Pensez-vous que la comédie a pour fonction première de divertir le public ?
Par Christopher • 28 Mai 2018 • 2 176 Mots (9 Pages) • 1 457 Vues
...
femme, et il doit ensuite subir le harcèlement des deux gardes Suisses, particulièrement grossiers, harcèlement humiliant et cruel, puisqu’il finit par appeler « Au secours », ayant peur d’être violé. La violence est ici à la base du comique de manière totalement immorale. Tout y est fait gratuitement, pour le plaisir de rabaisser le petit gentilhomme provincial , un pauvre « bougre » qu’on roule sans cesse dans la farine. Le public, en assistant à sa déconfiture rit aux éclats. Ainsi, dans cette comédie, aucune fonction éducative n’apparaît, et seul le divertissement prime au mépris toute morale.
Après avoir vu en quoi la fonction première de la comédie était de faire rire le public, nous allons montrer, dans une deuxième partie, que les dramaturges choisissent souvent d’utiliser leurs œuvres pour condamner les défauts de la société et les vices de l’humanité, sans altérer leur aspect comique. Leurs comédies ont alors pour fonction de faire réfléchir les spectateurs sur certains travers de la société, et les amener à corriger leurs comportements. Cela nous amènera à penser que la fonction essentielle de la Comédie n’est peut-être pas de divertir, mais d’amener le spectateur à réfléchir et à se remettre en question, en utilisant le rire et l’humour.
Notons tout d’abord que de nombreuses comédies de Molière, qu’elles soient des comédies de caractère ou de mœurs, sont des comédies dites « morales », genre théâtral majeur au siècle de Louis XIV (à côté de la tragédie et de la farce). Elles se définissent comme une étude critique des moeurs qui a pour dessein de corriger les travers des hommes. Dans la préface de Tartuffe, Molière dit : « Rien ne reprend mieux les hommes que la peinture de leur défaut ». Pour l’auteur, critiquer est donc la clé pour enseigner de nouveaux comportements. Ainsi, dans ses pièces, il met en scène des vices comme l’avarice (dans l’Avare), ou encore l’hypocrisie (dans Tartuffe), qu’il dénonce en ridiculisant à l’extrême les personnages caractérisés par ces défauts. Le ridicule est pour Molière l’un des meilleurs moyens pour montrer aux gens ce qu’ils doivent changer chez eux afin de lutter contre les vices et devenir d’honnêtes gens. Dans l’Avare, l’utilisation du registre comique, a pour but de mettre en exergue l’avarice extrême du personnage d’Harpagon. La scène du quiproquo entre Valère et Harpagon, citée plus haut, en est un exemple. Le « trésor » évoqué par Harpagon renvoie à « sa cassette » alors qu’il s’agit pour Valère d’ Elise. Valère comprend amour là où Harpagon entend argent, ce qui reflète un conflit de valeurs. Ce procédé permet de montrer jusqu’où conduit le culte de l’argent : il finit par primer sur les vraies valeurs comme l’amour, puisque pour Harpagon, ses louis d’or comptent plus que sa propre fille.
Dans Tartuffe, Molière s’attaque à l’hypocrisie, comme défaut de la nature humaine. L’hypocrite est celui qui cache ses vrais sentiments, ses vraies pensées, ses vraies intentions et manipule de ce fait ses interlocuteurs, la manipulation pouvant aller jusqu’à la perversion. Tartuffe est ce personnage : il prend le masque de l’homme de bien alors qu’il n’est qu’un menteur, un criminel et un profiteur. Pour Molière, les hypocrites sont dangereux, non seulement pour leur entourage mais pour la société toute entière, surtout lorsque ce sont des hommes de pouvoir, comme les dévots. Dans sa préface, l’auteur écrit que « l’hypocrisie est, dans l’État, un vice bien plus dangereux que tous les autres ». Il faut donc tout faire pour la dénoncer. C’est ce que font Dorine et Elmire, qui attirent d’ailleurs la sympathie du public, en faisant « tomber le masque » de Tartuffe, tout en faisant rire, ou plutôt sourire, le public par leur ironie. L’hypocrisie est palpable à travers le décalage entre les paroles et les actes de Tartuffe. Ce décalage est exagéré, mais ce n’est pas uniquement dans le but de faire rire le spectateur ; c’est aussi pour que le public perçoive ce décalage directement. Peut-être le spectateur sera-t-il capable par la suite d’identifier, dans la vraie vie, des imposteurs et qu’il pourra les dénoncer et les empêcher de nuire ? Le spectateur voit donc le manipulateur à l’œuvre. Tout en se faisant passer pour un saint homme il finit par rouler son bienfaiteur Orgon dans la farine, en lui volant même sa maison. Son hypocrisie est telle que lorsque Tartuffe revient chez Orgon pour lui prendre sa maison, il se justifie en disant qu’il ne fait qu’obéir au Prince (le Roi): « De ce devoir sacré la juste violence Etouffe dans mon cœur toute reconnaissance. » Il se fait même passer pour la victime : En effet, lorsqu’Orgon lui dit: « Traître, tu me gardais ce trait pour le dernier ! », Tartuffe lui répond : « Vos injures n’ont rien à me pouvoir aigrir, Et je suis pour le Ciel appris à tout souffrir. » Le public ne peut que constater son art de renverser la situation. D’autre part, il est évident que ce n’est pas uniquement le fait d’être hypocrite que Molière critique, mais aussi le fait d’agir ainsi sous le masque de l’homme de foi. L’auteur se livre en effet à une attaque envers la religion et certains dévots, qui abusaient de leur pouvoir à l’époque de Molière en se cachant derrière la religion.
Rappelons qu’autrefois, la comédie a été aussi un moyen efficace de parer la censure. Certains dramaturges comme Molière et Beaumarchais ont voulu dénoncer l’injustice, les abus de pouvoir et l’intolérance à travers leurs comédies. Dans le Mariage de Figaro de Beaumarchais se trouve une longue tirade de Figaro où il médite sur sa condition de valet et remet en cause l’ ordre social. De plus, il s’attaque à l’intolérance et à la censure de manière ironique: « il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits ».
En guise de conclusion, nous pouvons donc affirmer que, de manière systématique, la comédie a pour fonction de faire rire. Comme Pascal, on peut la considérer comme un « divertissement » permettant à l’homme « d’oublier » ses problèmes et la « misère » de sa condition de « mortel ». Cependant, comme le pense Molière, la comédie peut, en utilisant le rire, être un moyen d’instruire et de faire réfléchir le spectateur.
La comédie est peut-être plus à même que la tragédie pour amener le spectateur à prendre de la distance par rapport « sa misère » (ou tout simplement ses soucis), grâce à l’humour et au rire, mais également pour le pousser à se remettre en question, et peut-être
...