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Citation, Narration, Métadiscursivité chez Tarantino

Par   •  18 Juin 2018  •  2 253 Mots (10 Pages)  •  682 Vues

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Ici, il est possible de faire un lien avec le but premier de Tarantino. Celui du divertissement. Divertissement fondé sur le jeu, l'invitation à relever toutes les allusions présentes dans un film. Tarantino constitue une oeuvre à tiroirs, qui recquiert plusieurs visionnages afin de réunir les indices dans leur totalité. Mais cette oeuvre à tiroirs est de l'ordre de la collection, de l'accumulation et agirait de manière superficielle. Elle n'aurait pas de dimension, de profondeur. Elle inviterait seulement à la jouissance, passant par la reconnaissance de passages de Godard, Melville ou encore John Woo. Ce serait finalement un musée du cinéma que l'on trouverait dans l'oeuvre de Tarantino. Dans une interview Tarantino déclare: “Je cherche à faire jouir mon public.” Donc Tarantino revendique pleinement ce choix, qui pourrait être interprété comme une substitution de la réfléxion par la jouissance. Le réalisateur neutralise lui même le contenu de son oeuvre. Et accepte de réduire la fonction du cinéma.

Mais finalement la création n'est elle pas toujours précédée de l'influence? Les réalisateurs ne construisent-ils pas inévitablement à partir de ce qui a déjà été réalisé? Tarantino dans ce sens, par les citations et les références, agit de manière sincère. Et justement, il montre à quel point d'autres réalisateurs peuvent être déterminants dans la construction d'une perception, d'une imagination, de manière plus vaste, dans la construction d'un être. Son oeuvre est la preuve que l'art, le cinéma, influent profondément sur les vies. Bien que Tarantino revendique l'influence de plusieurs réalisateurs, il est poissible d'illustrer les rapports particuliers entre les différents artistes à travers de la relation entretenue entre l'oeuvre de Dante et celle de Beckett. Dante est l'auteur que Samuel Beckett a le plus cité. Les mots, les personnages, les paysages de “La Divine Comédie” apparaissent régulièrement et presque de manière obsessionnelle. Et pourtant Beckett n'agit pas seulement selon un admiration, mais réinscrit l'imaginaire de Dante dans un autre univers, le sien. Nous notons le décalage entre les deux univers et la lecture particulière de Beckett à travers son ironie et son humour. Il est possible de dresser un parallèle entre les deux situations. Bien que Samuel Beckett et Quentin Tarantino réinvestissent en permanence des idées qui ne leurs appartiennent pas, ils les font “leurs”. Et leurs oeuvres se présentent finalement comme des ovnis dans les paysages littéraires et cinématographique.

Par le parallèle dressé précedemment, nous avons vu que l'humour est source immense de singularité. L'humour de Tarantino est concentré par une dissonance. Ses personnages divagues en permanence dans la plaisanterie, insignifiante alors qu'ils se trouvent dans des situations graves. Il existe un écart entre le discours et l'image. Tarantino explore les formes cinématographiques tout en restant dans un second degré. Il a lui même dit: “l'humour caractérise mes films”. Dans article intitulé “De la distraction”, Pascar Bonitzer explique

que l'opérateur du suspense chez Tarantino est la distraction absurde. Suspense qui repose classiquement sur l'ignorance des protagonistes et le savoir des spectateurs. Dans Pulp Fiction le suspense repose sur la faculté d'égarement, de distraction des personnages. C'est une variante comique. Mais aussi une variante intellectuelle et moderniste. Butch revient chez lui pour récupérer sa montre alors qu'il sait que des tueurs l'y attendent peut-être. Il la récupère, mais au lieu de s'enfuir aussitôt il décide de se faire un café. Cet attardement dans une situation de danger immédiat créé de l'angoisse. Cette angoisse de la distraction est baptisée dans l'article: “La loi Tarantino”.

La singularité du cinéma de Quentin Tarantino se caractérise aussi par une audace narrative. Dans Inglorious Bastards un narrateur intervient pour expliquer la dangerosité de la pélicule nitrate. Dans Kill Bill, Tarantino place un passage à l'animation pour présenter un flash back. Dans ce même film, on passe du noir et blanc à la couleur en un battement de cils. Tarantino ne se soumet aux codes cinématographiques traditionnels, il transcende les frontières. Lors d'une interview, Tarantino a dit: “Je suis un conteur. J'aime expérimenter avec un cinéma auquel le public n'est pas habitué. J'aime triturer la structure, la tordre, faire des choses qui changent du tout-venant.” Il y a une volonté de présenter au spectateur de nouveaux éléments afin de montrer les possibilités techniques que le cinéma offre pour signifier, interpréter le réel.

On retrouve la trace de cette subjectivité dans la temporalité éclatée habitant ses films.

Tarantino rompt la chronologie linéaire pour en faire un instrument de suspense. Nicolas Vieillescazes a rédigé un article sur la temporalité tarantinesque, intitulé ReCommencer.

Il montre que dans Pulp Fiction, la structure narrative est désarticulée au point de vider de sens les notions de passé, de présent et de futur. Dans cette confusion, il serait inutile de chercher à reconstruire une linéarité temporelle car tous les rapports de causalité, d'antériorité, de postériorité sont annulés. Ils sont remplacés par la contingence de toutes les actions présentées au cours du film. Par exemple, Vincent meurt et ne meurt pas. Il revient à la fin du film, non pas parce que diégétiquement la scène se passe avant sa mort, mais parce que les deux scènes correspondent à deux mondes dotés d'un égal degré de réalité. Tarantino laisse se déployer des univers parallèles, explorant les possibilités du réel selon toute une logique métadiscursive.

L'oeuvre de Tarantino et l'usage de la référence sont intimement liés. Le réalisateur est atteint de cinéphilie très jeune. Quand il passe par des citations il rend hommage aux artistes qui ont profondément influé sur son parcours. L'impulsion créatrice semble ainsi venue de l'extérieur et ne pas naître d'une nécessité interne, d'un besoin irrépressible de créer et de partager au monde un message. Cette thèse est appuyée par la volonté première de Tarantino celle de provoquer la jubilation chez son public. Volonté réductrice du potentiel cinématographique. Pour certains l'hyper référenciation est vue comme un refus de se confronter aux enjeux de la création. Elle serait même un moyen de se légitimiser,

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