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Indépendance de la Magistrature au Sénégal

Par   •  4 Juillet 2018  •  2 966 Mots (12 Pages)  •  317 Vues

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En effet, d’aucuns y voient une ingérence injustifiable du Procureur de la République dans les prérogatives du juge d’instruction et partant, une violation du principe de la séparation des fonctions de poursuite reconnues au parquet et celles d’information dévolues au magistrat instructeur. Elles constituent aussi et surtout une brèche dans laquelle la chancellerie pourrait s’engouffrer pour porter atteinte à l’indépendance du juge d’instruction et à son rôle de garant des libertés, si l’on sait que les réquisitions du Procureur de la République peuvent être prises sous la dictée du Ministre de la justice. Celui-ci ayant le loisir d’instrumentaliser le juge d’instruction par le biais du ministère public pour assouvir des visées politiciennes d’autant que les articles 50 à 100 et 225 du code pénal visent des infractions dites politique pour lesquelles sont généralement poursuivis des membres de l’opposition au parti au pouvoir des rangs duquel est souvent issu le Ministre de la justice.

Par ailleurs, les défenseurs de l’approche objective aspirent également à ce que le Conseil Supérieur de la magistrature ne soit plus composé que des seuls magistrats en dehors de tout représentant des autres pouvoirs. En effet, se permettent-ils de douter d’une réelle volonté politique pour garantir l’indépendance de la justice, si le CSM reste toujours présidé par le Président de la République et que le ministre de la justice, en soit le vice- président.

Un Conseil qui doit juste donner un avis conforme pour les nominations envisagées[8], lesquelles devraient être faites dans le respect scrupuleux de la règle de l’inamovibilité.

Enoncée dans la constitution et le statut de la magistrature[9], cette règle prévoit que les juges du siège sont inamovibles. Ils ne peuvent recevoir une affectation, même par voix d’avancement, sans leur consentement. La seule limite apportée à une telle garantie, hormis le cas d’une affectation d’office résultant d’une sanction disciplinaire, étant le déplacement limité dans le temps et justifié par les nécessités de service, après avis conforme et motivé du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Toutefois, en pratique, les garanties reconnues au juge du siège par cette règle sont ramenées à de simples formalités par l’autorité de nomination, si elles ne sont pas simplement méconnues. Ainsi, les nécessités de service et l’avis du CSM ne font l’objet que de visas sommaires dans les décisions de nomination. Le consentement requis du juge dont la mutation est envisagée a été considéré comme donné, selon une jurisprudence fort contestable du Conseil d’Etat sénégalais, dès lors que le magistrat concerné n’a pas émis de réserve ou marqué son désaccord sur les décisions attaquées dont il n’a pas pu ignorer qu’elles seraient prises en Conseil Supérieur de la Magistrature. Or, ni la loi, ni les usages n’obligent cette instance à informer les magistrats de ses réunions. De même, l’avis conforme et motivé du Conseil prévu par le texte a été réduit, par la juridiction administrative, à un défaut d’avis contraire[10]

Les réformes textuelles ainsi énumérées pour une réelle indépendance, sans être une liste exhaustive, sont inspirées de règles posées par les textes internationaux sus évoqués que les Etats démocratiques ont incorporées dans leur droit interne.

Mais, le plus souvent, il s’agit pour beaucoup d’un idéal en décalage avec la réalité concrète car, dans la mise en œuvre de ces textes, aucun pays n’est à l’abri des critiques. Toutefois, il ne serait pas exagéré de penser qu’il s’agit d’exigences beaucoup plus proches de la réalité que d’une vue de l’esprit.

En effet, elles ont fini par faire abandonner la distinction longtemps entretenue, entre magistrats du siège relevant du CSM pour ses affectations, et des magistrats du parquet relevant de la commission d’avancement. Depuis la réforme de 1992, tous les magistrats sont soumis au CSM pour leur nomination, même si les magistrats du parquet ne bénéficient pas de la règle de l’inamovibilité ce qui fait qu’ils peuvent être affectés d’office ou sur leur demande après simple avis du CSM.

Plus récemment, elles ont conduit à la séparation des budgets de fonctionnement des sièges et des parquets, longtemps et injustement, concentrés entre les mains des seuls Procureurs de la République dont certains n’hésitaient pas à les utiliser comme moyen de pression contre leurs collègues du siège trop indépendants à leur goût.

En France, avec la loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, le Président de la République ne préside plus le Conseil Supérieur de la Magistrature, et bien avant cette réforme, depuis 1993, le ministre de la justice ne peut plus donner d’instruction individuelle à des fins de non-poursuite. Et s’il donne une instruction à des fins de poursuite, il doit le faire par un écrit qui est versé au dossier.

Au Sénégal, bien que l’ordre² de non poursuite n’est pas prévue par le code de procédure pénal, il arrive que la poursuite d’infraction soit bloquée par le Procureur de la République, non pas parce que celui-ci aura fait jouer objectivement ses pouvoirs d’apprécier de l’opportunité des poursuites, mais parce qu’il en aura reçu l’ordre de la chancellerie.

Le pot aux roses finit le plus souvent par être découvert en faveur du changement de ministre ou de régime ; ceci d’autant que pour l’ordre de poursuite comme pour l’ordre de non poursuite, il n’est pas fait obligation au ministre de le donner par un écrit qui est versé au dossier[11]

Aujourd’hui encore, un projet de réforme de la loi organique sur l’organisation et le fonctionnement du CSM est en cours dans le but d’offrir davantage de garanties statutaires aux magistrats avec notamment, l’augmentation du nombre de leurs membres élus au sein du CSM, ainsi que la reconnaissance d’un droit de recours contre les sanctions prononcées par l’instance disciplinaire.

Ainsi, l’approche objective aspire à une séparation et surtout à une égalité parfaite entre les trois pouvoirs que sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Elle accorde ainsi la primauté à l’existence d’un cadre légal et institutionnel sur toute autre approche pour garantir l’indépendance de la magistrature.

D’ailleurs, dans son acception la plus rigide, elle ramène l’indépendance à ce seul cadre comme si celui-ci était constitutif ou inclusif de l’indépendance des personnes

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