JOURNAL D’ETUDE CLINIQUE
Par Christopher • 16 Mai 2018 • 4 909 Mots (20 Pages) • 536 Vues
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J’ai été affectée au sein de l’IMPro, et suis intervenue sur le groupe A, rattaché à l’atelier socio- cognitif. Il accueille 6 jeunes âgés entre 14 et 17 ans. Garante du projet de groupe, je devais par ma mission éducative, favoriser le développement de leurs capacités cognitives, la communication et la socialisation.
La mission globale d’accompagnement ne peut se réaliser sans le travail en concert d’une équipe pluridisciplinaire : l’équipe cadre se constitue d’un directeur, d’une chef de service, et d’une psychologue. L’équipe éducative se compose elle, d’un éducateur spécialisé (David[2] référent du groupe A et de l’atelier socio- cognitif), de deux éducatrices spécialisées : Karine et Charlotte (atelier domestique/cuisine et esthétique), un moniteur d’atelier Patrick (atelier espace vert), une aide médico- psychologique Véronique (atelier peinture), et un éducateur technique spécialisé Georges (atelier « polyvalent »). Ces ateliers fonctionnent ainsi en transversalité.
Chacun de ces professionnels est référent et Co- référent de plusieurs jeunes. Ainsi, Véronique et David sont référents et Co- référents des jeunes du groupe A.
Par ailleurs, sont également présentes une équipe de rééducation (psychomotricienne, kinésithérapeute, orthophoniste), une équipe médicale (infirmière, psychiatre), une équipe d’entretien, et une équipe administrative.
Tous centrent ainsi leurs missions autour de l’usager. C’est pourquoi, la communication entre eux est primordiale. Diverses réunions permettent de mutualiser les échanges et les actions à réaliser : La réunion de fonctionnement (1h par semaine, destinée à l’organisation pratique de la semaine), la réunion institutionnelle (3h00 par mois, destinée à tout ce qui se rapporte à l’institution : organisation de l’année, partenariats, évaluation interne, externe etc), la réunion d’analyse de la pratique (1 fois par mois, animée par un psychologue clinicien extérieur à l’institution, espace au sein duquel les professionnels peuvent évoquer des situations éducatives et élaborer sur les difficultés qui les traversent). Il existe également des réunions en lien avec le projet personnalisé des jeunes (réunion de recueil des attentes de la famille, réunion d’élaboration du projet individuel d’accompagnement). Ce sont le référent et Co- référent du jeune qui y participent aux côtés de l’équipe cadre et parfois de la famille du jeune. Par ailleurs, j’ai pu observer que les temps interstitiels peuvent également servir d’espaces d’échanges entre les professionnels.
II- DE L’ACCUEIL D’UN SYMPTÔME A LA RECHERCHE DU SENS EN EQUIPE
2.1 Choix de la situation socio- éducative :
Sarah[3] est une adolescente de 16 ans. Elle présente une trisomie 21, assortie d’une déficience intellectuelle sévère[4]. Véronique est sa référente et David son Co- référent.
A la rentrée 2012, la jeune fille est passée de l’IMP au groupe A de l’IMPro.
Ce passage a été longuement préparé. Sarah et sa famille, celle-ci connaissant la crainte de la jeune fille face au changement, avaient des appréhensions pour ce passage chez les « grands ».
Effectivement, les premiers temps ont été très difficiles : Sarah était beaucoup dans l’observation des autres, montrant un regard méfiant. De plus, la proximité avec l’autre la mettait mal à l’aise, et sur un mode pulsionnel et difficilement contrôlable, la poussait à tirer les cheveux à tout moment et à n’importe qui, adultes ou jeunes. Cette situation est devenue problématique pour elle, car ses passages à l’acte ont fragilisé ses relations à ses pairs, mais aussi avec l’équipe éducative qui s’est retrouvée dépassée par ce symptôme. De ce fait, Sarah a peiné à trouver sa place au sein de l’IMPro.
2.2 Echantillons cliniques illustratives de la situation sus-décrite :
Dès mon premier jour de stage, je remarque que Sarah tire les cheveux à plusieurs reprises au fil de la journée (à certains de ses camarades et à moi-même), et après chaque passage à l’acte, elle baisse la tête, pleure, et demande pardon.
Lundi 3 septembre 2012, c’est la réunion hebdomadaire de fonctionnement (de 11h à midi). David et moi-même, commençons par évoquer la situation de Sarah et les évènements sus-décrits.
La chef de service dit avoir eu la maman au téléphone. Celle-ci lui a confié que Sarah est « infernale à la maison, qu’elle tire les cheveux même à des inconnus ».
Elle lui a également rapporté que les vacances d’été ont été très difficiles, qu’elle n’en peut plus, culpabilise de cette situation et qu’elle a même dû aller en maison de repos.
Nous discutons autour de la situation, et les échanges portent en majorité sur les stratégies que nous allons adopter pour aider Sarah à éviter le passage à l’acte.
Finalement, nous décidons rapidement d’une solution : dorénavant, Sarah sera systématiquement installée à côté de garçons ayant les cheveux courts. Pendant les repas, elle sera installée en bout de table. Pendant les pauses, lui sera proposé un moment seule, de détente, d’apaisement. En somme, il s’agit de l’éloigner du groupe pour lui éviter ses passages à l’acte. Dès le lendemain, nous avons commencé à mettre en œuvre ces stratégies.
Au fil du temps, j’observe Sarah qui s’isole de plus en plus, qui systématiquement s’installe loin des filles, comme pour s’éloigner de la tentation.
Finalement, je remarque qu’elle se retrouve souvent seule. Cela me questionne, je me demande si nos stratégies l’aident vraiment. J’ai le sentiment que sans le vouloir, nous mettons Sarah dans une place de « bouc émissaire », la cristallisant dans son passage à l’acte : « Sarah la tireuse de cheveux ».
Par ailleurs, plus que de tirer les cheveux, cette dernière se met à « fabuler ». Par exemple, elle peut nous dire un jour qu’une éducatrice (Charlotte) l’a giflée.
Lors d’un échange téléphonique, la mère de Sarah me confie que « [sa] fille est de plus en plus infernale avec elle, qu’elle l’a tape, lui tire les cheveux, et crie sans cesse ». Elle dit se retrouver totalement démunie face à son comportement. Que ce soit à la maison ou à l’IMPro, le comportement de Sarah ne cesse d’empirer. Que tente t- elle donc de nous communiquer ?
Un vendredi matin lors du temps
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