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Journal d'étude clinique éducateur spécialisé

Par   •  14 Février 2018  •  4 224 Mots (17 Pages)  •  620 Vues

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Je vais maintenant illustrer mon questionnement à travers deux situations dans les deux groupes où j’ai travaillé.

Deux temps, deux postures

La première situation qui est à l’origine de mon questionnement s’est déroulée deux mois après mon arrivée à l’ITEP. Je travaille alors avec les plus grands adolescents de l’établissement. Je ne suis pas encore au clair avec toutes les règles de fonctionnement du groupe. C’est l’heure du déjeuner, je travaille en binôme avec ma collègue Elodie. La sonnerie retentit et les jeunes sortent de classe pour nous rejoindre. Le repas se passe relativement bien, le groupe est plutôt calme et les « ados » font leurs services. Je suis en train d’écrire dans le cahier de liaison quand un jeune, que je nommerai Simon pour respecter l’anonymat, vient m’interpeller. Il souhaite savoir s’il peut descendre à l’atelier pour bricoler. Cela peut paraître anodin, mais je suis pris au dépourvu. Je ne sais pas quoi répondre. Elodie s’est absentée, et je ne peux donc pas me référer à elle, ni au règlement du groupe puisque cette règle n’y ait pas inscrite. Ma première pensée est : « Qu’est-ce qu’aurait répondu un de mes collègues ? ». Je suis vraiment envahi par un sentiment d’incertitude. Au lieu d’apporter une réponse franche au jeune, je lui demande comment cela se passe d’habitude. Il me dit que les autres éducateurs lui ont déjà permis de descendre seul à l’atelier. Cependant, un autre jeune intervient pour me dire l’inverse. Simon essaie-t-il de profiter du fait que je ne suis pas au courant de cette règle ? Instinctivement, je décide de demander à d’autres jeunes quelle est la règle habituelle. Certains me disent que cela est possible, d’autres me disent que cela est interdit. Personnellement, j’ai envie de laisser Simon descendre à l’atelier. Je le sais bricoleur, et consciencieux qui plus est. Cependant, je ne m’écoute pas et afin de ne pas créer jurisprudence en l’autorisant à descendre, je refuse sa demande. Je prends cette décision principalement par rapport à mes collègues et par peur d’être incohérent. Il insiste légèrement mais finit par sortir, l’air déçu, du bureau. Je pense que mes doutes se sont faits ressentir.

Un an plus tard, et donc sur le groupe des plus jeunes adolescents de l’ITEP, j’ai de nouveau une situation similaire mais durant laquelle ma posture est différente. Il est 13H00, les jeunes ont fini de déjeuner et s’attèlent à diverses activités. L’un d’eux, que je nommerai Quentin, vient me demander s’il peut monter dans sa chambre « écouter un peu de musique pour être tranquille ». Je n’ai intégré l’équipe éducative que depuis 2 semaines et ne sait pas si les jeunes sont autorisés à rejoindre le dortoir le midi. De plus, une fois encore, ni le règlement de l’ITEP ni celui du groupe ne font référence à cette règle. Simplement, avec l’expérience que j’ai acquise depuis une année maintenant, je m’autorise à prendre une décision qui m’appartient et me semble être adaptée à ce moment-là. Je laisse donc Quentin monter dans sa chambre pour qu’il prenne ce temps dont j’estime qu’il a besoin, pensant que si cette posture était questionnée par l’un de mes collègues, je pourrai argumenter ma décision. Mes émotions et ma posture professionnelle ont simplement changé par rapport à la première situation. Certains doutes se sont effacés pour laisser place à plus d’assurance, à une pratique davantage individualisée et à une connaissance plus fine de mon rôle auprès des jeunes et au sein de l’institution.

Réunions d’équipe : outil de compréhension et de réflexion

A la suite de ces deux situations, j’ai à chaque fois décidé de discuter de mes difficultés, de mes décisions ainsi que de mes émotions lorsque j’ai eu à apporter une réponse à une demande d’un jeune sans pouvoir me référer à une règle expressément écrite. J’ai profité des différents temps de réunions d’équipe pour aborder mon questionnement. J’ai pu en tirer des constats qui varient suivant l’équipe éducative avec laquelle je travaillais.

Concevoir la cohérence

Tout d’abord, je retiens que la conception qu’a l’équipe de la cohérence joue un rôle majeur dans son fonctionnement. D’une équipe à une autre, je remarque que cette notion est vraiment différente. D’un côté, elle semble être une entente sans faille sur les décisions à prendre. Dans ce cas-là, il est primordial que tous les membres de l’équipe soient sur la même longueur d’onde. Une de mes collègues m’a d’ailleurs expliqué que sur le groupe des grands, il était « très rare qu’on se contredise sur certaines décisions et qu’il est important que cela reste comme ça pour que l’équipe soit bien soudée ». Et d’un autre côté, la cohérence n’est pas forcément synonyme d’uniformité. Sans être dans l’excès, les décisions peuvent diverger d’une personne à une autre si cela est expliqué. Par exemple, lors de mes échanges dans la deuxième équipe, j’ai pu entendre qu’il était « possible qu’on réponde différemment à certaines demandes ou qu’on déroge à une règle tant qu’on en discute ensuite ».

Le poids de l’histoire de l’équipe

De là, j’ai essayé de comprendre pourquoi ces fonctionnements sont ce qu’ils sont dans chacune des équipes et plus particulièrement dans la première. Qu’est ce qui explique que la cohérence est synonyme d’uniformité ? Je me suis posé ces questions car cette manière de travailler ne me convenait pas totalement. Seulement, après avoir appris et compris certains faits, certaines réalités, je m’aperçois qu’un tel fonctionnement est le fruit de l’histoire de l’équipe, des personnalités qui la composent. En effet mes collègues, après avoir traversé certaines épreuves qui font partie de l’identité du groupe, ont trouvé un équilibre dans le fonctionnement qu’ils ont adopté. Je suis arrivé dans l’équipe en occultant son histoire et c’est seulement après quelques semaines que j’ai compris l’importance de cet aspect-là. Effectivement, l’équipe a, au fur et à mesure du temps, construit un mode de travail qui convient à chacun de ses membres et j’ai compris que mon arrivée ne devait pas perturber ce fonctionnement qui est rassurant pour eux.

Répondre aux besoins du public

A travers ces temps de réunion, j’ai également compris que le fonctionnement de l’équipe

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