Commentaire CE 7 avril 2011 Association SOS Racisme
Par Andrea • 11 Octobre 2017 • 2 731 Mots (11 Pages) • 1 874 Vues
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Cependant, le Conseil d’Etat justifie davantage le recours possible contre les circulaires en question en restant dans la lignée de la jurisprudence antérieure qui fait de certaines circulaires des actes « faisant grief » et pouvant donc être contestés par le recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif (B).
B – L’identification nécessaire du caractère impératif de la circulaire
Le Conseil d’Etat qualifie les dispositions issues des circulaires des 5 août et 13 septembre 2010 de « dispositions impératives à caractère général ». Les circulaires sont des actes variés, le commissaire du gouvernement Tricot a même dit que « la circulaire est un pavillon qui cache toutes sortes de marchandises ». Tous les actes de l'administration ne sont pas de même importance. Certains ont une portée générale et d'autre sont des actes individuels. Il y a à distinguer aussi le fait que certains actes n'ont pas suffisamment d'effets de droit pour faire l'objet de contestation. C'est un phénomène que l'on désigne par l'expression « faire grief », cela signifie que l'acte n'a pas d'effet juridique sur la personne. Tous les actes de l'administration ne sont pas de même importance, certains ne font pas grief, il ne faut pas pour autant les ignorer, ils sont utiles et participent à la fonction administrative. Sur ce point, l’arrêt de 2011 s’installe dans la continuité de la jurisprudence antérieure par laquelle le domaine du recours pour excès de pouvoir s’est élargi, notamment aux circulaires impératives. Avant 2002, le Conseil d’Etat avait retenu uns distinction fondée sur l’objet de l’acte. En effet, si la circulaire interprétait seulement un texte, elle étant dépourvue de caractère normatif, au contraire, si elle avait pour objet d’ajouter des dispositions aux textes généraux, il s’agissait d’une circulaire réglementaire qui pouvait être contestée (CE 29 janvier 1954 Notre Dame Kreisker). Cependant, depuis un arrêt Duvignères de 2002, le Conseil d’Etat est venu poser un nouveau critère de distinction, désormais les circulaires sont impératives ou non-impératives, seules les premières sont des actes faisant grief. L’arrêt du 7 avril 2011 reprend les termes utilisés dans l’arrêt de 2002, il confirme ce critère d’impérativité. Il avait déjà fait application de cette distinction dans un arrêt du 8 octobre 2004 Union française pour la cohésion nationale concernant la circulaire relative au port de signes religieux ostensibles dans les écoles, les collèges et les lycées public. Il reste cependant que la qualification de la circulaire est confiée au juge et que la frontière entre les deux catégories de circulaires est ténue.
Le Conseil d’Etat confirme donc cet élargissement du domaine du recours pour excès de pouvoir aux circulaires impératives. Cela va lui permettre en l’espèce de contrôler la légalité des deux actes contestés (B).
II – La possibilité pour le Conseil d’Etat d’effectuer un contrôle de légalité sur les circulaires contestées
Après avoir admis la recevabilité des requêtes tendant à l’annulation des deux circulaires, le Conseil d’Etat peut, par conséquent, juger de la légalité des deux actes. Cela n’aurait pas été possible s’il avait jugé que les circulaires n’étaient pas impératives. Il va alors pouvoir exercer un contrôle de légalité sur la forme des actes, et notamment sur la compétence de l’auteur de l’acte (A), mais aussi, et surtout, sur le fond des actes, à savoir s’ils portent effectivement atteinte au principe d’égalité devant la loi (B).
A – Le contrôle de légalité concernant la compétence de l’auteur de l’acte
Le Conseil d’Etat n’effectue pas explicitement le contrôle de la compétence dans son arrêt du 7 avril 2011 puisque le fond suffira à attester de l’illégalité de la première circulaire. Mais le contrôle de la légalité de la forme de l’acte reste très important. Le juge administratif n’a pas besoin qu’une requête soit faite pour relever d’office le moyen tiré de la compétence. Les circulaires impératives n’échappent pas à certaines règles de forme et de compétence. Le problème se pose principalement lorsque la circulaire impérative ajoute des choses au droit existant, à l’état de droit actuel. En effet, les ministres ne disposent pas, sauf pour les pouvoirs de chef de service (CE Jamart 1936), d’un pouvoir réglementaire général. Le ministre est donc en principe incompétent pour adopter de nouvelles circulaires normatives, il a besoin d’une délégation de pouvoir. C’est également ce qui a été énoncé dans l’arrêt de 2002 Duvignères du Conseil d’Etat. Le juge administratif a donc déjà eu l’occasion d’annuler pour incompétence les dispositions d’une circulaire qui avait pour but d’ajouter une règle de droit au droit positif existant (CE 2002 Duvignères ; CE 30 juillet 2003 Avenir de la langue française). Le Conseil d’Etat applique également ce principe dans l’arrêt du 7 avril 2011 Association SOS Racisme, notamment concernant la première circulaire du 5 août 2010. En effet, cette dernière comporte des dispositions qui viennent ajouter des règles de droit au droit positif existant, notamment lorsqu’elle définit les objectifs en lien avec l’origine ethnique des personnes. Or, c’est le ministre de l’Intérieur qui a pris ces dispositions. Le ministre ne disposait pas d’une délégation de compétence spécifique pour cela, et n’ayant pas un pouvoir réglementaire général, il n’était pas compétent pour prendre cet acte, il n’était pas dans le cadre de ses pouvoirs de chef de service. Il n’était pas en droit de prendre des dispositions réglementaires nouvelles ayant pour but de donner une priorité fondée sur l’origine ethnique des personnes qui occupent les campements illicites. Cependant, concernant la seconde circulaire du 13 septembre 2011, aucun défaut de compétence ne s’est produit. En effet, elle ne contient plus de référence particulière à des critères ethniques, il s’agit donc d’une circulaire qui dicte une conduite à avoir mais dans le cadre de l’application de règles de droit déjà existantes. La première circulaire aurait donc déjà pu être annulée simplement sur le fondement d’un vice de compétence.
Cependant, il était encore plus important de démontrer, pour le Conseil d’Etat, l’atteinte à l’article 1er de la Constitution par une des circulaires contestées par l’association (B).
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