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Doit-on apprendre à penser ?

Par   •  11 Novembre 2018  •  1 732 Mots (7 Pages)  •  648 Vues

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Cependant, l'apprentissage, s'il est uniforme et reçu de façon équitable, c'est-à-dire le même pour chaque individu, ne pourrait-il pas être assimilé à une sorte de formatage de la pensée ? Prenons l'exemple de l'école. L'enseignement dispensé à l'école peut-il être questionné et douté ? Qui peut douter de l'enseignement dispensé à l'école ? En Algérie, depuis la guerre d'indépendance qui a eu lieu entre 1954 et 1962, les enfants apprennent que tous les algériens se sont battus main dans la main pour l'indépendance (niant ainsi l'existence des harkis, algériens qui ont travaillé pour l'armée française), aux côtés du Front de Libération National (niant l'existence d'autres partis indépendantistes), et que les violences ont uniquement été perpétrées par l'armée français (niant que des actes d'une grande violence ont également ont été perpétrés par les indépendantistes algériens).

Cet apprentissage empêche donc ici les individus de penser dans le sens où il leur empêche d'émettre un jugement et d'avoir un avis critique sur l'histoire de leur pays.

L'individu est aussi soumis à un apprentissage dont l'objectivité peut être biaisé dans son univers familial. En effet, comme nous l'avons vu plus tôt, l'enfant est modelable et sa pensée peut aisément être influencé par sa famille, notamment puisque l'affectif est en jeu, et peut mener l'enfant à prendre pour vérité tout ce que dit sa famille. Il est donc facile pour l'individu de devenir, sans même en avoir conscience (donc sans y penser), le reflet du désir de ses parents. Par exemple, dans Black Swan, film de Darren Aronofsky, Nina est une talentueuse danseuse étoile qui semble aimer son métier. On ne comprend que plus tard que sa mère lui met une pression énorme pour être parfaite car elle a échoué a devenir danseuse étoile. L'apprentissage qu'a intériorisé Nina, et qui l'a donc empêcher de penser à ce qu'elle, en tant qu'individu, voulait faire de sa vie, vient donc de sa mère. Cet apprentissage biaisé vient donc de la sphère familiale, qui a une importance particulière dans le développement cognitif et intellectuel de l'enfant.

L'apprentissage peut donc empêcher l'individu de penser pour lui-même. Ainsi, si l'apprentissage est orienté dans un sens ou dans l'autre, il peut rendre difficile pour l'individu de réfléchir, de se forger son propre avis. Cet apprentissage influence donc la pensée de l'individu, et par répercussion, influence sa personnalité. La personnalité désigne ce qui fait qu'un individu se différencie des autres, que ce soit par ses valeurs ou encore par ses goûts. Or, comme nous l'avons vu, ceux-ci sont influencés par l'apprentissage reçu. On peut donc se demander si un individu est jamais lui-même puisque sa personnalité semble construite en prenant en compte l'apprentissage reçu. Néanmoins, nous pouvons tout de même remarquer comme l'identité humaine est en reconstruction permanente, ainsi cette question n'appelle pas une réponse définitive.

L'apprentissage semble donc nécessaire à l'individu dans le but de penser, de réfléchir, de s'interroger. Cependant il semble capital que l'apprentissage reçu ne soit pas composé seulement d'idées définies, de principes immuables, puisque l'individu doit ensuite pouvoir douter, exercer sa réflexion et se forger un avis personnel sans que cet apprentissage constitue un obstacle. Celui-ci semble donc devoir être un outil menant à la réflexion.

Montaigne, philosophe du XVIème siècle, a dit « Mieux vaut une tête bien faite plutôt qu'une tête bien pleine », donc qu'il est préférable d'être capable de réflexion, de pensée, plutôt que d'avoir des centaines de connaissances inexploitables. Ainsi, le maître devrait accompagner son élève dans sa pensée plutôt que de lui imposer son savoir. Socrate, dans sa méthode philosophique appelée la maïeutique, dit qu'il a pour rôle en tant que maître d'« accoucher les esprits » de ses disciples, donc de les mener à la réponse via la pensée plutôt que de leur donner la solution.

Cette idée que l'apprentissage et la pensée sont nécessaires l'un à l'autre sans qu'aucun ne soit supérieur à l'autre semble rejoindre le concept même de la philosophie, qui est la recherche de la sagesse (étymologiquement du latin philo « aimer, rechercher » et sophia « la sagesse »). La philosophie est une recherche permanente, plutôt qu'une possession de certitudes. Elle questionne le sens commun, la doxa.

Au terme de ce développement, nous pouvons sans doute dire que si l'humain naît avec la capacité de pensée immédiate, la pensée réfléchie doit être accompagnée pour éclore et s'épanouir. Ainsi, l'humain semble être s'il pense, s'il est capable de réflexion, et cette démarche doit être accompagnée par l'apprentissage, qui certes est un outil exogène, mais le savoir vient de lui-même. Les concepts et idées ne doivent être que des auxiliaires à la pensée humaine, et l'individu doit être capable de s'en détacher pour réfléchir de lui-même.

On peut donc en conclure que l'apprentissage qui aide l'humain à être n'est pas simplement une accumulation de connaissances, mais un guide de réflexion. Penser et apprendre seraient donc deux actions permanentes et simultanées tout au long de la vie de l'homme.

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