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Gérard de Nerval, Fantaisie, commentaire.

Par   •  8 Novembre 2017  •  1 528 Mots (7 Pages)  •  812 Vues

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Nous l’avons vu en lisant le chapitre II de Sylvie et la chanson du roi Loys, la dame à sa haute fenêtre appartient au monde des chansons traditionnelles, des contes et des légendes. Ces récits n’étant pas situés dans une époque précise, l’apparition de la dame a donc pour effet d’abolir le temps. Ainsi, au moment où la construction de l’image s’achève, on quitte l’époque de Louis XIII (1601-1643), on sort de la chronologie historique pour accéder au temps non historique des mythes et des contes. Ceci explique que la vision s’arrête à la fenêtre. La dame est inaccessible, parce qu’elle est irréelle.

Nerval décrit la dame comme « Blonde aux yeux noirs ». Les cheveux blonds rappellent Adrienne[6], la fille du château attachée au Valois par sa famille, dont la voix fait revenir le passé et que Nerval assimile à la Béatrice de Dante. Mais les yeux noirs rappellent ceux de Sylvie[7], la petite paysanne dont le prénom, issu du latin silva, « forêt », évoque la nature et Sylvain, un dieu des champs de la mythologie romaine, qui protège aussi tout ce qui vit dans les bois. Ces quelques rapprochements montrent que la dame est une figure idéale qui concentre des obsessions de l’écrivain : le passage de la réalité à l’imaginaire, la continuité du passé dans le présent, la femme mythique, le Valois, ses chansons et ses légendes.

d. – L’écriture d’un souvenir halluciné

L’image de « Fantaisie » commence comme une rêverie mais, quand Nerval se demande s’il n’a pas « déjà vu » la dame dans « une autre existence », le fantasme se rapproche de la vie réelle. Ce changement est marqué par le rythme en 1//9 du vers 15, qui tranche avec les autres décasyllabes rythmés en 4//6 ; et par la ponctuation du vers 16.

D’un point de vue logique, on ne peut pas croire que Nerval ait vécu au début du 17e siècle. Sur le plan de la création, c’est possible pour deux raisons. La première tient au fait que créer n’est pas un acte rationnel. Un écrivain alimente son œuvre à partir de la réalité, vécue ou non, et à partir de productions imaginaires conscientes ou inconscientes, qui s'imposent à son esprit de façon répétée. La deuxième raison tient à la façon dont Nerval conçoit le souvenir. « Inventer, au fond, c’est se ressouvenir » écrit-il dans la préface des Filles du Feu. Pour lui, tout souvenir contient une part d’invention, l’oubli ayant fait son œuvre.

Avec « Fantaisie », Nerval crée un souvenir qui correspond à un fantasme[8] personnel, celui d’un monde éternel, où les époques et les légendes se confondent, fusionnent, où la Femme apparaît comme une figure idéale et inaccessible. En écrivant ce fantasme, le poète n’annule pas la frontière qui sépare le réel de l’imaginaire, il ne retourne pas dans un passé, qui reste infiniment éloigné du présent. Il se tient au contraire à distance de la vision. Il écrit « je crois voir » (v.7) et non pas « je vois », l’adverbe « peut-être » (v.15) exprime la même lucidité. Nerval révèle ce qu’il a de plus intime à travers un souvenir halluciné sans se laisser déborder par l’inconscient.

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