Commentaire de l'extrait du chapitre 3 de l'écume des jours, la patinoire, de Boris Vian
Par Andrea • 26 Octobre 2018 • 2 509 Mots (11 Pages) • 2 385 Vues
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Des expressions prises au pied de la lettre :
« une patineuse à la fin d’un magnifique grand-aigle, venait de laisser tomber un gros œuf ». Un grand aigle est une figure de patinage artistique.
Humour, gag de dessin animé : elle est assimilée à l’oiseau et pond un œuf. « un homme à chandail blanc lui ouvrit une cabine, encaissa le pourboire qui lui servirait pour manger, car il avait l’air d’un menteur. Jeu sur pour boire/pour manger
- « c’est un pigeon ». Au sens figuré un homme qu’on dépouille, qu’on roule. Ici l’homme a réellement une tête de pigeon car il en est un au sens figuré.
b) Mot-valise : varlets-nettoveurs
Déformation de valets+varlope (robot à poignée)
War+laid+nettoyeur (vocabulaire militaire)
c)Calembours et contrepèteries
-« porte-cuir en feuilles de Russie » : contrepèterie : inversion de syllabes, portefeuille en cuir+ calembour : substituer un mot par un autre qui lui ressemble phonétiquement : Russie -> roussette.
- « Le couloir tapis de caoutchouté » : le tapis caoutchouté du couloir : contrepèterie
- « double jeu battant de portes vitrées à barre de cuivre » : un jeu de doubles
portes vitrées battantes à barres de cuivre
-> Ces contrepèteries et calembours attirent notre attention sur ces phrases étranges. Ces phrases ont toutes en commun de décrire de manière très technique et précise des objets. Il s’agit d’une parodie du langage technique.
3. les parodies
- parodie du langage technologique. Autre exemple : « croisant des êtres grands
car montés sur lames-métalliques verticales »
- parodie d’un roman académique où l’auteur veut grossir les effets à outrance
et utilise un vocabulaire très soutenu : « destinés à entretenir au fond des âmes
les mieux trempées un frisson d’incoercible terreur »
II. Les principes du Surréalisme
1. La révolte
a) Contre la société
- Critique de l’exploitation du travailleur : par les expressions prises au pied de la lettre : En jouant avec les mots, Boris Vian nous montre ce qu’il y a de caché derrière notre langage : il dénonce les clichés de l’idéologie bourgeoise. Les bourgeois voient les simples travailleurs comme des alcooliques (fainéants, menteurs...). Il montre en fait la pauvreté des travailleurs qui utilisent leur pourboire pour manger (autrement dit, le salaire ne suffit pas). L’image de l’homme à tête de pigeon va dans le même sens : le travailleur est exploité, on le prend pour un « pigeon »
- II nous présente une société où les gens marchent au pas, où si on ne suit pas la masse, on provoque des catastrophes. (Colin se trompe de sens, et provoque la mort et l’élimination d’innocents). Les personnages ressemblent à des robots disciplinés : ils se rangent les uns à côté des autres : « Colin se mit à la gauche de celle-ci dont Chick occupait déjà le flanc dextre. Ils se rangèrent ». Il critique cette société de masse où il faut suivre le sens giratoire, où l’individu n’a pas le droit de s’exprimer : »des lambeaux sans intérêt d’individualités dissociées ». L’individu est noyé dans la masse qui marche au pas, qui suit les directives sans réfléchir : « le piétinement des patineurs (...) présente une analogie avec le bruit des pas d’un régiment ». Il prône les valeurs de l’individu contre la masse (cf avant-propos : « il apparaît en effet que les masses ont tort et les individus toujours raison »).
- On trouve une insistance sur le vocabulaire administratif qui correspond à la société dictatoriale décrite, une société obsédée par l’ordre où même les morts font désordre. « affecté au service de la patinoire », « disposé à cet effet », « faire leur office », «tout rentra dans l’ordre », « le niveau sonore des moments d’affluence ». + insistance sur la logique, une pseudo-rationalité ; « car », « il monta donc l’escalier en béton », « car il avait l’air d’un menteur », « il disposa alors les chaussures », « il enfila alors une paire de chaussettes »+ fausse logique : « et ne comprit pas pourquoi on l’avait affecté au service de la patinoire plutôt qu’à celui de la piscine » (le lecteur ne comprend pas non plus pourquoi un homme à tête de pigeon aurait été plus adapté à la piscine qu’à la patinoire ). Critique des règles illogiques de l’administration sous une apparence d’ordre et de logique.
- Dénonciation de la guerre et de l’armée, critique que l’on retrouvera plus loin dans le livre. On connaît l’engagement pacifiste de Boris Vian : « varlets-nettoyeurs », « bruit de pas d’un régiment dans la boue ». Horreur de cette scène où on fait disparaître avec légèreté des cadavres.
- Dénonciation de l’Eglise (que l’on retrouvera accentuée dans les passages du mariage et de l’enterrement). Dénonciation de l’hypocrisie de la prière : un moyen de se donner bonne conscience pour continuer à vivre tranquillement. Hypocrisie des pratiques religieuses : « Chick, Alise et Colin firent une courte prière et reprirent leur giration »
b) Critique d’une société ultra-technologique
- Les deux réseaux d’images inversés qui biologisent la matière et déshumanisent les hommes montrent les dangers du matérialisme, de la science et de la technologie à outrance. Dans cet univers (peut-être pas si loin du nôtre), les objets ont tellement d’importance qu’ils en deviennent vivants tandis que les hommes perdent leur humanité et s’apparentent à des animaux puis à des objets.
- De même, à travers la parodie du langage technologique, il dénonce l’univers ultra technologique où les objets ont pris une place et une importance phénoménales et démesurées.
c) Révolte contre la logique
Le récit ne respecte pas les lois physiques de l’univers. Ici, la fantaisie est reine. Nous sommes dans un univers au-delà du miroir : la.couleur peut se détacher de l’objet : « la couleur du mouchoir, emportée par le vent, se déposa sur un grand bâtiment déforme irrégulière », le bruit se fait
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