La lucidité fait-elle obstacle au bonheur?
Par Ninoka • 21 Novembre 2017 • 2 450 Mots (10 Pages) • 3 337 Vues
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Dans une interview, le psychanalyste Boris Cyrulnik dit : « pour être heureux il faut avoir souffert ». En effet les souffrances aident à apprécier par la suite plus pleinement le bonheur. Si le bonheur était la simple absence de souffrance, il serait bien terne et monotone. Tandis que si l’Homme traverse auparavant des épreuves de souffrances, la joie sera d’autant plus intense après. Pour accéder à un bonheur plus intense, il faut donc d’abord surmonter des contraintes de souffrance, il faut savoir accepter la vérité même si elle est dure.
Être lucide, c’est être capable de réfléchir et de se rendre compte de telle ou telle chose. Ainsi, lorsqu’il est heureux, l’Homme prend conscience de la valeur de son bonheur alors que, par exemple, “l’imbécile heureux” lui, ne sait pas qu’il est heureux, et ne peut donc pas mesurer la chance ou non de ce qui lui arrive. « L’imbécile heureux » n’use pas de sa capacité réflexive, il ne s’élève jamais dans le monde des Idées et reste dans son monde construit à partir d’illusions : il se contente donc naïvement de toutes les sensations et les plaisirs qu’il perçoit, car il ne sait pas qu’il est idiot.
Pour finir, l’argument précédent rejoint le suivant : être lucide permet également d’être en accord avec certaines certitudes comme celle que tout Homme mourra un jour. Certains prétendent que l’Homme, à l’idée de se savoir mortel, est paralysé et se rend plus malheureux que s’il était immortel. Pourtant, c’est la mort qui approche de jours en jours qui pousse à vivre de la façon la plus intense possible, et qui dissuade de procrastiner. Il faut écouter le poète Horace, qui disait « Carpe diem », c’est-à-dire qu’il faut « ceuillir le jour présent sans se soucier du lendemain ». La lucidité est donc un stimulant de la vie.
Dans cette seconde partie, nous avons montré que la lucidité cherche à donner un sens à l’existence humaine. Elle parvient à procurer un bonheur véritable - non illusoire -, et un bonheur plus intense que celui de “l’imbécile heureux”.
Mais, on pourrait également dire que c’est une illusion de croire que le bonheur est entièrement en notre pouvoir. Le bonheur ne dépend-il pas également de conditions favorables et non volontaires, comme une bonne santé par exemple ? Nous allons voir dans cette troisième partie que la lucidité nous pousse à agir pleinement, et permet donc d’atteindre un réel bonheur.
Pour rappel, la lucidité est, pour chaque Homme, une prise de conscience de sa condition humaine mais également une prise de conscience de sa responsabilité. La responsabilité, c’est la liberté de la condition humaine. Être libre, c’est être maître de son jugement, savoir dire oui ou non, c’est être autonome. On ne peut donc pas dire que la lucidité soit une contrainte car personne n’est obligé d’être lucide ; c’est l’Homme lui-même qui s’oblige à être lucide. L’Homme s’efforce de déterminer consciemment ce qui serait susceptible de le rendre heureux. Avec cette responsabilité, il se doit de prendre des choix. Il est libre de sa décision, donc nous pouvons en déduire que l’homme choisit forcément la meilleure vie possible : il est maître de vivre dans son bonheur.
Mais avant de s’emparer de sa responsabilité, dont on parle dans l’argument précédent, l’homme angoisse. Or l’angoisse désespère l’homme, et c’est pourquoi il va passer à l’action. Au contraire, c’est plutôt l’espérance qui conduit l’Homme à l’inaction puisqu’elle est en attente d’un bonheur qui ne dépend pas de lui. Dans Le Bonheur, Comte-Sponville écrit : « le contraire d’espérer, ce n’est pas craindre, mais savoir, pouvoir et jouir ».
La lucidité, est une condition nécessaire, mais non suffisante du bonheur. Elle est nécessaire, car pour être heureux l’Homme doit être en harmonie avec soi-même.
Or, il ne peut pas être heureux s’il se cache à soi-même ce qu’il est vraiment. Pour cela, il faut qu’il sorte de l’illusion et prenne conscience de soi. Comment l’Homme peut espérer satisfaire ses désirs s’il prend conscience de ce qui lui manque ? Cela ne sert à rien de chercher à être heureux s’il ne sait pas quel vide combler pour atteindre un bonheur suprême. On peut dire que la volonté est le mot-clef pour atteindre le bonheur. Ce dernier n’est pas un donné à tous, il est créé grâce à la liberté de conscience. De plus, la volonté se différencie justement de l’espérance puisqu’en effet, la satisfaction dépend de l’Homme et c’est grâce à sa lucidité que sa volonté deviendra réelle. L’Homme pourra agir et pourra mesurer l’importance des changements qui découleront de ses actions. Ainsi, il aura moins de chance d’être déçu des résultats car ils auront été anticipés.
La réflexion, que possède tout homme intelligent, est le seul moyen possible d’aboutir à une action. L’homme lucide agit car il a une conscience, donc il peut vivre et exister pleinement à travers ses désirs, ses besoins, tels qu’il les a voulus, imaginés. Par cela, il nage alors dans un véritable bonheur : celui qui donne un sens à sa vie.
Pour conclure, nous pouvons affirmer que certes, même si à premier abord, l’illusion à l’air de pouvoir rendre heureux un Homme, elle est en fait un poison si elle est mal employée. Pour pouvoir rêver, l’humain doit connaître la vérité, et la réalité de la vie. La lucidité ne rend pas plus heureux, mais elle y contribue. Il n’y a pas une seule définition du bonheur : cette notion est une pure invention de l’humain et est très relative à chacun. Il faut savoir trouver un juste milieu entre les moments de lucidité, et les instants de rêverie. Cela pourrait-être une recette du bonheur, et un équilibre de vie, pour celui qui sait faire la part des choses. Si elle est bien réalisée, cette recette empêche de tomber dans une folie illusoire ou de tomber, à l’inverse, dans un pessimisme infini. Il faut savoir rêver, tout en ayant conscience que derrière cette illusion, il y a une réalité qui nous rattrape rapidement.
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