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The Black Rider, the casting of the 12 magic bullets, mis-en-scène par Robert Wilson

Par   •  19 Juin 2018  •  2 960 Mots (12 Pages)  •  713 Vues

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Le terme « raconter » est très délicat dans cette œuvre. En effet, bien que l’histoire connue du Black Rider soit relateée le langage est totalement détourné. Il est utilisé de manière fort singulière. Les mots et la parole s’interrogent de plusieurs manières. Tout d’abord, Wilson rend incompréhensibles certains passages à travers la diction des acteurs. Par exemple, il y a une conversation où les personnages parlent en gromelot. Ils se comprennent mais le spectateur ne comprend évidemment rien : cela frustre le spectateur habitué à entendre les paroles.La pièce est aussi parsemer de deux langues : l’anglais et l’allemand. Elle se chevauchent sans aucune règle. Elles sont libres, comme émancipées. Aussi, les mots s’interrogent et s’auto-analyse : vers le milieu de la pièce, un comédien devient bègue. Ces répétitions permettent une interrogation sur les mots. Lorsque qu’une voix off demande à l’un des comédiens « Du, Was du willst ? » (toi, que veux-tu ?), le personnage se trouve obsédé par ses mots et les répètent frénétiquement, de toutes les manières et dans tous les sens possibles. Il épuise ainsi toutes les possibilités du mot, du son qui sort de ce mot, et du sens de ces mots, de telle sorte que nous avons l’impression d’un vide sémantique ; ceci en appuyant malgré tout la confusion du personnage à cette question. Il est aussi intéressant de voir ce même comédien quelques minutes avant : il commence à réciter un poème et il est obligé par la suite de sortir physiquement les mots de sa bouche. Il met les mains dans la bouche pour sortir ce son ce qui montre la matérialité du mot. Un peu plus loin dans le poème, il parle sans qu’une seule parole ne sorte de sa bouche : les paroles sont vides mais existent. Et c’est ce qui est intéressant. La non-parole donne à réfléchir et penser et enlève au mot le piédestal qui lui a longtemps été attribué, et ce, notamment dans les poèmes. Enfin, Wilson donne aux mots un caractère mécanique et parfois animal. Au tout début, l’homme comme un monsieur loyal parle dans un mégaphone (engin mécanique). C’est aussi un mélange d’enregistrement et de paroles mécaniques (à la fois parce qu’elles passent à travers une machine et parce qu’elles semblent répétitives). La parole autrefois sacrée est à présent réduite à l’état de mécanisme, de répétition, de chose sans obligatoirement sensé (j’emploie ce terme ici comme « ayant du sens »). Comment fait-il alors pour parler ?

Robert Wilson utilise d’autres formes de langages auxquels ils donnent la même importance que la parole. Parlons d’abord du son. Le son est aussi très singulier. Wilson se démarque d’abord de l’opéra en accélérant le rythme de la pièce. De plus, le son est inharmonieux, il semble brut bien que travaillé. Il suit les personnages et parle tout autant que le texte. Le son a une très grande place dans ce spectacle. Il est réalisé par une troupe de musicien présent de la théâtre. Autrement dit, le son est proche du spectateur. Cela apporte une singularité dans la perception du spectacle. Cela peut également apporter le sentiment que l’on vit en tant que spectateur quelque chose d’unique. Donc cela ramène le spectateur dans l’instant. Stephen Holden nous rapporte dans son article du New-York Times que Tom Waits qualifie la musique qu’il a composé de « Bone music ». En effet, tout ce que l’on entend nous donne l’impression d’une sorte de machine infernale, d’un sac d’os, sans vie. Les sons sont assez bruts, les mélodies dissonantes se répètent, on entend beaucoup de percussions et des bruits sourds (surtout les vents). La musique n’est pas faite pour être agréable et belle. Tout ceci peint une sorte de tableau sombre qui enlève une sorte d’humanité. Le son, en plus des musiques, suit quant à lui les comédiens et l’action. Il peut même s’exprimer à leur place. Par exemple à la présentation des personnages, chacun s’avance en dehors de la boîte noire et au lieu d’entendre leur voix, on entend le son d’un instrument. Mais ce son n’est pas aléatoire, il suit vraiment les expressions des comédiens et les intentions de son personnages. Il permet aussi aux comédiens de s’exprimer. Mais il est également source de comique. A la manière des cartoons, les pas des comédiens sont régulièrement marqués par un son. La singularité ici, c’est donc d’utiliser de manière pleine et vaste le son. Il parle au même titre que les comédiens, la lumière ou encore les décors. Cela ouvre les possibilités de l’histoire, du jeu, de la scénographie et ferme la porte au réalisme. On sent fortement l’influence de John Cage. C’est à la fois une matière sonore et un support de sens.

Autre support de sens important de sens pour Wilson, il s’agit de la successions purement visuelles. En effet, la pièce de Wilson est une succession de tableaux. Chaque image s’efface pour donner naissance à la suivante. Cela provoque chez le spectateur aussi bien un sentiment onirique qu’une sensation d’ énigmes visuelles. Cette forme de théâtre tranche avec la narration traditionnelle, avec une histoire réaliste et linéaire.. Le regard devient une sorte de contemplation de rêves et de souvenirs face à ces tableaux vivants, étranges, merveilleux, surnaturels. Mais ces tableaux sont aussi en constante évolution. Les objets créés par Wilson,le décor, participent également à cet effet onirique. Les lignes ne respectent pas la perspective, elles ne respectent aucune règle. Tout ceci a pour effet de rendre le décor irréel, intemporel. Par exemple les chaises au milieu de la pièce sont totalement irréalistes, elles n’ont en outre aucune profondeur, comme si elles étaient en deux dimensions. Avec ces corps d’acteurs en trois dimensions, on sent vraiment la différence et c’est ce décalage qui rend le tableau tout à fait onirique.

La lumière tout au long du spectacle participe aussi grandement à ces effets. Elle n’est en aucun cas réaliste et évolue avec les autres aspects de la pièce. Elle sert les humeurs des personnages. Elle suit le déroulement de la pièce et les états des personnages avec précision. En outre, « sans lumière il n'y a pas d'espace, explique-t-il. Au théâtre, la lumière est l'élément essentiel, car elle nous permet de voir et d'entendre. C'est ce qui produit la couleur et l'émotion. » nous confie Robert Wilson, dans Robert Wilson, sous la direction de Margery Arent Safir. Ceci est flagrant lorsque les deux amoureux volent attachés à des fils. La lumière donne l’impression de pas savoir où l’on est, elle forme un tableau et appuie le fait que, comme le dit le dicton célèbre, l’amour donne des ailes. Elle permet aussi

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