Distinguer désirs et besoins
Par Plum05 • 1 Novembre 2018 • 3 551 Mots (15 Pages) • 497 Vues
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avons des désirs qui tendent toujours à nous incliner à agir en leur sens ; il y a donc des « passions » du corps (ex : pleurer de douleur) ou de l’âme (ex : pleurer à cause de paroles insultantes). Mais nous ne sommes pas absolument esclaves des passions du corps et de l’âme, car avec notre raison, notre imagination et notre volonté, nous pouvons apprendre à les contrôler : comme un désir implique toujours la représentation consciente d’un « objet » désiré, quand nous savons que cet objet n’est pas un véritable bien pour le corps et/ou pour l’âme (ex : pleurer d’humiliation nous déshonore), que donc notre raison peut le condamner (il n’est pas raisonnable de se laisser trop humilier) : si alors nous voulons écouter notre raison, suivre son jugement légitime, nous pouvons essayer de résister à la tentation : on se représente, en idée, dans notre conscience réfléchie -on construit donc mentalement un autre objet de désir- plus valorisable en raison (ex : on s’imagine ne pas pleurer face à celui qui nous insulte, et le regarder droit dans les yeux, de façon « héroïque »), et alors notre volonté va plutôt s’incliner vers cet objet de désir qui nous valorise individuellement ou socialement que vers celui-là -du moins nous allons « cogiter »… et tendre plutôt à faire un choix que subir passivement une «passion»…
Autre exemple : si j’ai mal aux jambes dans une côte à vélo, et que je commence à désirer que cette souffrance cesse, alors j’incline à m’arrêter. Mais, avant de le faire, je peux encore, par ma liberté de juger, de penser, me représenter un autre objet de désir, concurrent du premier et plus rationnellement valorisable, comme la honte que je pourrais avoir si on me voyait mettre pied à terre… et cette comparaison intellectuelle entre les objets des désirs pourrait bien me motiver pour ne pas abandonner… Si j’y arrive, j’ai contrôlé mes désirs… (dans la mesure de mes forces, mais sous l’influence de la raison : cela s’appelle faire œuvre de véritable volonté : c’est être « résolu » à atteindre un objectif ; les Stoïciens considéraient cela comme ce qu’il y a de plus vertueux ; Descartes aussi.).
Transition critique du I vers le II : Les Stoïciens et Schopenhauer ont une approche si négative de la notion de désir et du phénomène des passions qu’ils finissent par considérer comme plus sage de nier la vitalité même qui nous anime, de « tuer » pour ainsi dire en nous le désir… Mais on pourrait se demander si, comme l’écrit Anatole France (Le crime de Sylvain Bonnard) « moins vivre pour mieux vivre », et donc chercher à anéantir volontairement la vitalité du vivant qui s’exprime dans nos désirs, au prétexte qu’on ne peut pas accomplir une vie parfaite et sans malheur , comme nous le désirons en réalité (quête désespérée du bonheur, du savoir absolu et de l’éternité), est bien une solution si rationnelle et raisonnable que cela...
II) Des approches moins radicalement opposées aux désirs : Locke, Platon et les Épicuriens (Épicure et Lucrèce).
IIA) Il n’y a pas lieu de trouver que les désirs, qui sont une expression de la vitalité du vivant en l’homme, soient à « tuer »… ils sont plutôt à considérer comme une solution que cherche, la vie, pour éviter la souffrance et le péril… ils sont donc souvent de bons guides…
=> Thèse de Locke dans Essai sur l’entendement humain : si nous avons des désirs c’est que nous ne sommes pas des êtres inertes (ex : un rocher ou une table), mais vivants ; nous avons donc des manques -qui s’expriment par des besoins physiologiques, qu’il faut « combler »- ; or, bien plus que les végétaux, les animaux sont conscients de leurs « sensations » ; et plus un animal possède une conscience développée, plus la conscience des sensations de douleurs et de souffrances peut causer en lui, par sa « sensibilité », le désir qu’elles cessent.
C’est donc quelque chose de positif dans la vie que d’avoir des désirs : cela exprime que nous sommes bien vivants et voulons affirmer notre vie contre tout ce qui lui porte atteinte et qu’elle ressent comme un malaise...
En outre, Locke souligne que l’intensité du désir est proportionnelle au degré de conscience que l’on a d’un déplaisir, d’une souffrance ou d’un malaise. Donc, quand on a vraiment un grand malaise ressenti, il faut écouter son désir intense de s’en affranchir…
Exemple contemporain : le « Burn out » ; si les personnes qui sont en surmenage au travail et en grande détresse savaient écouter leur désir que cela cesse (en comprenant qu’en eux c’est la voie « instinctive » de la vie qui s’exprime alors), sans crainte de ce qu’on va penser d’elles au travail, dans la famille ou chez les amis, elles éviteraient ainsi de tomber gravement malades voire d’être portées au suicide...
II B) Désorienter les désirs des objets matériels et corporels pour les ré-orienter vers des objets dignes du meilleur de l’âme humaine.
Thèse de Platon dans La République :
Résumé de l’argument
Tous les désirs ne sont pas négatifs, seulement ceux qui rabaissent notre âme à des « objets » trop matériels, à l’argent, à la réussite, aux plaisirs « animaux » du corps… PAR CONTRE le désir de connaissance et de sagesse est à encourager en nous et dans les autres en leur montrant l’exemple, notamment dans la conduite morale, en politique ou dans l’éducation (ceux qui savent et sont déjà avancés en cette direction doivent faire preuve, notamment, de pédagogie pour guider les ignorants).
Pour s’approcher d’une vie heureuse il faut établir une justice dans notre âme, un ordre qui corresponde bien au meilleur de la nature humaine : la nature humaine est capable de raison, donc c’est à la raison d’être la reine de l’âme ; il faut qu’elle se fasse obéir par le courage, la volonté (le « cœur »), afin qu’avec courage et résolution, nous devenions mieux maître de nos désirs, en faisant taire les moins raisonnables et investissions leur énergie dans les désirs positifs pour le développement vertueux de notre existence : désirs de connaissance et de sagesse morale.
Thèse de Platon dans Le Banquet :
Résumé de l’argument
On peut, pour élever l’âme d’un plus jeune vers des désirs rationnels, en le conduisant petit à petit des désirs
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