Lecture naïve / lecture critique
Par Christopher • 30 Novembre 2018 • 2 308 Mots (10 Pages) • 1 048 Vues
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Par ailleurs, le lecteur qui est immergé ne se voit pas obligé de se positionner. Il n’a pas à interpréter l’œuvre. A une époque où tout doit faire sens, certains auteurs peuvent y voir un avantage. Puisqu’il existe autant de manière de percevoir une œuvre qu’il y a de lecteurs, pourquoi vouloir à tous prix donner une signification à l’écrit ? Ainsi des écrivains comme Ionesco ne perçoivent pas leur œuvre comme « engagées ». Rhinocéros peut aussi bien figurer la montée du Nazisme que la radicalisation ou les phénomènes de mode de notre société. Avoir une approche naïve d’une œuvre laisse libre cours à notre imagination pour se figurer ce que signifie accomplir sa « légende personnelle » dans le roman de Paulo Coelho. Faire une lecture critique, ce serait fixer une interprétation alors qu’il ne peut y en avoir qu’une seule. L’auteur peut donc préférer une lecture naïve qui ne demande pas à son public de comprendre son œuvre alors qu’il n’y a pas d’interprétation nécessaire.
Un lecteur qui aborde une œuvre de façon naïve est donc plus imprégné par l’œuvre, il peut laisser libre cours à ses émotions sans se positionner face au texte. L’auteur joue ainsi avec son écriture pour atteindre la sensibilité du lecteur. Certains Mais la lecture naïve est une lecture de surface, et si certains auteurs peuvent légitimement préférer une lecture naïve plus directe de leurs œuvres, d’autres peuvent en revanche en préférer une lecture critique.
Une lecture critique est une lecture réfléchie, analytique, en détail de l’œuvre. Certains auteurs peuvent la préférer à une lecture naïve car elle leur permet de jouer avec leur public en leur transmettant leurs émotions, leurs idées, leurs sentiments. Ainsi, un véritable dialogue entre auteur et lecteur peut être créé.
Une lecture naïve est la première lecture, simple, sans éloignement du texte. Si elle permet à l’auteur de jouer sur la sensibilité du lecteur et son imagination, elle ne lui accorde pas la capacité de jouer véritablement avec le langage afin de lui apporter des éléments qu’une simple lecture ne suffit pas à percevoir. En effet, certains auteurs peuvent prendre plaisir à insérer dans leur récit des détails importants pour comprendre pleinement leur œuvre. Ainsi, une seule lecture ne suffit pas pour comprendre la totalité des nouvelles de Bill Carver. Au contraire, la première lecture de son œuvre laisse généralement dubitatif – on a l’impression d’avoir perdu notre temps pour une histoire sans intérêt. C’est en étudiant chaque détail de ses textes que le lecteur parviendra à saisir son sens. L’auteur s’amuse ici véritablement avec le lecteur à travers ses mots, et l’appelle à lire attentivement. Le poème Sed Non Satiata de Rimbaud est, à la première lecture, un simple poème d’amour. Mais à sa relecture et son analyse, on peut en dégager une autre dimension bien plus sulfureuse. L’existence d’une lecture critique peut donc donner le moyen à l’écrivain de tenir un discours secret, déchiffrable seulement après une relecture attentive.
Par ailleurs, ces indices dissimulés dans l’œuvre demandent un effort dans le travail de l’écriture. Parfois une simple tournure de phrase ou figure de style peut permettre à l’écrivain de donner un autre sens à ce qu’il écrit. Une lecture critique rend donc mieux compte du travail accompli et valorise ainsi davantage l’écrivain. Ainsi l’étude linéaire du Mariage de Figaro et de la prose de Beaumarchais permettra au lecteur averti de saisir la valeur érotique du ruban de la Comtesse ou la psychologie de Figaro. Un auteur peut donc légitimement préférer une lecture critique de son œuvre, lecture qui valorisera davantage son travail d’écriture et sa recherche dans l’intertextualité.
Aussi une lecture critique peut avoir cet avantage d’offrir à l’auteur le moyen de transmettre véritablement sa pensée et ses sentiments. Une lecture critique laisse le lecteur s’interroger sur l’œuvre, de réfléchir à ce qui est transmis. Ainsi, celui-ci peut, par la réflexion, découvrir une nouvelle dimension à ce qu’il lit. Une dystopie possède généralement une autre dimension qu’un simple monde fantastique. Le lecteur du Meilleur des mondes peut s’interroger sur la signification d’un tel système sociétal et en comprendre toute la symbolique en réfléchissant sur l’œuvre, en l’actualisant, en la mettant en lien avec d’autres livres. L’implicite d’une œuvre ne peut être saisit que par sa relecture réfléchie. Un auteur peut donc se trouver valorisé par une lecture critique puisque son œuvre n’est pas qu’un simple moyen de se divertir mais également le point de départ d’une réflexion. Cela peut permettre à l’auteur d’être mieux compris dans ce qu’il souhaite faire passer. Certains ouvrages comme les œuvres philosophiques sont quasiment écrits uniquement pour une lecture réfléchie. Une lecture naïve de ces textes permet certes d’approcher dans la globalité leurs sens, mais une lecture critique est nécessaire pour saisir pleinement tous les enjeux, les problèmes soulevés, l’argumentation développée. Malgré les nombreux mythes et exemples inventés par Platon, il est rare que l’on comprenne véritablement sa philosophie à la première lecture de ses œuvres.
Enfin, en demandant au lecteur d’interpréter l’œuvre, la lecture critique permet d’engager un véritable dialogue entre l’auteur et le lecteur. En effet, nous l’avons dit une lecture critique demande au lecteur de se positionner vis-à-vis de l’œuvre par l’éloignement de celle-ci. Ainsi, non par son imagination ou sa sensibilité mais par sa contestation des idées de l’auteur ou par son désir de comprendre l’auteur, le lecteur donne vie à l’œuvre. Alors que les lectures naïves s’enchaînent, la lecture critique demande une lecture plus lente et plus attentive à l’œuvre. Aussi Carver fait preuve d’ingéniosité en écrivant ces nouvelles incompréhensibles à la première lecture et qui demandent une lecture approfondie. En amenant le lecteur à être attentif à son écriture, il l’oblige à prendre le temps de lire alors que les nouvelles sont habituellement des histoires qui se lisent assez rapidement de par leur courte longueur et la simplicité de l’intrigue.
Par ailleurs, les différentes interprétations d’une même œuvre peuvent certes être dépréciées par certains auteurs qui préfèrent voir leur œuvre dénuée de toute signification fixée, mais elles peuvent aussi donner lieu à des débats entre lecteurs, donnant ainsi de l’importance à l’œuvre. Certains lecteurs d’Ubu roi verront dans
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