Faut-il désirer l'impossible?

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aux dieux impassibles et bienheureux?

Toutefois, on peut apercevoir que cet impossible comme idéal à une positivité. Epicure le déclare lui-même : « Ce n’est pas en effet après la recherche que nous éprouvons de la joie mais pendant la recherche même » Sentences vaticanes 27 Discipliner lucidement ses désirs, et cela y compris si cette tâche est sans fin c’est s’approcher d’un idéal, et s’accroître à cette approche.

Ce n’est donc pas un désir vain que cet idéal désiré, mais ce qui donne sens et direction à l’effort d’amélioration de l’existence humaine.

Notre première analyse du désir d’impossible l’avait aperçu sous le jour de la déception et de l’insatisfaction. Mais comprendre que l’idéal peut être rationnellement déterminé et, qu’il est bon que sans fin l’on s’efforce de l’approcher c’est s’engager à réétudier et réévaluer le désir d’impossible que trop tôt peut-être nous avions condamné.

III Désirer l’impossible peut-être aperçu de manière positive.

Comment apercevoir ce qui est possible, sinon en dépassant le donné et l’ordre des choses? A s’en tenir strictement à ce qui est n’écrase t-on pas le possible, qualifié alors d’impossible, parce qu’hors normes? A regarder rétrospectivement l’histoire humaine, combien de réalisations qui effectivement compte tenu des connaissances et des moyens techniques de l’époque paraissaient impossibles, sont apparues comme réalisables à un moment donné de l’histoire et ont été réalisées.

Que l’homme devienne « comme maître et possesseur de la nature » ainsi que l’écrit Descartes dans le Discours de la méthode, paraissait à l’époque un impossible rêve, réalisé depuis.

Les exemples là ne manquent pas qui sont tous liés à l’idée du progrès technique et scientifique.

En outre dans le domaine social et politique ne pas désirer l’impossible, n’est ce-pas le dogme de qui veut conserver ses propres normes, et déclare impossible ce qui lui serait fatal. Le réalisable, autre nom du possible dépasse largement le réalisé. Mais ce réalisable sera qualifié d’impossible pour tout ordre que sa réalisation mettrait en péril. Il est impossible d’affranchir les esclaves clamaient les planteurs des colonies Caraïbes.

Désirer l’impossible, c’est nier le réel, signe d’une liberté de l’homme qui ne se veut jamais assigné et défini selon un état de fait. Pensons aux utopies sociales et politiques. L’utopie n’est pas seulement cet idéal politique et social séduisant mais irréalisable, qui n’a lieu que dans la fiction narrative. L’utopie est d’abord et avant tout l’état d’esprit que suscite l’ordre politique existant. Ce sont les conditions réelles qui appellent le désir d’une autre société, et va contribuer à la transformation de l’ordre social existant. Désirer l’impossible c’est alors activement et par révolte, créer du nouveau.

Certes dans l’ordre politique, l’histoire nous enseigne que cela passe souvent par violence et destruction et que cette révolte et ce désir de changement sont aux antipodes de l’idéal ataraxique des sagesses antiques.

Et le cas du passionné et de son désespoir possible, doit nous faire apercevoir les risques que fait encourir un tel désir d’impossible.

C’est que la confusion passionnelle encore une fois a fait son oeuvre. On sait le caractère irrationnel de certains pouvoirs voulant à tout prix rendre possible ce qui ne l’était pas. Vouloir à tout prix réaliser l’utopie, vouloir changer l’homme pour qu’il soit digne de la perfection du régime politique promis, c’est courir le risque de verser dans le totalitarisme. Le système politique est déclaré exempt de défaut mais c’est l’être humain qui doit être réformé, « rééduqué ». A vouloir réaliser l’Eden, a confondre idéal et réalité, on peut faire exister l’enfer.

Faut-il pour autant cesser de désirer l’impossible. Ne faut-il pas désirer que tout homme soit respecté dans sa dignité? Ne faut-il pas désirer tout à la fois liberté et égalité? Cette exigence s’impose à nous dès lors que nous nous plaçons d’un point de vue universel que nous choisissons la raison en lieu et place de nos intérêts particuliers. Ce qui ne peut être réalisé pleinement et sans reste, mais doit pourtant guider nos choix et l’élection de nos possibles.

Désirer l’impossible peut apparaître comme l’errance de celui qui succombe à l’illusion du désir, qui poursuit une chimère et ne l’aperçoit pas comme telle. Mais certains idéaux, la liberté ou la justice, s’imposent comme des aspirations légitimes de l’humanité et l’impossibilité même de leur pleine et entière réalisation ne saurait faire en sorte qu’ils cessent et de nous désigner ce qui doit être et de nous appeler à l’effort de progresser vers eux.