La persistance de la fable jusqu'à l'époque contemporaine.

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il s’agit alors pour le lecteur de décrypter la scène afin de débusquer le véritable sens de l’apologue.

Certains fabulistes se servent effectivement de l’ironie pour proposer une satire virulente de la société. Le Loup et L’Agneau de La Fontaine, propose une parodie du procès, le dialogue précédent la mort de l’agneau étant artificiel, le loup n’a besoin d’aucun argument pour dévorer sa proie. Il en va de même dans la version moderne de La cigale de Jean Anouilh qui délivre une critique des rapports humains, l’argent rendant les hommes calculateurs et hypocrites, ou encore dans la Fable électorale de Roland Bacri qui, elle, se moque par le biais de la Cigale des politiciens et de leurs campagnes électorales. La fable sait donc s’adapter à de nombreux sujets, ce qui lui permet de ne jamais vieillir.

Le genre de la fable s’attaque effectivement à des sujets divers et universels tels que la religion (Le rat qui s’est retiré du monde, de Jean de La Fontaine ou La Genèse de La Bible), la politique (Fable électorale de Roland Bacri ou La cour du Lion de L.F), l’économie (La cigale et la fourmi de L.F) ou tout simplement le savoir vivre. Ces nombreux sujets lui permettent de ne pas s’essouffler, d’autant plus qu’ils sont sans cesse revisités et réactualisés par de nouveaux auteurs pour témoigner et s’adapter au contexte de l’époque. Dans l’hypertexte de Jean Anouilh du chêne et du roseau écrit en 1967, la morale de Jean de La Fontaine est complètement retournée, ce n’est pas la souplesse du roseau qui est saluée, mais la force et la résistance du chêne, métaphore de celle des résistants de la seconde guerre mondiale. Aussi, les auteurs ne se contentent pas de moderniser le contexte des fables, ils en modifie également le style.

Même si de nombreux pastiches de fables sont aujourd’hui encore écrits, comme les Exercices de style de Raymond Queneau, les auteurs modernes se plaisent à briser les règles d’écriture définies par leur prédécesseurs pour proposer des parodies de leurs fables, détourner leurs morales, ou tout simplement écrire de nouvelles fables modernes, comme l’a fait Raymond Devos dans sa fable Mon chien c’est quelqu’un écrite en prose et dans un langage familier. Dans Le peuplier et le roseau, Raymond Queneau rompt avec les procédés d’écriture de La Fontaine, enlevant toute majuscule aux noms des protagonistes, n’alternant pas comme lui octosyllabe et alexandrin et optant pour un langage familier et moderne. C’est également ce qu’il a fait dans La Vie du Loup, réécriture de La mort du Loup d’Alfred de Vigny, ou ce qu’a effectué Henri Michaux dans Dieu, La providence, modernisant au travers de la parodie des fables classiques, détournant leur morale, les rendant intéressantes aux lecteurs de leur génération et permettant au genre de la fable de traverser les époques.

Ainsi, si la fable persiste encore à l’époque contemporaine, c’est parce qu’elle est aussi bien un récit plaisant de par sa brièveté, sa vivacité et les animaux qu’elle met en scène, qu’un récit didactique, comportant une morale implicite ou explicite et parfois une satire proposant une critique de la société de l’époque. Le genre de la fable est également en constante évolution, il traite de sujets universels, renouvelés par des écrivains toujours plus inventifs, parodiant et brisant les codes des fables dont ils s’inspirent et en inventant de nouvelles afin d’intéresser les lecteurs de leur génération.