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L'identité numérique

Par   •  19 Juin 2018  •  1 877 Mots (8 Pages)  •  422 Vues

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Rappelons que cet article réprime « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ». La sanction prévue est d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

« Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication en ligne. »

L’usurpation d’identité ne doit pas être confondue avec la « fausse identité » laquelle ne correspond pas à la captation de l’identité d’un tiers mais à la création d’une fausse identité.

En application de l’article précité, la XVIIe chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris a condamné, le 24 mars dernier, deux personnes ayant créé un profil Facebook usurpant l’identité d’un tiers et reproduisant les photos de celui-ci.

- Les faits

Plus précisément, ces faits étaient d’une grande banalité dès lors qu’ils relevaient du mauvais vaudeville : vengeance entre ex-amants, Labiche (en nettement moins subtil et élégant) utilisant Internet pour aboutir à un « revenge-porn » (vengeance pornographique), photos coquines et injures à l’appui ! Jugez-en plutôt.

Un homme, bien qu’en couple, entretenait sur son lieu de travail une liaison avec une collègue. Il met fin à cette relation en février 2012. Le 28 février 2012, il constate la disparition de son téléphone portable de son bureau. Le 14 mars 2012, il découvre sur Facebook un profil public usurpant son identité, créé sous ses nom et prénom, et comportant plusieurs photographies personnelles qui se trouvaient sur le téléphone dérobé, le représentant lui et sa compagne en petites tenues, surtout cette dernière alors enceinte.

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Un sticker « You Lose » (tu as perdu), en forme du pouce « J’aime » de Facebook - Mike Mozart/Flickr/CC

Le profil Facebook comportait en outre les indications suivantes... : « Ma meuf la cochonne », soulignant qu’il avait une formation de « CAP de lécheur », avec comme spécialisation un « BEP suceur de bites », ainsi qu’un « CAP lécheur de chattes », et qu’il était employé par l’entreprise « lécheur de chattes » en tant que « débroussailleur ».

De plus, une photographie représentant le ventre de sa compagne comportait le commentaire fleuri : « Et voilà le fruit du travail acharné ! Futur lécheur de chatte comme son père. » Amis de la poésie, bonjour...

- La condamnation

Suite au dépôt d’une plainte et à l’ouverture d’une information judiciaire, les investigations permirent d’établir que :

- le compte litigieux avait été ouvert à partir d’une adresse de courriel x@x.com appartenant à un ami de la maîtresse éconduite ;

- l’amante fort dépitée et revancharde reconnaissait qu’elle avait voulu nuire à son amant-collègue suite à la rupture de leur relation et qu’elle avait utilisé le téléphone d’un tiers pour réactiver le compte ;

- l’ami fidèle reconnaissait avoir agi en connaissance de cause et avoir ainsi participé à la création du faux compte, mettant à profit ses connaissances informatiques.

Constatant que la matérialité des faits n’était pas contestée par les prévenus, le tribunal correctionnel les a condamnés à la peine de 4 000 euros d’amende pour la collègue usurpatrice, et à la peine de 3 000 euros d’amende pour son fidèle écuyer, ces deux peines étant assorties du sursis.

- Les sanctions précédentes

L’usurpation d’identité avait déjà été sanctionnée par :

- la XVIIe chambre civile du tribunal de grande instance de Paris (24 novembre 2010), saisi par Omar Sy qui avait constaté qu’un faux profil Facebook avait été créé à son nom et comportait des informations personnelles ainsi que des photos de lui. Le tribunal avait constaté une atteinte portée à son droit à la vie privée et à son droit à l’image sur le fondement des dispositions de l’article 9 du code civil et de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

- le tribunal correctionnel de Bobigny (15 novembre 2012) qui a sanctionné sur le fondement de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 l’ex-salarié qui s’était vengé de son ancien supérieur hiérarchique en créant une fausse page Viadeo à son nom contenant des propos diffamatoires ;

- le tribunal correctionnel de Paris (18 décembre 2014) qui a condamné un informaticien pour avoir créé un faux site de campagne de Rachida Dati en appliquant déjà l’article 226-4-1 du code pénal.

- Circonstance aggravante ?

Avec :

- 54 millions d’internautes en France (+ 566% depuis 2000) ;

- 68% des Français inscrits sur un réseau social ;

- chacun d’entre nous passant quatre heures par jour devant son ordinateur, une heure sur notre mobile (We Are Social, 2014) ;

- 90% des données numériques mondiales créées sur ces deux dernières années ;

- plus de 300 000 victimes d’usurpation d’identité par an en France...

... la saisine du juge pénal était inévitable afin de signifier la réprobation sociale aux délinquants du numérique.

Compte tenu de l’importance et de la gravité de cette délinquance, certains militent pour une aggravation de la répression en érigeant en circonstance aggravante le fait que l’usurpation d’identité intervienne sur un réseau électronique. En l’état, gageons que les usurpations d’identité se multipliant, les sanctions prononcées par les juridictions pénales seront plus sévères à l’avenir.

En définitive, notre duo formé par l’amant sans état d’âme puni via Facebook et son ex-amante vengeresse du Net, telle une Erinye féroce et implacable, n’a fait qu’illustrer ce mot de Madame de Girardin :

« L’infidélité est comme la mort, elle n’admet pas de nuances. »

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