Commentaire d'arrêt - Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987
Par Junecooper • 14 Février 2018 • 2 270 Mots (10 Pages) • 1 224 Vues
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- La loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
Cette dualité de juridictions trouve son origine dans l’interdiction faite par les souverains aux juridictions de l’Ancien régime de connaître des affaires de l’Etat, tant politiques qu’administratives. Ainsi, déjà en 1641, l’édit de Saint-Germain interdisait aux juges de se mêler des affaires de l’État, de l’administration ou du gouvernement. Mais, cet édit n’eut que peu d’effets.
Les révolutionnaires, réagissent contre ce pouvoir judiciaire. Ils s’en méfient car ils gardent le souvenir des parlements d’Ancien Régime et de leur réticence aux tentatives de réforme. Ils développent donc une approche originale de la séparation des pouvoirs, qui implique la séparation des autorités administratives et judiciaires.
Cette conception trouve sa traduction dans la fameuse loi des 16 et 24 août 1790 : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ». Mais encore une fois, le respect très relatif du texte oblige les pouvoirs publics à rappeler la règle dans le décret du 16 fructidor an III : « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit ».
Cette nouvelle conception française de la séparation des pouvoirs se poursuit dans le temps pour finalement être évoquée par le Conseil constitutionnel en 1987. Dans sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 - Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, le Conseil constitutionnel a indiqué que : « 15. Considérant que les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III qui ont posé dans sa généralité le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n'ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle; que, néanmoins, conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle. ».
Par ces différents textes, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ont été finalement soustraits au contrôle des juridictions judiciaires. Toutefois, même si ce système interdisait aux juges « judiciaires » de se mêler des affaires de l’administration, il n’existait pas pour autant de « juge administratif », le ministre étant juge des litiges impliquant son administration. Son impartialité pouvait être de ce fait remise en cause, vu qu’il était à la fois juge et partie.
Il fallut attendre l’an VIII pour modifier cette situation. Le Conseil d’État fut créé, chargé à la fois de préparer les textes du gouvernement et de régler les litiges « s’élevant en matière administrative ». Depuis cette date, les actes de l’administration ont pu être contestés, mais devant une juridiction distincte de l’autorité judiciaire.
La "conception française de la séparation des pouvoirs" se relève donc aujourd’hui associée à l’existence d’une dualité de juridictions dans le système institutionnel. Nous verrons que cette dualité sera reconnue de manière croissante, notamment au niveau constitutionnel qui consacrera de manière explicite le principe de l’existence de la juridiction administrative.
- Une consécration explicite, au niveau constitutionnel, du principe de l’existence de la juridiction administrative.
- Une réserve de compétences.
Dans le système français de la séparation des juridictions, la compétence et le fond sont étroitement liés. L’arrêt Blanco - TC 8 févr. 1873, exprime ce principe fondamental : c’est parce-que la responsabilité de la puissance publique est soustraite à l’application des règles établies par le Code civil que son contentieux est confié au juge administratif. C’est ainsi que, déjà cet arrêt Blanco plaider pour une émergence autonome du droit administrative. Ce sera ensuite, quelques années plus tard, que le Conseil constitutionnel lors de la décision objet d’étude, consacrera l’existence de la juridiction administrative.
Donc, à cette occasion, le Conseil constitutionnel a reconnu une réserve de compétences au profit de la juridiction administrative, tout en dégageant un principe fondamental reconnu par les lois de la République, trouvant sa source dans la « conception française de la séparation des pouvoirs », suivant lequel : « à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes placés sous leur autorité ou leur contrôle ».
Il y a dans cette précitée affirmation du Conseil, un renvoi global aux règles de répartitions des compétences entre les deux ordres de juridiction. Ces dernières privilégient traditionnellement la compétence des tribunaux judiciaires dans les domaines touchant la liberté individuelle, au droit de propriété, à l’état et à la capacité des personnes ainsi qu’au fonctionnement des services judiciaires.
Afin d’assurer le respect de ce principe dans le cadre de son contrôle de constitutionnalité des lois, le Conseil a ensuite déterminé les modalités dans lesquelles le législateur est autorisé, à titre subsidiaire, à prévoir des transferts de compétence contentieuse, entre les deux ordres de juridictions.
- Une marge d’aménagement du principe reconnue au législateur.
Comme l’on a déjà annoncé, le Conseil constitutionnel
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