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L'énergie spirituelle - Bergson

Par   •  15 Avril 2018  •  3 173 Mots (13 Pages)  •  519 Vues

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Les lignes 7 à 11 marque l’aboutissement de la réflexion qui vient d’être conduite : « or, si nous tenons compte de cette indication et si nous suivons cette nouvelle ligne de faits, nous trouvons que partout où il y a joie, il y a création: plus riche est la création, plus profonde est la joie ». Si l’on tient effectivement compte, dit Bergson, de cet accent triomphal de la joie, de cette idée de succès, de réussite qui y est contenue, on comprend alors, qu’à ce moment, ce sentiment de plénitude qui est ressenti, ce sentiment total de satisfaction qui inonde toute la conscience du sujet, révèle bien quelque chose de tout à fait fondamental, à savoir que « joie » et « création » sont intimement liées. La joie est ce signe qui signifie que l’on donne l’être et l’existence à ce qui n’existait pas, que l’on tire quelque chose du néant, que l’on réalise ce qui ne possédait pas d’être, que l’on élabore « ex nihilo », que l’on invente. Il y a bien, dans l’idée de « création », l’idée d’une production particulière, celle qui produit la nouveauté. L’artiste peintre qui produit une œuvre, réalise une création si le tableau est rigoureusement neuf, s’il voit les choses de manière nouvelle. Une œuvre originale n’est-elle pas d’ailleurs celle qui renouvelle notre regard, notre façon d’appréhender, le réel? Comme l’écrit Bergson, « la mère qui regarde son enfant est joyeuse, parce qu’elle a conscience de l’avoir créé, physiquement et moralement ». Ainsi, la joie annonce, dans tous les domaines que ce soient, le triomphe de la vie, c’est-à-dire la création d’une nouveauté irréductible. La création est une action incompréhensible qui fait advenir de l’être à partir du néant (elle est ex nihilo « à partir de rien »). Elle se distingue de la production, de la technique et du travail, qui agissent sur une matière préexistante. La joie qui succède à la création est donc satisfaction d’avoir fait quelque chose à partir de rien. Ainsi, l’homme n’est pas qu’un « bon à rien » qui n’éprouve que des plaisirs, il est aussi capable de créer. Ainsi, si nous reprenons les deux exemples de Bergson, la joie du savant et celle de l’artiste vient du fait qu’ils ont inventé tous deux quelque chose à partir de rien à partir de leur seule réflexion et imagination (théorie pour le savant, œuvre d’art pour l’artiste) : ils ont créés. Leur joie ne vient donc pas du fait que grâce à leur travail, leur gloire, leur célébrité, leur renommée s’accroissent, comme nous pourrions facilement le croire. Il ne faut pas se méprendre sur la cause de leur joie : ils ne tirent pas « leurs joies les plus vives de l’admiration qu’ils inspirent. ». Ce n’est pas excès d’amour-propre, mais satisfaction intérieure profonde. « On tient à l’éloge et aux honneurs dans l’exacte mesure où l’on n’est pas sûr d’avoir réussi ». L’homme incertain vis-à-vis de son œuvre cherche la considération des autres hommes, pour qu’ainsi il puisse se rassurer. L’homme sûr, lui, est au-dessus de la gloire et de la fierté, il n’en a pas besoin. Il sait qu’il a créé une œuvre stable, la joie m’envahit. Il n’a pas besoin de plus.

Dans les toutes dernières lignes de cet extrait, Bergson souligne que la création est mille fois au-dessus des notions de « gloire » ou d’ « admiration ». Celui qui crée est, au fond, bien au-dessus de l’éloge. Il n’a que faire des louanges. S’il est certain « d’avoir produit une œuvre viable et durable », c’est-à-dire d’avoir fait exister ce qui n’existait pas encore, c’est-à-dire encore d’être vraiment la source et l’origine d’un nouveau phénomène, alors l’éloge, le jugement favorable qu’on peut lui exprimer, et aussi la gloire, l’éclat prestigieux de la renommée, n’ont guère d’importance pour lui. L’éloge et la gloire sont, pour lui, tellement superficiels et inférieurs par rapport à la joie qu’il éprouve si intensément. Ce sentiment de plénitude a quelque chose de divin; la création, qui est ce pour quoi nous sommes faits, nous fait participer, en quelque sorte, à la perfection divine. L’intérêt philosophique de ce texte est donc multiple. Nous retiendrons essentiellement deux points: il a le mérite, tout d’abord, d’approfondir la notion de création et d’ériger celle-ci comme la finalité même de l’existence humaine, ensuite, de bien souligner l’essence métaphysique du sentiment de la joie qui accompagne nécessairement toute création. Bergson s’est particulièrement bien attaché à approfondir la notion de création en soulignant sa nature. La création, c’est un acte d’invention, dans l’ordre artistique, technique, scientifique, philosophique,… Créer, c’est faire surgir du néant, de manière irréductible. C’est un acte qui aboutit à quelque chose de neuf. La création est relative à son créateur, elle est son œuvre originale. De plus, ce texte a le mérite de bien souligner l’essence métaphysique de la joie, la joie qui accompagne justement toute création. La joie, qui est, nous l’avons vu, un état de plénitude et de satisfaction intégrale, possède, selon Bergson, plus qu’un sens purement psychologique. L’intérêt philosophique est, ici, de bien mettre en évidence que la joie a une réelle valeur, une signification métaphysique. Elle signifie que nous expérimentons une authentique perfection divine. Qui n’a pas connu la joie ne peut comprendre. En elle, nous pressentons quelque chose de beau et de grand, bref de divin. La joie est donc signe que nous vivons, que nous créons, que nous sommes loin de la mort et des puissances de mort et d’inertie. C’est dire qu’elle est infiniment supérieure à la tristesse et aux affections négatives, telle l’angoisse par exemple. En somme, pour Bergson, seule la joie vaut. Elle nous rend proches de l’action et du divin: dans la joie, notre puissance est en expansion, alors que dans la tristesse et dans l’angoisse, cette puissance diminue. Ce texte de Bergson présente bien l’intérêt de souligner l’importance des passions joyeuses par rapport aux passions tristes, passions joyeuses qui sont signes métaphysiques de l’être, et on pourrait même rajouter du divin, s’il existe. Enfin, Bergson nous apprend que si l’on veut réfléchir sur la question de la destination métaphysique il faut absolument remarquer que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Et c’est par l’affectivité, outil métaphysique, que nous est révélée cette destination. L’affectivité est donc bien plus qu’un simple état psychologique. En effet, pour Bergson, puisque la joie est signe que notre destination est atteinte et que joie est toujours intimement lié à

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