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Bergson, explication de la conférence sur "L'Âme et le Corps"

Par   •  16 Octobre 2018  •  3 048 Mots (13 Pages)  •  586 Vues

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termes d’inclusion. Comment le moi s’éprouve-t-il comme force de débordement ? Bergson cherche à nous le montrer en examinant des phénomènes concrets et d’abord celui qui a lieu dans l’espace : la perception. Il pourrait sembler suffisant d’expliquer la perception en termes mécaniques, en la rapportant à ses conditions matérielles, la forme du globe oculaire dans le cas de la vision, les caractéristiques de la rétine etc., mais ce serait parler de la vision en la confondant avec son instrument, l’œil. Or la vision c’est ce qui témoigne d’un affranchissement dans l’espace.

« Le corps de chacun de nous s’arrête aux contours précis qui le limitent », mais pas la perception qui se fait à travers ce corps, à travers ses yeux ici, puisque par eux « nous allons jusqu’aux étoiles ». Bergson dit que nous « rayonnons » jusqu’à elles.

L’expression est audacieuse qui inverse ce que l’on croit banalement ; ce ne sont pas les étoiles qui rayonnent, c’est nous. On croit toujours que des images s’impriment dans notre cerveau comme de petits tableaux, que celui-ci enregistre passivement des impressions. Ici on comprend que le mouvement perceptif va dans l’autre sens et tend à rassembler des éléments qui, dispersés, ne feraient pas une image. Je cherche des yeux l’étoile. Je fais rayonner ma vision. Un corps qui ne rayonne pas, qui ne se dépasse pas lui-même, est-ce vraiment un corps ? C’est davantage un agrégat, un assemblage mécanique. Pour être authentiquement corps il faut être habité. C’est cela qui donne à ce corps, le mien, celui de tout vivant, son unité, son individualité. Notons encore que ce corps percevant n’a, en droit, pas de limites ; il est contemporain de tout ce qui l’entoure. La mémoire est ce qui nous affranchit du temps ou, plus exactement, du présent. À l’inverse « la matière est dans le présent », et le corps aussi, semble-t-il, car « le corps est matière ». Que signifie être « dans le présent » ? Considérons la matière en elle même. On peut comprendre qu’elle est dans le présent et, en effet, présence mais rien autre chose car elle ne se souvient pas de ce qu’elle a été. Or si elle ne s’en souvient pas, c’est qu’elle n’a pas « été » ; c’est comme si rien n’avait eu lieu pour elle, même pas sa propre existence. Nous comprenons où Bergson veut en venir : si la matière ne se souvient pas de ce qui lui est arrivé, c’est qu’il ne peut arriver quelque chose qu’à quelqu’un, à quelqu’un qui se souvient. N’est-ce pas cela, le moi que nous recherchons, ce « quelqu’un » ? « Un » quelconque : nous retrouvons l’unité. Dès lors le moi ne peut se confondre avec la matière. S’identifie-t-il au corps qui présente d’avantage d’unité ? Nous avons vu, à propos de la perception, que le corps n’était pas à confondre avec la matière en général qui constitue au mieux des agrégats. Il faut donc admettre que la matière qui fait mon corps est élevée au-dessus du présent, qu’elle ne s’oublie pas, ne se disperse pas, dès lors qu’il y a une mémoire qui donne à ce corps ce caractère, cette unité. La matière est amnésique mais pas le corps. Il comprend une forme de mémoire puisque « le passé y laisse des traces », cependant cette mémoire ne peut être faite de souvenirs qui n’existent que dans l’esprit. Pourtant tout corps vivant manifeste sous une forme élémentaire la persistance du passé dans le présent : ce sont les habitudes, les manières d’être. Chaque molécule est indifférente au destin de chaque autre. D’un autre côté le corps se rassemble à travers une série d’habitudes qui permettent des répétitions mécaniques de conduites. Cependant cela ne suffit pas à constituer des souvenirs et une mémoire au sens que nous donnons à ce terme. C’est pourquoi il n’y a de « traces du passé que pour une conscience qui les aperçoit ». La mémoire se distingue de l’habitude et n’existe authentiquement que lorsqu’elle est conscience. En effet les « traces du passé » ne sont telles que si je « m’en » souviens, si elles sont sues par une conscience. Le moi suppose la conscience et celle-ci la mémoire. Le « moi » rassemble ce qui a été sans se confondre avec lui. L’habitude corporelle confond le passé et le présent. C’est sans doute ce qui permet à Bergson de soutenir que la mémoire n’est pas une faculté tournée vers le passé, mais vers l’avenir. La nostalgie, le culte de la mémoire ne sont pas l’essentiel. On ne « retient » pas le passé pour lui-même mais pour préparer ce qui arrivera. À l’inverse l’habitude n’est tournée que vers ce qui arrive dans la mesure où c’est déjà arrivé auparavant. Ainsi la conscience, nourrie de passé, « prépare avec lui un avenir qu’elle contribuera à créer ». On note « à créer », pas à répéter, ce qui est le fait du corps. Cependant le texte ne nous dit pas ici de quelle façon les souvenirs pourront s’insérer dans le cours du temps. Ce développement se conclut sur le déroulement du temps dans lequel le moi peut préparer un avenir. Cela suppose que ce « temps qui se déroule » se dirige vers le futur, mais que le futur n’est pas exactement la même chose que l’avenir : ce dernier seul peut m’appartenir ; dans une certaine mesure je peux m’en emparer au lieu de le subir. Ce sera « mon » avenir. C’est justement à ce propos que Bergson se montre le plus ambitieux. Bergson retrouve à la fin de cet extrait les « mouvements volontaires » qu’on avait commencé par distinguer des « mouvements mécaniques » et les rapporte à ce que l’on vient d’examiner. Ce qui attire tout d’abord notre attention est qu’il ne s’agit plus de simples mouvements volontaires mais « d’acte volontaire ». Nous l’avons enrichi de la perception et surtout de la mémoire car la « force consciente » dont il témoigne est « un ensemble de mouvements appris » désormais « infléchis dans une direction chaque fois nouvelle ». L’acte volontaire est un acte pleinement conscient.

Le plus important, dans ce passage, est « la force » qui nous porte du passé vers l’avenir. Bergson estime qu’elle correspond à l’introduction du « nouveau », à des « mouvements imprévus et imprévisibles ». Et cette nouveauté occupe deux terrains : d’une part ce qui est extérieur, le « dehors », le « monde » où la « force consciente », dont « l’action volontaire » est la traduction la plus explicite, se déploie. D’autre part l’intériorité, le caractère, où cette énergie « crée du nouveau à l’intérieur d’elle-même ». Commençons par le mouvement tourné vers l’extérieur. Bergson nous dit que l’acte volontaire résulte de mouvements appris antérieurement et orientés dans une

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