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Commentaire d'arrêt - 1ere chambre civile du 24 septembre 2009

Par   •  4 Novembre 2018  •  1 983 Mots (8 Pages)  •  1 405 Vues

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C'est sans compter l'action de la Cour de cassation qui fait dans cet arrêt une interprétation bien souple de la preuve en rendant un arrêt de cassation. Car en effet elle va à toute encontre renversé la charge de la preuve du lien de causalité en consacrant ainsi la preuve négative. En l'espèce, la Cour de cassation va retourner la situation en s'appuyant sur l'article 1315 en ce sens, que ce ne sera pas aux demandeurs d'apporter les preuves de leurs préjudices, mais ce seront aux deux laboratoires d'apporter la preuve de leurs irresponsabilité avec « Qu'il appartenait alors à chacun des laboratoires de prouver que son produit n'était pas à l'origine du dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

II/ Une indemnisation facilité pour les victimes

La Cour de cassation place sur un pied d'estale les victimes en facilitant ainsi leur indemnisation, cela passe par la reconnaissance de la responsabilité in solidum des laboratoires (A) et aboutit à une solution nouvelle applicable en matière médicale (B).

A/ La reconnaissance de la responsabilité in solidum des laboratoires

Par cette exigence d’une probatio diabolica, autrement dit d’une preuve diabolique, la Cour de cassation, contrairement à la cour d’appel,une des deux grandes théories doctrinales de la causalité. La première théorie est celle de l’équivalence des conditions, qui est une théorie extensive et d’avantage favorable aux victimes, tandis que la seconde, celle de la causalité adéquate, opère une hiérarchisation entre les faits à l’origine du dommage et est quant à elle plus restrictive et plus favorable à l’auteur du dommage. Si le droit positif n’a pas consacré l’une de ces théories, il est empreint des deux et la Cour de cassation se doit alors d’opter pour l’une ou l’autre au cas par cas. On parle alors de casuistique.Et en l'espèce c'est la théorie de l’équivalence des conditions qui est retenue, puisque ce renversement de la charge de la preuve est favorable à la victime, étant difficile pour les laboratoires de se dégager de toute responsabilité. La responsabilité in solidum des deux laboratoires est alors retenue. Cette théorie avait d’ailleurs été appliquée de nombreuses fois par la Cour de cassation, notamment en matière d’accidents de chasse comme précité, et, pour la première fois, lors d’un arrêt du 19 mai 1976. Or la différente entre l'arrêt du 19 mai 1976 et celui de l'espèce c'est que dans l'arrêt de 1976, il s'agissait d'une faute commune du fait qu'il y ait de nombreux chasseurs à ce moment tandis que dans l'arrêt du 24 décembre 2009, ce n'est pas le cas. Ainsi, en imposant un renversement de la charge de la preuve par une interprétation extensive de l’article 1315 du code civil, la Cour de cassation adopte une solution novatrice par rapport aux règles classiques du droit de la responsabilité civile. Cela se rapporche d'ailleurs de plusieurs arrêts de la 1ère chambre civile du 22 mai 2008 ou la cour de cassation précise que l’incertitude scientifique ne conduit pas nécessairement à l’incertitude juridique. La preuve du lien de causalité dans une situation d’incertitude peut être rapportée par le biais de présomptions (graves, précises et concordantes). Ainsi dans ces deux arrêt on retrouve le fait que le lien de causalité est moins contraignant qu'auparavant.

Cette reconnaissance de la responsabilité in solidum avec l'addition d'un lien de causalité moins contraignant qu'avant, à aboutit à une solution nouvelle qui à eu l'occasion de se reproduire.

B/ Une solution novatrice en matière médicale

Après avoir jugé qu’il “appartenait alors à chacun des laboratoires de prouver que son produit n’était pas à l’origine du dommage”, la première chambre civile casse et annule l’arrêt d’appel et renvoie les parties devant une autre cour d’appel. C’est donc la cour d’appel de Paris qui, par un arrêt en date du 26 octobre 2012, a statué sur les éléments de preuve rapportés par les laboratoires et qui a tranché définitivement le litige. On soulignera que la Cour de cassation, en l’espèce, avait effectivement imposé une preuve diabolique, puisque les laboratoires ne sont finalement pas parvenus à prouver qu’ils n’étaient pas responsables. On peut alors se demander si son fondement était réellement opportun, étant donné que les juges s’attachent normalement à éviter ce type de preuve. Cependant, cette décision novatrice de 2009 en matière médicale, publiée au bulletin, a fait jurisprudence, puisque la solution retenue a pu être réitérée. Ce fut le cas notamment, lorsque la Cour de cassation a repris cette même solution, dans un arrêt du 17 juin 2010, concernant les infections nosocomiales susceptibles d’avoir été contractées dans plusieurs établissements de santé. Par ailleurs, par un arrêt rendu le 10 avril 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre s’était à nouveau posé la question du partage de responsabilité entre les deux laboratoires ayant commercialité la molécule litigieuse en l’espèce. Il a ainsi jugé, à son tour, que les deux laboratoires étaient responsables in solidum mais, contrairement à la cour d’appel de renvoi, a réparti la charge de réparation par part de marché. Cette position, qui semble originale, renvoie toutefois à une théorie américaine : la responsabilité par part de marché dit « market share liability ».

Ainsi, la solution adoptée par la Cour de cassation en l’espèce est une nouvelle étape dans l’évolution de l’indemnisation des victimes de produits médicaux défectueux. L’avant projet de réforme du code civil de 2005, dit projet Catala, prévoit d’ailleurs la consécration de cette solution. En effet, un nouvel article 1348 serait inséré dans le code civil, disposant que “lorsqu’un dommage est causé par un membre indéterminé d’un groupe, tous les membres identifiés en répondent solidairement sauf pour chacun d’eux à démontrer qu’il ne peut en être l’auteur”. A voir si la Cour de cassation généralisera ce cas la.

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