avait besoin de se protéger du président et il parle en général de toutes les manoeuvres de l'Assemblée pour l'empêcher de gouverner comme il l'entend.

L. 11-13: “Mais aujourd'hui que le pacte fondamental n'est plus respecté de ceux-là mêmes qui l'invoquent sans cesse et que les hommes qui ont perdu deux monarchies veulent me lier les mains afin de renverser la République”, le Pacte fondamental, c'est le pacte entre le Peuple et l'Assemblée: le Peuple délègue son pouvoir souverain à l'Assemblée, c'est l'Assemblée qui vote les lois, forte de ce pouvoir qui lui est reconnu par le Peuple, en contrepartie, le Peuple se soumet aux lois qu'il a lui-même voulues. Le pacte fondamental n'est plus respecté car on sait que l'Assemblée refuse d'abroger la loi qui a réduit l'électorat d'un tiers. Elle ne peut donc prétendre représenter le Peuple dans son ensemble = la République est en danger: “afin de renverser la République”.

Il en profite pour

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