Jim Kitses, Stagecoach, le western : les « bénédictions de la civilisation »
Par Stella0400 • 1 Mai 2018 • 1 064 Mots (5 Pages) • 545 Vues
...
est aussi opposé que les Marshalls. Plus tard, dans la diligence, Doc Boone explique qu’il a été honorablement démobilisé de l’Union après la guerre civile américaine ; Hatfield le corrige et lui dit qu’il parle probablement plutôt de la guerre des Confédérés, mais Doc Boone répond, irrité, qu’il ne parle absolument pas de cela. Ces deux exemples, parmi une quantité d’autres, montrent que l’identité américaine repose sur des évènements historiques complexes qui mettent en jeu des questions raciales, ethniques, religieuses, et qui, afin d’éviter d’éventuels conflits, poussent à adopter une vision du citoyen « américain » empreinte de pluralisme et d’ouverture d’esprit.
Les questions gender sont étonnamment laissées de côté dans le tableau de Kitses alors qu’elles font partie intégrante des westerns et de Stagecoach. Lors d’une discussion entre Dallas et Ringo Kid, celle-ci explique que son père a été tué dans un massacre alors qu’elle était une enfant ; il répond « That’s tough. Especially on a girl ». Un autre exemple du statut de la femme se donne dans la remarque du Mexicain, dont la femme vient de s’enfuir avec son cheval : « I can find another wife, easy yes. But not a horse like that ». On peut également mentionner Mrs Mallory et son besoin ultime de retrouver son mari, ses vertiges dramatiques et sa dépendance à son mariage ; il faut néanmoins lui accorder une certaine autonomie quant à sa prise de décision et à la liberté qu’elle prend de rejoindre son époux. Elle est un réel mélange des caractéristiques antinomiques de Kitses : tout autant soumise à l’instituions du mariage et au raffinement propre à sa classe, elle démontre un certain pragmatisme, et une conception de l’honneur et de l’intégrité correspondant d’ordinaire à l’ouest. On pardonnera ce manque d’attention gender à Kitses, car les premiers textes sur le sujet apparaîtront un peu plus tard dans les années 70 (Mulvey, Sellier, Haskell,…) et ce genre de problématique n’a pas encore vraiment été soulevée dans le champ des études cinématographiques alors qu’il rédigeait son article.
De manière générale, le texte de Kitses signale avec justesse la présence d’une très grande quantité de variables possibles dans le cadre des éléments basiques de la forme du western et fait ainsi état de l’ambigüité et du caractère dialectique du genre. Il faut rappeler également qu’il est un des premiers à théoriser le western et que sa conception de celui-ci ne se résume pas en une définition fermée et précise ; il souligne à maintes reprises la nécessité de voir le genre comme « une structure vitale au sein de laquelle s’écoulent une myriade de thèmes et de concepts » (p. 68). Le western permet également, selon Kitses, de cristalliser les préoccupations des cinéastes et aussi, plus généralement, d’une certaine société à un moment donné. Au sortir de la Grande Dépression et à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la dernière réplique de Stagecoach à propos de Dallas et de Ringo qui fuient Lordsburg pour aller vivre loin, ailleurs et heureux, dévoile avec sa splendeur toute son ironie : « Well they’re saved from the blessings of civilization. »
...