Hugo Chavez et l'énergie vénézuelienne : le pétrole, une arme politique et géopolitique à double tranchant
Par Andrea • 22 Août 2018 • 6 215 Mots (25 Pages) • 487 Vues
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Or, cette manne permet au gouvernement de mettre en place une politique sociale très généreuse en particulier envers les couches pauvres qui sont les fers de lance de l’électorat de Chavez. De fait, «Rendre le pétrole au peuple » était l’un des slogans de Chavez lors des élections ce qui doit se traduire par « une redistribution de la dépense publique en faveur des secteurs populaires ». Et il a largement respecté cette promesse : les dépenses sociales par personnes ont été multipliées par plus de trois entre 1998 et 2006 et ce grâce à PDVSA qui apporte 90% des ressources sociales dugouvernement. Les entreprises étrangères sont elles aussi mises à contribution puisqu’elles développent un nombre important de projets à teneur sociale qui touchent, de façon directe ou indirecte, plus de 1,5 million de personnes. Chavez utilise également le pétrole comme monnaie d’échange avec Cuba : contre une livraison régulière de baril, Cuba fournit au Venezuela des médecins et des instituteurs qui officient dans les quartiers défavorisés ou les zones rurales délaissées du pays. Hugo Chavez a aussi mis en place un début de réforme agraire : il nationalise une partie des domaines des plus riches propriétaires pour les redistribuer aux plus pauvres sous forme de coopératives. Il profite ainsi du rôle mineur de la terre dans un pays peu densément peuplé (trois fois plus faible que celle de la France) et où l’agriculture n’a qu’un rôle économique marginal. Enfin, il poursuit la nationalisation des grands secteurs économiques (télécoms, productions de lait, de ciment, banques,…) à tel point qu’aujourd’hui près d’un travailleur déclaré sur trois est fonctionnaire. Ceci permet donc au président Chavez de maintenir une popularité forte qui se traduit par de larges victoires électorales comme par exemple lors du référendum révocatoire de 2004 ou par un soutient populaire comme l’ont montré les énormes manifestations pro-Chavez qui ont permis sont retour au pouvoir après le coup d’État de 2002. Il connaît en 2007 sa première défaite électorale lors d’un référendum pour lever l’impossibilité constitutionnelle de faire plus de deux mandats, défaite largement relativiséepar sa victoire de 2009 lors d’un référendum portant sur le même sujet. Il pourra donc tenter d’être réélu en 2012 lors d’élections présidentielles dont il sera sans doute le grand favori. Or, comme le Venezuela, contrairement aux monarchies du golfe, est un régime démocratique où le peuple paye des impôts et a son mot à dire sur la politique du gouvernement, la popularité du chef de l’État est très importante pour la stabilité du régime bolivarien, d’autant plus que l’opposition, si elle revenait au pouvoir, changerait certainement une grande partie de ce qui fait la nature même de la République bolivarienne.
Néanmoins, le pétrole est une ressource pour laquelle on parle souvent de malédiction. Or, si le Venezuela est aujourd’hui dans une période de prospérité, certaines de ses caractéristiques sont inquiétantes. Au niveau économique, le pays possède une économie très peu compétitive qui souffre de l’hypertrophie du secteur pétrolier. En dehors du domaine énergétique où le pays est indépendant grâce au pétrole et à l’hydroélectricité, le pays est largement dépendant de ses importations qui ont fortement augmenté au cours des dix dernières années (voir document 4 en annexe). De plus, la présence de grands monopoles d’état favorisent le clientélisme et la corruption : selon Transparency International, le Venezuela est un des pays les plus corrompus d’Amérique latine au même titre que le Paraguay, le Nicaragua ou le Panama. Cette corruption est bien entendu nourrie par les pétrodollars : Hugo Chavez aurait fait de PDVSA et de la Banque Centrale sescaisses noires personnelles. Enfin, le pays souffre d’une forme de pénuries sur certains produits de base comme le lait ou le sucre ainsi que d’une inflation importante à cause du système de rationnement mis en place via le programme Mercal. En effet, certains produits sont achetés par l’état à des prix imposés inférieurs à ceux du marché ce qui favorise la mise en place de marchés noirs. De même, au niveau politique la situation est préoccupante. L'opposition rejette en bloc le projet politique bolivarien, mais ne parvient pas à s’imposer dans la compétition entre partis : l’opposition tend donc à s’exacerber et une crise très complexe s'installe. Elle pourrait déboucher sur deux dérives : une dérive autoritaire et populiste du régime en place ou une dérive vers des affrontements violents entre pro et anti Chavez. Surtout, les risques liés à un retournement de conjoncture économique (chute du prix du pétrole principalement) sont importants. De fait, le pays connaît des niveaux de recettes record, mais ceci s’accompagne d’une augmentation des dépenses encore plus importante (elles représentent près de 40% du PIB). La dérive vers un syndrome hollandais semble donc latente.
Ainsi, Hugo Chavez a profité d’une conjoncture favorable et de sa reprise en main du secteur pétrolier pour asseoir sa popularité et la solidité du régime qu’il a mis en place malgré les risques que cela engendre. Mais, son utilisation du pétrole comme arme ne se limite pas au Venezuela : de fait, il a développé une véritable pétro-diplomatie sur la scène internationale. Le symbole enest la nomination au poste de ministre des affaires étrangères de Alí Rodríguez Araque, ex-ministre du pétrole et des mines (1999-2000), ancien secrétaire général de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) (2001-2002) et ex-président de PDVSA (2002-2004) qui a déclaré lors de son investiture : « La politique internationale du Venezuela a une composante très forte en matière d’hydrocarbures. ». Cette pétro-diplomatie passe d’abord par un ensemble de relations bilatérales qui tournent autour d’accords énergétiques. Sont mis en place des partenariats étroits avec un grand nombre de pays : Cuba, le Brésil, l’Argentine, l'Uruguay, la Bolivie, la Chine, la Russie, l'Espagne, l'Inde, le Japon, l'Iran, la Libye, le Nigeria, la Qatar, la Russie,... Ces accords suivent plusieurs lignes directrices et répondent à plusieurs logiques qui révèlent les grandes idées forces de la vision du monde de Chavez.
La première ligne directrice est le développement d’un monde multipolaire favorisé par l’émergence de grands pays et de grands leaders du Sud, parmi lesquels Chavez veut avoir une place. De fait, on constate que le Venezuela possède des accords énergétiques avec les grands pays du Sud : Brésil, Argentine, Chine, Inde et Russie. Ces partenariats s’accompagnent
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